Euthanasie d'un animal en bonne santé : quel est le rôle du vétérinaire

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Marion Renson-Bourgine, édité par la rédaction.
Publié le 02 février 2018 - 16:35
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Un chien chez le vétérinaire.
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©Jewel Samad/AFP
Seul le vétérinaire a le droit de mettre fin à la vie d’un animal.
©Jewel Samad/AFP
Il y a quelques semaines, Alain Delon a fait part de son intention de faire euthanasier son chien afin qu'il meure en même temps que lui. Mais cette pratique est-elle légale si l'animal est en bonne santé? Pour "France-Soir", Marion Renson-Bourgine, juriste spécialisée dans le droit animalier, revient sur la législation en la matière.

"Bonjour docteur, je souhaiterais faire euthanasier mon chien". Or, ce chien est en bonne santé mais ne semble plus être le bienvenu chez son propriétaire. Il s’agit d’une euthanasie de convenance[1]. Que peut répondre le vétérinaire[2]? Que dit la loi?

Seul lui a le droit de mettre fin à la vie d’un animal[3].L’article R655-1 du code pénal incrimine le fait de tuer un animal sans nécessité[4]. L’euthanasie de convenance peut poser des difficultés au regard de l’application de cet article. Et ce, puisque la seule raison d’y procéder repose sur la volonté du maître de se débarrasser de son animal et non sur une nécessité médicale pour ce dernier ou pour toute autre cause justifiée (cas des chiens dangereux ou problème de santé publique). C’est pourquoi, l’enjeu est considérable et qu’il convient de s’interroger sur le rôle du vétérinaire pour éviter tout engagement de sa responsabilité pénale.

La plupart d'entre eux refusent de pratiquer l’euthanasie d’un animal en bonne santé. Leur refus ne peut leur être reproché au nom de leur profession qui repose sur le respect de l’animal[5]. De plus, l’article R242-33 I du Code rural et de la pêche maritime[6] pose le caractère personnel de "l’exercice de l’art de vétérinaire": "chaque vétérinaire est responsable de ses décisions et de ses actes". En d’autres termes, la loi n’impose pas au vétérinaire de répondre par l’affirmative ou par la négative à cette demande. Cependant, il est susceptible de mettre en jeu sa responsabilité en cas de litige. C’est pourquoi, il est nécessaire de prendre un certain nombre de précautions.

Lire aussi - Alain Delon veut mourir avec son chien, il le piquera avant de partir

Le refus ne peut être attaqué par le propriétaire dès lors qu’il existe d’autres alternatives pour l’animal. Le vétérinaire est un acteur essentiel, voire le premier acteur, dans la protection du bien-être animal. Ses décisions doivent se prendre en son respect, conformément à l’article 515-14 du code civil reconnaissant la qualité d’être vivant doué de sensibilité à l’animal[7]. Cinq besoins du bien-être animal[8] doivent être respectés: être libre de pouvoir manger et boire, être exempt de douleur, de blessure ou de maladie, être dans le confort, être exempt de peur et de stress et pouvoir adopter son comportement naturel. Dès lors que l’un de ces points n’est possible, l’euthanasie devient envisageable pour répondre au bien-être animal[9]. Or, dans le cadre d’une euthanasie de convenance, ce n’est pas directement l’un de ces cinq besoins qui fait défaut mais plutôt la volonté du propriétaire de garder l’animal.

En effet, les causes d’une telle demande sont diverses (changements sociaux ou géographiques impliquant trop de contraintes, absence de volonté de s’occuper de l’animaL, etc.) mais toutes ont en commun la prédominance du confort personnel du propriétaire avec un attachement quasi-absent à l’animal. Le vétérinaire ne peut répondre positivement à cette demande à la légère sous peine d’engager sa responsabilité. Il doit rechercher une alternative, notamment en essayant de placer l’animal chez un particulier ou dans un refuge.

Il doit aussi, dans la mesure du possible, s’assurer de la volonté réelle et réfléchie du propriétaire par rapport à son choix. Une fois la réflexion bien posée avec lui et l’impossibilité pour le vétérinaire de trouver une alternative[10], la décision revient discrétionnairement au praticien, comme en témoigne l’article R242-48 du Code de déontologie vétérinaire[11].

