Déni occidental, manipulation de l’information  : exemple de l’Ukraine (partie 2)

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Catherine Roman pour France-Soir
Publié le 11 octobre 2023 - 13:38
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Fake News
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Jorge Franganillo - Unsplash
S'agissant des "fact-checkers", il faut comprendre qu’il y a beaucoup d’argent en jeu et que les services secrets sont susceptibles de décrédibiliser ceux qui critiquent les médias mainstream.
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Opinion - Analyse des informations reçues

Analyser les informations est une nécessité dans le contexte actuel. Et s’interroger sur leur finalité est important, afin de les décrypter.

Il faudrait notamment réfléchir sur les questions suivantes : qu’est-ce qui influence les Occidentaux ? Sur quelle base approuvent-ils la guerre en Ukraine ? Pourquoi ne contestent-ils pas l’envoi d’armes qui prolongent hélas mécaniquement le conflit ?

Enfin, que penser du fait que les Européens ne sont, dans leur grande majorité, pas au courant de la guerre du Donbass, débutée en 2014 et qui a précédé l'actuelle guerre russo-ukrainienne ?

Car cette guerre en Ukraine pouvait être évitée, ou du moins être rapidement arrêtée. En effet, si les accords de Minsk avaient été appliqués comme avalisés par l’Organisation des Nations unies (ONU), avec la France et l’Allemagne notamment, l’opération militaire russe (qui est nommée "invasion" par ses contempteurs et opération spéciale par le Kremlin), n’aurait eu pourtant pas lieu d’être.

Pourquoi une telle affirmation ? Le 5 mars 2022, Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky parviennent à un accord afin d’arrêter le conflit. De nombreux observateurs occidentaux en témoignent et le mentionnent. Mais Washington et Londres s'opposent fermement à ce projet. Le président ukrainien l’a d'ailleurs confirmé dans une interview donnée à un journal local, le 9 avril 2022. Selon lui, Boris Johnson, l'ancien Premier ministre britannique, a joué un rôle déterminant de façon à empêcher de conclure la paix.

Pour revenir aux racines du conflit ukrainien

Pour revenir aux racines du conflit, il faut remonter au 23 novembre 2013 et à la révolte de Maïdan, qui n’a pas été une révolution spontanée.

Même s’il est vrai que le président de l’époque, Viktor Ianoukovitch était, comme les autres oligarques et prédécesseurs en Ukraine, corrompu et justifiait donc les manifestations de protestation, ce mouvement a été très vite récupéré par les États-Unis. Ces derniers l'ont transformé pour servir leurs propres objectifs.

Il est à rappeler que malgré ses défauts, Viktor Ianoukovitch avait été élu démocratiquement. Il devait donc en théorie terminer son mandat et de nouvelles élections présidentielles auraient pu alors se tenir. C’était d’ailleurs ce que la France et l’Allemagne préconisaient à l'encontre de la position des États-Unis et des Britanniques.

Afin d’atteindre leurs objectifs de coup d’État, les Anglo-Saxons ont créé des incidents et des attentats sous faux drapeau en faisant tirer des 7e et 8e étages d’immeubles du centre de Kiev, notamment de l’hôtel Ukraïna, sur la police anti-émeutes et sur les manifestants. Ceci a été caché en Occident et il a été communiqué que c’était Viktor Ianoukovitch qui tirait sur les manifestants et donc, à ce titre, devait quitter le pouvoir.

Or, comme le montre une conversation de l’époque interceptée entre Catherine Ashton (haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères) et Urmas Paet (ministre des Affaires étrangères d’Estonie à l’époque, aujourd’hui eurodéputé), c’étaient les mêmes balles et les mêmes angles de tirs utilisés contre les forces de l’ordre et les manifestants.

Les Américains et les Britanniques ont ainsi mis en place un gouvernement ukrainien sous contrôle suite à un coup d’État, comme l’ont avoué publiquement certains dignitaires américains dès 2015.

Les bonnes victimes, les mauvaises et la politique d’invisibilité 

Dans le Donbass, il y a eu 14 400 morts en huit ans, avant que ne débute la guerre en Ukraine, ce qui n’a pas été relayé, ou très rarement, dans les médias mainstream. À ce titre, il semblerait qu’il y ait les bonnes victimes et les mauvaises victimes. Les femmes, les enfants et les citoyens du Donbass n’étaient manifestement pas les bonnes victimes, parce que le gouvernement ukrainien a été mis en place par l’Occident... Un gouvernement de Kiev qui a reçu des États-Unis une ligne de route précise :

  • Récupérer les richesses du Donbass (industries, route du gaz, gisements potentiels d’énergie de schiste...) et sa position stratégique vis-à-vis de la Crimée et de la mer Noire afin d’encercler la Russie ;
  • Provoquer la Russie.

Toutes les victimes du Donbass ont été invisibilisées. On peut citer, à titre d’exemple, le journal Metro qui a publié, au premier jour de la guerre, la photo d’un papa qui disait adieu à sa fille. Le commentaire qui l’accompagnait, en résumé, disait : "Poutine a attaqué l’Ukraine, ce qui a donné lieu à des scènes déchirantes. Ce papa dit adieu à sa petite fille qu’il met en sécurité loin des bombes... C’est la faute de Vladimir Poutine."

