Nous aurait-on menti  ?

Auteur(s)
Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 24 mai 2024 - 15:30
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Droits et devoirs
Crédits
FS
Nous aurait-on menti ?
FS

 « Pour nous, c'est la justice, pour vous, c'est la loi. » - Laurent Fabius (1)

ÉDITO - Une justice à deux vitesses, ou plus exactement « à géométrie variable et à ajustements constants » : est-ce la définition de la justice « de la République », aujourd’hui, au pays des droits de l'homme ?

Doit-on déduire de l'article 1er de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », que le monde est divisé en deux catégories ?

D'un côté, « les hommes » : des individus qui, par le biais d'une mystification politicienne, se sont arrogés tous les pouvoirs, considérant qu'à ce titre, ils ont tous les droits ?

De l'autre « les citoyens » : des personnes qui elles n'ont que des devoirs ?

Mais, devoirs envers qui ? Envers les premiers ! Ces individus qui auraient construit ce monde divisé en deux, et dont le mode de fonctionnement consisterait en une impunité pour certains, les initiés, avec une justice aux ordres, entre les mains des membres de leur équipe. Et « Dura lex sed lex » pour les autres, les profanes, citoyens de base, avec une application stricte et sévère de la loi par l'administration et par la justice. À l'inverse de l'application de la loi la plus favorable possible (dans tous les domaines et au sein d'une collusion intervenant à tous les échelons), dont certains magistrats « copains des copains » et autres fonctionnaires réservent les bénéfices aux membres de cette caste. (2)

Il conviendrait alors d'appeler cette organisation une clique. « La » clique (ou mafia), vu qu'étant alors étatique et procédant d'une collusion généralisée. En comparaison, cette coterie ramènerait la taille et l'étendue de la clique revendiquée (la pègre) à un club de bridge (« Le 1789 »), et relaierait les parrains officiels et reconnus au rang de simples malfrats.

Au regard de l'actualité politico-judiciaire récente, certaines questions méritent d'être posées.

En effet, outre justement (on y vient) la relaxe que la Cour de justice de la République a prononcée au bénéfice d'Éric Dupont-Moretti, le 29 novembre 2023, sur le fondement d'un argument « stupéfiant » (et sujet d’un édito précédent), une autre vedette de la Macronie vient de profiter de « la flexibilité » de la justice : le grand écart auquel elle a l'habitude de se livrer, malheureusement pour l'article 1er de la Déclaration universelle de droits de l'homme et du citoyen. À savoir la différence de traitement, entre des affaires portant pourtant sur des faits et des infractions pénales similaires, selon que la personne mise en cause est un citoyen lambda ou un "people" de la politique.

Et ceci tant s'agissant des termes qui sont employés par les politiciens, magistrats et journalistes, que du traitement du dossier en lui-même. (3)

Je m'explique. 

Mise en cause dans le cadre d'un trafic de stupéfiants, Madame Jamilah Habsaoui, maire d'Avallon, une fidèle de la première heure d'Emmanuel Macron, a été incarcérée, le 10 avril 2024, à la maison d'arrêt de Dijon.

La raison à cela, une broutille. La découverte, à son domicile, par la police, de vingt lingots d'or, de soixante kilos de cannabis, d'un kilo de cocaïne et de la somme de 7 000 euros en liquide.

« Une paille » serais-je plutôt tenté de dire. Non pas en référence à ce kilo de cocaïne, mais eu égard au fait que Madame Habsaoui vient d'être libérée, la semaine dernière : le 14 mai 2024.

Si, comme elle le soutient effectivement elle n'est en rien coupable, alors elle n'est coupable de rien !

Cependant, nonobstant les éléments à décharge apparus au dossier postérieurement à son placement en détention provisoire (4), c'est « à bon droit » que l'on peut se poser la question de savoir si le fait que Madame Habsaoui soit un membre originel de la Macronie, ait pesé ou non dans la "balance".

Pourquoi « à bon droit » ?