Cependant, son refus peut s’avérer indirectement en conflit avec le bien-être animal puisque le risque futur est que le propriétaire décide de se débarrasser de son animal autrement, notamment par abandon (générateur de stress et d’angoisse pour l’animal) ou par noyade (occasionnant une mort douloureuse) ou autre procédé néfaste pour l’animal. Si toutefois il accepte de le faire, il est préférable de se prémunir de preuves écrites du consentement libre et éclairé du propriétaire et des démarches réalisées au préalable. Si l’issue semble inéluctablement négative pour l'animal, dans ce cas, l’euthanasie lui permet de partir tranquillement et sans souffrance.

Quoi qu’il en soit, il est difficile de poser des règles juridiques fermement dans un sens ou dans l’autre quant à l’interdiction ou la légalité de l’euthanasie de convenance. La légitimité de l’acte ne peut que reposer sur la conscience professionnelle du vétérinaire. Ce dernier étant le garant du bien-être animal, il  doit prendre ses décisions conformément à la qualité d’être vivant doué de sensibilité. Mettre fin à la vie d’un animal n’est pas anodin et sans conséquence morale pour le vétérinaire qui, à l’origine, choisit ce métier pour sauver des vies animales. Par conséquent, lui seul est en mesure de dicter sa propre conduite. Reste à savoir quel vétérinaire acceptera d’euthanasier le chien d’Alain Delon si la question se pose un jour…


[1]L’euthanasie de convenance ne concerne pas l’euthanasie des animaux dangereux pour lesquels des dispositions spéciales s’appliquent.

[3]"Seul un vétérinaire ou une autre personne compétente doit procéder au sacrificed'un animal de compagnie, excepté en cas d'urgence pour mettre fin aux souffrances d'unanimal et lorsque l'aide d'un vétérinaire ou d'une autre personne compétente ne peut être obtenue rapidement ou dans tout autre cas d'urgence prévu par la législation nationale", art. 11-1 de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie (https://rm.coe.int/168007a684).

[4]"Le fait, sans nécessité, publiquement ou non, de donner volontairement la mort à un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe" (https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419579&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20180129&oldAction=rechCodeArticle&fastReqId=991461121&nbResultRech=1).

[6]Cité dans le Code de déontologie vétérinaire (https://www.veterinaire.fr/la-profession/code-de-deontologie.html)

[7]https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000030250342 / V. Jean-Pierre Marguénaud, L'entrée en vigueur de "l'amendement Glavany": un grand pas de plus vers la personnalité juridique des animaux. Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2014, p. 15 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2015/04/RSDA-2-2014.pdf

[8] Muriel FALAISE, "Droit animalier: Quelle place pour le bien-être animal?", RSDA n° 2/2010, pp. 11-33. http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/61_RSDA_2-2010.pdf

[9]ALBRO HOUPT K., GOODWIN D., UCHIDA Y., BARANYIOVA E., FATJO J.,KAKUMA Y. (2007). Proceedings of a workshop to identify dog welfare issues in theUS, Japan, Czech Republic, Spain and the UK. Applied Animal Behaviour Science, 106,221-233 ;International Companion Animal Management Coalition. The welfare basis for euthanasiaof dogs and cats and policy development. 

[11]"VI. - Il doit répondre, dans les limites de ses possibilités, à tout appel qui lui est adressé pour apporter des soins d'urgence à un animal d'une espèce pour laquelle il possède la compétence, la technicité et l'équipement adapté ainsi qu'une assurance de responsabilité civile professionnelle. S'il ne peut répondre à cette demande, il doit indiquer le nom d'un confrère susceptible d'y répondre. En dehors des cas d'urgence, il peut refuser de prodiguer des soins à un animal ou à un lot d'animaux pour des motifs tels qu'injures graves, défaut de paiement, ou pour toute raison justifiée heurtant sa conscience ou lorsqu'il estime qu'il ne peut apporter des soins qualifiés. La permanence des soins peut également être assurée dans le cadre d'une convention établie entre vétérinaires libéraux et déposée auprès du conseil régional de l'ordre" (http://www.codes-et-lois.fr/code-rural-et-de-la-peche-maritime/article-r242-48).

 

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