Frappes en Syrie : Theresa May face à une forte opposition politique

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Par Antoine POLLEZ - Londres (Royaume-Uni) (AFP)
Publié le 14 avril 2018 - 15:16
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La Première ministre britannique Theresa May lors d'une conférence de presse à Londres, le 14 avril 2018
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© SIMON DAWSON / POOL/AFP
La Première ministre britannique Theresa May lors d'une conférence de presse à Londres, le 14 avril 2018
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Les partis d'opposition britanniques et plusieurs ONG ont condamné samedi la décision de Theresa May de mener une opération en Syrie sans consulter le Parlement, rompant avec un usage en vigueur depuis l'intervention en Irak en 2003, qui a laissé de profonds stigmates dans le pays.

"Le Royaume-Uni devrait jouer un rôle de leader dans la recherche d'un cessez-le-feu dans ce conflit, et non recevoir des instructions de Washington", a réagi le leader de l'opposition, le travailliste Jeremy Corbyn.

Le fondement de l'action de la Royal Air Force, qui a mobilisé quatre avions de combat pour tirer des missiles Storm Shadow, est selon M. Corbyn "légalement discutable", et la Première ministre conservatrice Theresa May aurait dû "chercher l'approbation du Parlement".

Formellement, Theresa May avait le pouvoir d'engager son pays dans une action militaire sans consulter le Parlement. Mais depuis l'engagement britannique en Irak, décidé en 2003, une pratique s'est établie, consistant à soumettre les opérations militaires à l'étranger à un vote des députés.

Mme May a annoncé samedi qu'elle s'exprimerait lundi devant le Parlement, et a assuré que ces frappes étaient "légales", son gouvernement publiant ensuite un document avalisant l'intervention d'un point de vue juridique.

"En vertu du droit international, le Royaume-Uni est autorisé, à titre exceptionnel, à prendre des mesures pour soulager des souffrances humanitaires écrasantes", affirme ce document. "La base légale du recours à la force est l'intervention humanitaire".

L'exécutif britannique assure avoir respecté trois conditions nécessaires dans ce contexte: urgence, absence d'alternative, usage proportionné de la force.

Le Royaume-Uni reste hanté par le déploiement très controversé de troupes en Irak en 2003, aux côtés des Américains, au motif de la présence d'armes de destruction massive qui n'ont jamais été trouvées.

- Refus d'intervention en 2013 -

"Les bombes ne sauveront pas de vie et n'apporteront pas la paix", a martelé M. Corbyn, un pacifiste convaincu. Et l'intervention militaire rend plus hypothétique la possibilité de déterminer les responsabilités des crimes de guerre en Syrie, a-t-il dit.

Dans une lettre adressée à Theresa May, le leader du Labour a plaidé pour une issue "diplomatique" afin de "désamorcer" les tensions.

Les formations d'opposition partagent largement ces critiques, ainsi que des acteurs de la société civile.

"Marcher dans le sillage d'un président américain imprévisible ne peut remplacer un mandat de la chambre des Communes", a tancé le leader du Parti libéral-démocrate (centre), Vince Cable, rejoint sur ce point par Stewart McDonald, un porte-parole du Parti nationaliste écossais, troisième force politique au Parlement.

"La Première ministre aurait pu et aurait dû rappeler le Parlement cette semaine", a jugé Vince Cable.

Au sein du Parti conservateur en revanche, les députés ont exprimé leur soutien au gouvernement, Tom Tugendhat saluant par exemple la décision "juste", bien que "triste", de la Première ministre.

- Appel à manifester -

En 2014 puis en 2015, les députés avaient donné leur feu vert à la participation à des raids de la coalition internationale menée par les États-Unis contre le groupe jihadiste État islamique en Irak et en Syrie. Le Parlement s'était cependant opposé en 2013 à une action militaire contre le régime de Bachar al-Assad.

Comme l'opposition, l'organisation Stop the war coalition a "condamné les attaques", estimant qu'"elles n'apporteront aux Syriens rien d'autre que davantage de misère et de destructions".

Stop the war a appelé à des manifestations samedi à travers le Royaume-Uni et à une mobilisation lundi devant le parlement.

La Campagne pour le désarmement nucléaire (CND) a elle exprimé son désaccord avec une décision prise "à l'encontre du droit international" et au "mépris" de l'opinion publique.

Selon un sondage YouGov réalisé auprès de 1.600 personnes et publié jeudi, 43% des Britanniques étaient contre des frappes aériennes en Syrie, seulement 22% y étant favorables.

Theresa May ne devrait toutefois guère pâtir des critiques, estime Peter Felstead, l'éditeur du magazine spécialisé Jane's Defence Weekly.

"Attendre" une consultation du parlement aurait "potentiellement compromis l'efficacité des frappes", souligne-t-il dans une déclaration à l'AFP. Pour Theresa May, cette opération était "la bonne chose à faire d'un point vue politique et opérationnel" assure-t-il.

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