Le problème est que ces images ne datent pas du 24 février 2022, mais du 21 février 2022. Or, à cette date, l’armée russe n’avait pas bougé. En fait, ce papa, habitant du Donbass, disait adieu à sa fille suite aux bombardements accrus du régime de Kiev et mettait sa femme et sa fille en sécurité avant de partir se battre non pas avec Zelensky contre les Russes, mais contre Zelensky. Quand la vérité a été connue, le journal Metro n’a pas publié de rectification... Reste une évidente diabolisation. Toutes les responsabilités sont attribuées à un seul côté.

Une guerre par procuration des Etats-Unis contre la Russie et ses alliés mais également contre l’Union Européenne

Comme mentionné précédemment, le problème du Donbass aurait pu être réglé par la négociation et le respect des accords signés, mais les États-Unis voulaient utiliser Kiev pour faire une guerre contre les populations de l’est de l’Ukraine, contre la Russie mais aussi contre l’Allemagne et l’Union Européenne plus largement.

En effet, il y a toute une série de déclarations de présidents et de stratèges yankees qui n’ont pas hésité à déclarer depuis des années qu’ils ont un gros problème avec l’Europe qui devient forte, et notamment avec l’Allemagne qui utilise le gaz naturel russe et trouve des débouchés pour ses produits en Russie et, au-delà, vers la Chine.

Cette analyse a notamment été faite par Zbigniew Brzeziński dans son livre Le Grand Echiquier en 1997. Il y était consigné que si les États-Unis, qui sont en déclin, veulent rester la puissance qui domine le monde, ils doivent contrôler l’Eurasie (l’Europe et l’Asie vu comme un ensemble). Brzeziński préconisait donc de diviser ces territoires et les monter les uns contre les autres. Dans son ouvrage, le géopoliticien américain annonçait que l’Ukraine était une pièce très importante visant à structurer l’Europe autour d’un axe Paris-Berlin-Varsovie-Kiev dans le but d’encercler la Russie. Tout ce qui se passe actuellement a donc été annoncé et planifié. L’absence de cette analyse dans les médias mainstream reflète le climat de soumission aux Etats-Unis qui règne en Occident et la volonté de ne pas pousser les citoyens à réfléchir.

Du programme électoral de Volodymyr Zelensky à la dure réalité 

Le président Volodymyr Zelensky a été élu parce qu’il promettait la paix surtout dans les républiques séparatistes. Il a été élu avec un score de 73 %, en parlant russe et en déclarant aux Ukrainiens de l’est qu’il n’y avait pas de bons et de mauvais Ukrainiens et qu’ils devaient se réconcilier et travailler ensemble. Et en faisant part de sa volonté de lutter contre la corruption au niveau national. Peut-être était-il sincère au départ. Mais il semble avoir été rattrapé par la réalité au regard de :

  • Sa carrière qui a été orchestrée par un oligarque, Ihor Kolomoïsky, qui a financé les milices Azov notamment pour s’emparer des possessions d’autrui ;
  • De la pression subie par les groupes fascistes (Azov, C14, Pravyi Sektor…). Au départ, comme le mentionne Michel Collon, Zelensky est allé sur le front de l’Est en voulant respecter les accords signés et en déclarant que les milices devaient reculer. Or, il semblerait que les troupes extrémistes ukrainiennes lui aient répondu qu’elles n’avaient pas d’ordre à recevoir de lui et l’aient menacé physiquement. Or, ces groupes fascistes ont reçu des financements, des armes et des formations des États-Unis et des Britanniques. Ces personnes étaient appuyées par les Anglo-Saxons pour aller bien au-delà du programme de Zelensky. Au vu de ce soutien, Zelensky a certainement capitulé pour préserver, entre autres, son poste. Les États-Unis communiquent beaucoup sur la démocratie et les droits de l’homme mais sont en fait liés à différentes formes de terrorisme et à des groupes peu recommandables (Al-Qaïda en Libye, contre Mouammar Kadhafi, Daesh en Syrie, contre Bachar el-Assad en passant par des groupes néo-nazis en Ukraine comme l’a expérimenté Zelensky, qui a été instrumentalisé).

L’Ukraine et les néo-nazis

La présence néo-nazie en Ukraine est en général invisibilisée dans la presse occidentale. Elle semble très puissante, même si les fascistes n’ont obtenu que 2 ou 3 % aux élections, ce qui signifie que même les Ukrainiens de l’ouest, au départ ne voulaient pas d’eux.

Leur influence ne tenait donc pas tant à leurs résultats électoraux qu’à leur présence dans l’armée, dans la garde nationale ou dans les ministères. De plus, à un moment, lorsqu'il est devenu un peu trop gênant de voir des milices bandéristes s’afficher avec des symboles nazis, elles ont été complètement intégrées dans l’armée, pour les obliger à se dissoudre.

La situation à partir de cette date est devenue pire car ces néo-nazis ont pris le pouvoir dans de nombreux organes en jouant du chantage et en assassinant une série de responsables politiques ukrainiens.

Française, Catherine Roman a vécu quelques années en Russie. Elle travaille dans le secteur des chiffres et se passionne pour la géopolitique et l'intelligence économique.

Source principale : Interview de Michel Collon et Irina Dubois (Dialogue Franco-Russe, septembre 2023), dans le cadre de la parution du livre de Michel Collon d’Investig’Action : Ukraine, la guerre des images.

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