Parce que « d'ordinaire » (j'entends par là le traitement habituel du dossier pour une telle quantité d'or, et surtout pour une telle quantité de cannabis et de cocaïne), quand une personne mise en cause est un citoyen lambda, elle est maintenue en détention provisoire jusqu'à la clôture de l'instruction. Sinon, les juges d'instruction ayant pléthore d'affaires à traiter, dont des dossiers encore plus graves, des crimes, le délai au terme duquel le juge d'instruction revient ou non sur la détention provisoire de la personne mise en cause au principal lors de l'ouverture du dossier est très largement supérieur à un mois, et plus généralement proche de quatre mois. A fortiori depuis l'entrée en vigueur du délai justement de quatre mois, que la Chambre de l'instruction peut imposer à la personne mise en examen entre deux demandes de libération provisoire.

Notons également, à ce sujet, qu'en dépit des éléments à décharge susdits, Madame Habsaoui demeure mise en examen « des chefs des délits » (5) de détention et complicité d’offre ou de cession de stupéfiants, et qu'à ce titre, elle a été placée sous contrôle judiciaire.

Autres éléments peu « ordinaires », d'une part la libération de Madame Habsaoui a été validée « après avis favorable du parquet » (dixit Hugues de Phily, procureur de la République au TGI d'Auxerre), et d'autre part, elle est intervenue « dans le cadre d’un calendrier d’investigations prévu dès l’origine entre le parquet et les juges ».

Ah bon ?

Une collaboration de cet acabit entre uniquement le juge d'instruction, la juridiction saisie du litige, et le parquet, la partie poursuivante, à savoir sans que les personnes mises en examen en soient averties, n'opère-t-elle pas une violation manifeste du principe général du droit pénal de l'équilibre des droits entre les parties, et de celui du contradictoire (article préliminaire du Code de procédure pénale) ?

Le « Oui » est la réponse qui me semble être appropriée à cette question. C'est sans doute la raison pour laquelle ce genre de collaboration est très peu fréquente. En tout cas officiellement.

Je poursuis.

Le frère de Madame Habsaoui, Benaïssa Habsaoui, initialement incarcéré lui aussi dans le cadre de cette affaire, qui  a reconnu son implication dans un trafic de drogues, a été remis en liberté par la chambre de l’instruction de Paris, le 24 avril. Cette dernière a estimé que la détention provisoire de ce suspect « n’était pas le seul moyen de poursuivre les investigations lancées à la fin de l’année 2023. »

Toujours pour une telle grande quantité de cannabis et de cocaïne, ceci est pareillement peu courant, notamment à ce stade peu avancé de l'instruction. Très éloigné de sa clôture.

Madame Habsaoui a déclaré aux journalistes, peu après sa sortie de prison :

« J’ai confiance en la justice de la République. »

N'est-ce pas là la formule type "des copains des copains" quand ils sont pris la main dans le sac ?

Eh oui ! C'est j'ai confiance en la justice « de la République », qu'elle a dit, et non pas « de mon pays. »

C'est tout à fait différent. Ça n'a rien à voir.

Comme France Gall l'a chanté (texte de Michel Berger) : « C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup. »

D'autant plus que selon l'expression consacrée « Le diable se cache dans les détails » (6), une expression dont, je dois le reconnaître, l'utilisation n'est pas l'apanage des macroniens, quoique...

De plus, Madame Habsaoui a ajouté à cela, en s'adressant, un peu plus tard, à ses administrés et aux membres du conseil municipal d'Avallon :

« Soyez assurés que jamais, je ne compromettrai ni ma probité ni mon honneur, de même que jamais, je ne trahirai votre confiance. »

Je ne sais pas vous, mais moi ça me rappelle un peu, beaucoup même, un certain Jérôme Cahuzac, et la tirade qu'il a lancée à l'Assemblée nationale et au journal télévisé avec la même solennité : « Je vous le jure droit dans les yeux : je n'ai jamais eu de compte bancaire en Suisse. »

Enfin, dernier élément de la liste (non exhaustive) dressée ici, de ce qui permet de supposer, sans parti pris, que le fait que Madame Habsaoui est une fidèle de la première heure d'Emmanuel Macron, a joué, et va continuer de jouer en sa faveur, c'est le soutien unanime que lui apportent ses collègues et alliés politiciens. Et ceci tant sur le fond que sur la forme, à savoir l'emploi des formules types qu'ils utilisent quand l'un des leurs est mis en examen.

