Nazarbaïev, autocrate policé des steppes du Kazakhstan

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Par Christopher RICKLETON - Astana (Kazakhstan) (AFP)
Publié le 19 mars 2019 - 17:42
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Noursoultan Nazarbaïev lors du sommet de la Communauté des Etats indépendants (CEI) à Bichkek le 16 septembre 2016
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© Vyacheslav OSELEDKO / AFP/Archives
Noursoultan Nazarbaïev lors du sommet de la Communauté des Etats indépendants (CEI) à Bichkek le 16 septembre 2016
© Vyacheslav OSELEDKO / AFP/Archives

Noursoultan Nazarbaïev, qui a annoncé mardi sa démission surprise, a dirigé le Kazakhstan pendant trois décennies, s'imposant comme un autocrate policé dont l'atout principal face aux accusations de despotisme était d'être à la tête de l'économie la plus prospère d'Asie centrale.

Cet homme de 78 ans au visage rond, avare en sourires et au regard vif, a commencé sa carrière comme ouvrier dans la métallurgie avant de grimper les échelons du Kazakhstan soviétique pour en devenir en 1989 le n°1, premier secrétaire du Parti communiste local.

Elu président en 1991, dans un scrutin où il était seul candidat, il s'est ensuite accroché fermement au pouvoir, remportant les quatre élections suivantes dès le premier avec au moins 80% des voix et 97,7% lors de la présidentielle de 2015. Malgré une indéniable popularité, il n'aura jamais organisé d'élections libres, selon l'OSCE et les observateurs.

En 2011, il avait rejeté une proposition du Parlement d'organiser un référendum lui permettant de se maintenir à la présidence jusqu'en 2020. Pour déclarer aussitôt qu'il était prêt à rester indéfiniment au pouvoir.

"Je suis prêt à travailler autant que je le pourrais, si mon état de santé me le permet", avait alors déclaré Nazarbaïev.

Apparatchik soviétique typique, Noursoultan Nazarbaïev a opéré comme d'autres dirigeants locaux une mue politique à la chute de l'URSS en 1991, quand le Kazakhstan a accédé à l'indépendance.

Il s'est converti au capitalisme, a imposé peu à peu sur la scène internationale sa vaste république désertique, riche en hydrocarbures et minerais, encadrée par les géants russe et chinois.

- Politique "multivectorielle"-

Malgré son autocratie, le Kazakhstan a obtenu la présidence 2010 de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Car Nazarbaïev, jouant d'une politique étrangère "multivectorielle", selon la terminologie officielle, a su se lier d'amitié aussi bien avec Moscou et Pékin qu'avec Washington.

Il réussit même à placer son pays sur la carte du monde diplomatique en accueillant, depuis 2017, des pourparlers de paix sur la Syrie réunissant l'Iran, la Turquie et la Russie.

Pour maintenir cet équilibre, Nazarbaïev a utilisé avec pragmatisme ses énormes réserves d'hydrocarbures, accordant aux uns et aux autres concessions pétrolières et oléoducs, tout en agitant la menace d'amendes ou d'expropriations pour protéger les intérêts kazakhs.

Le résultat a été spectaculaire: jusqu'à 2008, le Kazakhstan a enchaîné une décennie de croissance flirtant avec les 10% annuels.

Depuis, la machine s'est grippée et le pays souffre de la chute des prix des hydrocarbures en 2014, provoquant des mouvements sociaux jusqu'alors inédits qui avaient notamment poussé le président kazakh à repousser en 2016 une impopulaire réforme agraire.

Dans ce contexte, Noursoultan Nazarbaïev avait limogé fin février son gouvernement, se disant insatisfait des performances économiques du pays.

- Culte de la personnalité -

Noursoultan Nazarbaïev, auquel a été accordé en 2010 --officiellement contre son gré-- le titre de "Père de la Nation" lui conférant des pouvoirs et une immunité à vie, a une face plus sombre.

Plusieurs de ses opposants sont morts dans des circonstances troubles, d'autres ont été emprisonnés ou contraints à l'exil et plusieurs médias d'opposition ont été interdits, souvent accusés "d'extrémisme".

Depuis la répression dans le sang d'une émeute d'ouvriers en grève du secteur pétrolier à Janaozen (ouest), qui avait fait 14 morts en 2011, les poursuites contre l'opposition n'ont fait que s'accroître.

Comme ses voisins d'Asie centrale, Noursoultan Nazarbaïev n'a pas oublié d'imposer son culte de la personnalité. A Astana, capitale depuis 1997, il a forgé une ville extravagante à coup de milliards, élevant des gratte-ciel biscornus, une pyramide, un musée à sa gloire et d'autres bizarreries architecturales censées incarner la réussite kazakhe.

La photo du président, omniprésent à la télévision, s'affiche aussi le long des routes et ses citations s'étalent dans les localités kazakhes. Dans la constitution, il figure même comme co-auteur de l'hymne national.

Depuis 2012, le Kazakhstan célèbre également le "Jour du premier président", commémorant la première élection du président Nazarbaïev le 1er décembre 1991.

Sa réputation aura néanmoins été ternie au début des années 2000 par un scandale de corruption pour l'attribution de concessions pétrolières. Conséquence d'une procédure judiciaire, ce "kazakhgate" l'empêchera pendant six ans de se rendre aux Etats-Unis.

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