Migrants : l'épiscopat prêche la "générosité", la base catholique plus réticente

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Par Benoît FAUCHET - Paris (AFP)
Publié le 12 janvier 2018 - 15:57
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Le Pape François avec des réfugiés syriens le 11 août 2016
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© OSSERVATORE ROMANO / OSSERVATORE ROMANO/AFP/Archives
Le Pape François et des réfugiés syriens le 11 août 2016
© OSSERVATORE ROMANO / OSSERVATORE ROMANO/AFP/Archives

Avant la "journée mondiale du réfugié" dimanche, l'épiscopat appelle à davantage de "générosité" dans l'accueil des migrants même si une partie de l'opinion catholique y est réticente, voire hostile".

"Accueillir, protéger, promouvoir, intégrer": quatre priorités édictées par le pape François, qui a fait de la question migratoire un marqueur fort de son pontificat.

Quatre verbes déclinés cette semaine par le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Georges Pontier, et deux évêques chargés de ce dossier, dans un "appel solennel" invitant les chrétiens et autres citoyens "de bonne volonté" à l'engagement.

Cette exhortation, émise en amont de la 104e "journée mondiale du migrant et du réfugié" organisée dimanche dans toute l'Eglise catholique, est relayée par les diocèses. Celui de la capitale réunit samedi sa centaine de paroisses en l'église Saint-Denys de la Chapelle, dans un quartier du XVIIIe arrondissement devenu point de ralliement des migrants.

Le sujet est "difficile", a relevé le nouvel archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, dans un entretien au Monde. "Il y a peut-être une différence dans l'accueil de gens qui sont dans une situation de détresse absolue, pour qui on ouvre toutes les portes, et ceux qui viennent pour des raisons économiques. Là, ça passe effectivement moins bien au niveau des fidèles", a-t-il développé.

Pour lui, il faut concilier "l'accueil inconditionnel", au coeur de l'Evangile, et la recherche du "bien commun", reconnu par la doctrine sociale de l'Eglise et au nom duquel un gouvernement peut limiter la venue d'étrangers afin de ne pas fragiliser le tissu social.

"C'est à l'articulation des deux principes que se situe la crête", estime Mgr Aupetit.

Même les catholiques pratiquants affichent une "adhésion molle à l'accueil des migrants", écrit le politologue Jérôme Fourquet dans un essai paru vendredi, "A la droite de Dieu". En cause: la peur d'un islam jugé conquérant ou facteur de communautarisme. VE8Z7

"Suivant les quartiers, des personnes ont pu se sentir en insécurité culturelle", estime Mgr Pontier, qui souhaite qu'"une plus grande place soit donnée à la raison, non pas simplement aux slogans et aux peurs".

- Une "bénédiction" -

Pour Jérôme Fourquet, "l'inquiétude sécuritaire et identitaire des catholiques, et notamment des non pratiquants, beaucoup moins sensibles au message papal, se mesure à la différence de réaction selon qu'il s'agisse des migrants en général - de fait très majoritairement musulmans - ou des chrétiens d'Orient".

En novembre 2016, l'institut Ifop pointait du doigt 44% d'adhésion à l'accueil des migrants dans l'ensemble des Français, et à peine plus (46%) chez les catholiques pratiquants, en revanche majoritairement favorables (67% au printemps 2016) à la venue de chrétiens orientaux.

Les évêques eux-mêmes ne parlent pas d'une seule voix: des figures plus conservatrices comme Mgr Marc Aillet (Bayonne) et Mgr Dominique Rey (Toulon) insistent surtout sur la solidarité avec les chrétiens de Syrie et d'Irak.

Confronté à une base et même un épiscopat partagés, Mgr Pontier modère les critiques de l'Eglise contre la politique migratoire du gouvernement. Il laisse en première ligne le Secours catholique, vent debout contre la circulaire ministérielle prévoyant un recensement des migrants dans les centres d'hébergement d'urgence, et contre le projet de loi "asile et immigration", vu comme "un renoncement sans précédent aux valeurs et aux traditions humanistes de la République".

Tout en rappelant à l'Etat "ses obligations en matière d'accueil", notamment en ce qui concerne les mineurs étrangers isolés, la CEF préfère mettre l'accent sur une "réponse commune" qui ne repose pas uniquement sur les pouvoirs publics.

"J'invite tous les Français à plus de générosité", a souligné Mgr Pontier.

Les catholiques sont eux-mêmes appelés à "accroître leur engagement". Selon le père Carlos Caetano, responsable de la pastorale des migrants, plus de 3.000 réfugiés ont déjà été accueillis dans les diocèses depuis l'appel lancé par le pape en septembre 2015. Une "bénédiction" pour certaines communautés paroissiales, qui y trouvent "un nouveau souffle", selon le texte de la CEF.

"Quand on rencontre les gens, toutes les barrières, tous les préjugés tombent", fait valoir Mgr Georges Colomb (La Rochelle).

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