Voici deux exemples.

Mani Cambefort, premier secrétaire fédéral du Parti Socialiste (PS) dans l'Yonne : « La justice suit son cours, mais elle n'est plus membre du PS, je n'ai pas à commenter cette affaire. Cela nuirait à la sérénité de l'affaire judiciaire et je suis attaché à la séparation des pouvoirs. »

André Villiers, député Horizons et apparentés (HOR) de la 2ème circonscription de l'Yonne : « La présomption d'innocence prévaut. C'est être responsable que de mesurer ses mots sur ce sujet. Il ne faut pas entacher la réputation de la personne si elle n'est pas coupable. »

D'où très certainement le tweet et la photo par lesquels un internaute dont le pseudonyme sur « X » est « Papanours60 », s'est interrogé sur ce réseau social concernant Madame Habsaoui (7) :

J'ai ma petite idée sur la question.

Toutefois, je la garde pour moi. D'abord parce que les investigations journalistiques que je mène sur ce dossier ne sont pas terminées, et ensuite, afin de laisser à chacun d'entre vous la possibilité de se faire sa propre opinion.

Non pas « en son âme et conscience », mais « selon son intime conviction », étant donné qu'il s'agit ici de justice, et non pas de spiritualité.

Chez France-Soir, nous avons le devoir d'informer que nous prenons au sérieux sans le silence des agneaux.

  

Notes

1) la citation n'est pas de Laurent Fabius. Toutefois, étant donné que pour pouvoir le relaxer, la Cour de justice de la République, juridiction institutionnalisée le 27 juillet 1993 exprès pour (8), l'a jugé « responsable, mais pas coupable » dans l'affaire du sang contaminé (4 millions de morts au total). Étant donné, que tous les membres du Gouvernement qui ont été jugés par la Cour de justice ont été relaxés, acquittés, ou reconnu coupable (9) mais dispensé de peine. Étant donné, que pour des faits similaires, des citoyens lambda auraient été jugés par un Tribunal correctionnel ou par une cour d'assises, et qu'ils auraient été lourdement condamnés en application de la loi. Étant donné, enfin, que les magistrats délinquants et criminels aussi sont jugés par leurs pairs, puisque qu'ils sont jugés par le Conseil supérieur de la magistrature, « Pour nous, c'est la justice, pour vous, c'est la loi ! », on est en droit de se poser la question suivante : « N'est-ce pas là une citation que l'on peut attribuer à chacun des politiciens, magistrats et journalistes qui ont bénéficié de la clémence de la justice ? »

2) on peut citer, à cet égard, l'exemple marquant de cette clémence de la justice envers les magistrats, quand un ancien substitut au TGI de Dijon, condamné par le tribunal correctionnel à deux ans de prison, dont un an avec sursis, une peine pourtant déjà très peu sévère pour les faits dont il a été reconnu coupable (avoir proposé à des internautes de violer sa fille de 13 ans), a vu sa peine être allégée par la cour d'appel de Besançon : à deux ans de prison avec sursis. Et comme il avait été laissé libre durant l'instruction, et non pas placé en détention provisoire, il n'a fait aucun jour de prison.

Or, les statistiques judiciaires officielles en attestant, pour des faits de cette gravité-là, une personne mise en cause est systématiquement placée en détention provisoire, et elle écope immanquablement d'une peine de prison ferme, accompagnée ou non d'une peine de prison avec sursis. C'est normal.

(3) avant un hypothétique procès, occurrence qui n'arrive que rarement, uniquement lorsque c'est un copain des copains qui est mis en cause par la justice, magistrats, politiciens et journalistes ne disent pas qu'il est « accusé » de ceci ou qu'il lui est « reproché » cela. Non. Ils emploient le terme juridique approprié au regard du principe constitutionnel de la présomption d'innocence : ils disent qu'il est « soupçonné » de ceci ou de cela. Et quand bien même le copain en question a reconnu les faits qui lui sont reprochés, faits dont il s'accuse lui-même. Alors qu'à l'inverse, si c'est un citoyen lambda qui est mis en cause, au minimum magistrats, politiciens et journalistes disent de concert qu'il est « accusé », ou pire : carrément, ils disent qu'il est « l'auteur des faits. » Dès le premier jour de l'affaire, ils en parlent exactement comme si « le mis en cause » avait déjà été reconnu coupable par une décision de justice devenue définitive. S'agissant du traitement du dossier en lui-même, pour le citoyen lambda, cela est généralement synonyme de détention provisoire, d'une déclaration de culpabilité, de prison ferme, de sévérité maximale et d'un aménagement de peine très loin d'être acquis d'avance (bracelet électronique, libération conditionnelle ou suspension de peine médicale), à savoir tout l'inverse de ce à quoi bénéficie un copain des copains : liberté surveillée et déclaration de non-culpabilité, ou liberté surveillée et déclaration de culpabilité, mais avec alors, soit une peine de prison avec sursis, soit une peine de prison ferme minime et toujours agrémentée d'un aménagement de peine plus avantageux, accordé le plus rapidement possible.

4) les frères de Madame Habsaoui affirment que l'or, le cannabis, la cocaïne et la somme retrouvés leur appartiennent, que ce sont eux qui les ont placés là, et que Madame Habsaoui n'était au courant de rien, que le pavillon où tout a été retrouvé ne serait plus le « domicile » de Madame Habsaoui, mais un pavillon « familial », dont elle est la propriétaire attitrée, mais qu'elle n'occupe plus, depuis bien-bien-bien avant le début de toute cette histoire. Elle s'en souvient parfaitement : c'était un jeudi.

5) mise en examen « des chefs des délits de », et non pas tout simplement mis en examen « pour » (plus l'intitulé des délits), désolé pour la lourdeur du propos : c'est la formule juridique officielle. Il convient dès lors de l'employer quand on veut être précis, tant s'agissant du ministère de la Justice en général, que de l'administration pénitentiaire en particulier, « maton » dit.

6) définition, origine et exemples d'utilisation de l’expression « Le diable se cache dans les détails »

7) nulle plainte en diffamation n'a été déposée contre « Papanours60 » pour le terme receleuse.

8) créée à l'initiative du duo « François Mitterrand et Laurent Fabius », président de la République et Premier ministre de la République, et finalisée par François Mitterrand et un Édouard Balladur Premier Ministre de François Mitterrand et qui lui aussi a été relaxé par celle-ci, la Cour de justice de la République a été institutionnalisée par une loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 qui stipule, premièrement que concernant des faits qui ont été commis par eux dans l'exercice de leurs fonctions, les membres du Gouvernement sont jugés par cette juridiction spéciale qui est composée d'un jury de 6 députés et 6 sénateurs, c'est-à-dire « des copains des copains » politiciens, et, deuxièmement, que ses dispositions sont d'application « rétroactive », à savoir que, qu'importe que les faits reprochés à un membre du Gouvernement, commis dans l'exercice de ses fonctions, sont antérieurs au 27 juillet 1993, c'est par la Cour de Justice de la République qu'il doit être jugé. Les faits reprochés à Laurent Fabius dans l'affaire du sang contaminé datant de 1984, force est de constater que - hasard ou fait exprès ? - cette application « rétroactive », institutionnalisée à son initiative, s'est révélée être sacrément avantageuse pour lui même.

9)  « coupable » au singulier, car en fait seul un membre du Gouvernement a été reconnu coupable par la Cour de justice de la République : Christine Lagarde. Une ministre de l'Économie au moment des faits que donc cependant la Cour de justice de la République a dispensée de peine, grâce à quoi Christine Lagarde a pu être nommée Présidente du Fonds Monétaire International. Car, voyez-vous, contrairement à président de la République, ministre, sénateur ou député, fonctions qu'on peut exercer en dépit d'un casier judiciaire chargé, il faut un casier judiciaire vierge pour pouvoir exercer celle de Président du FMI.

 

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