Y a-t-il un vaccin pour sauver la démocratie ?

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Benjamin Cauchy pour FranceSoir
Publié le 15 janvier 2021 - 14:21
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Y’a-t-il un vaccin pour sauver la Démocratie ?
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Dimanche 28 juin 2020, 20h. Les états-majors des partis politiques font les comptes. Les LR font une progression significative dans les villes moyennes et en région parisienne. Le parti socialiste camoufle son déclin par des victoires brillantes à Lille, Paris, puis quelques mois plus tard par le truchement des amabilités politiciennes, Marseille. Le parti présidentiel ne s’attendait pas à un grand succès, il n’aura pas été déçu de son diagnostic initial. Le RN quant à lui, perd quelques municipalités et témoigne de sa difficulté sociologique à s’implanter territorialement. Le grand vainqueur politique sera Europe Ecologie les Verts qui emporte Bordeaux, Lyon, Grenoble et tant d’autres. Laissant libre court aux appétits présidentiels.

Pourtant, l’élément le plus remarquable à retenir de ces élections locales est bel et bien la ridicule participation des Français. Seuls 41.6% des électeurs se sont déplacés pour choisir leurs représentants dans les mairies et les conseils communautaires pour les six années à venir. La Covid-19 avait figé notre démocratie déjà malade. De nombreux facteurs de comorbidités laissaient présager ce confinement électoral.

Le premier symptôme de l’épidémie démocratique restera sans conteste le référendum volé de 2005. 55% des Français refusèrent le traité de Constitution européenne. Trois ans plus tard, Nicolas Sarkozy, président de la République, fera table rase de ce choix sans appel en faisant glisser entre la poire et le fromage le projet de traité simplifié, qui n’avait de différence que le nom avec le TCE de 2005. Un hold-up. Un péché originel. Au point que les premières pages du Temps des tempêtes de Nicolas Sarkozy y sont consacrées. Comme si cette déchirure entre le peuple et le pouvoir était encore à ce jour une plaie béante. C’est le cas. À quoi bon aller voter si nos gouvernants n’exécutent pas les décisions issues du suffrage populaire ?

La crise des Gilets jaunes en novembre 2018 sonnera la seconde alarme. Quelle que fût l’opinion politique, ou absence d’opinion d’ailleurs de la France des ronds-points, les manifestants n’avaient de cesse de réclamer plus de démocratie, plus d’écoute et de prise en compte des aspirations citoyennes. Les transports, le pouvoir d’achat, l’emploi, l’éducation, la justice sociale et fiscale, l’immigration, les délocalisations, la défense de l’environnement, la lutte contre les fraudeurs de tout poil. Tout était posé sur la table. Cela aurait pu être une occasion inespérée de lancer des grands référendums, version gaullienne, pour considérer les Français à leur juste place, celle d’un peuple intelligent. Malheureusement, la montagne accouchera d’une souris.

Certains pensent que la démocratie participative est l’alternative à un système représentatif réduit à peau de chagrin et mourant. La mise en place du quinquennat et la perte de souveraineté au profit de l’Union européenne auront fini de choisir le linceul du pouvoir de notre Parlement.  Le quinquennat ayant fini d’achever la mutation de l’Assemblée nationale en sas d’enregistrement des directives européennes. Les députés de la majorité LREM, souvent novices, n’avaient pas tous le réseau et la connaissance de leur circonscription suffisante pour prévenir et guérir du décalage entre le Plan Stratégique opérationnel du CEO Macron et le souhait des Français.

Le Référendum d’Initiative Citoyenne refit donc surface avec force au fil des semaines. Non que ce fût la solution miracle, mais simplement un outil à la disposition des élus locaux et des citoyens pour co-construire et préserver notre pays.  L’échiquier politique s’accorde désormais plus ou moins à partager le pouvoir entre les représentants élus et les initiatives citoyennes. Avancer sur deux jambes.

A cette volonté démocratique nouvelle, le président de la République répondit par un « Grand Débat », des cahiers de doléances version XXIème siècle. Ce fut le troisième facteur de comorbidité. La réponse ne fut pas à la hauteur des attentes. Au manque de démocratie, l’Elysée répondit par un projet de loi constitutionnelle qui n’a toujours pas vu le jour. L’instauration d’une dose de proportionnelle aux législatives, la mise en place d’un RIC plus accessible et la réduction du nombre de parlementaires attendront. Au souci partagé de la protection de l’environnement, la nécessaire maitrise des importations, de moratoires sur les traites de libre-échange, le locataire du Château rétorqua par une Convention citoyenne promouvant la limitation à 30km/h en ville…et un éventuel référendum sur le climat proposant ainsi d’inscrire dans la Constitution ce qui y est déjà écrit.

Emmanuel Macron est persuadé que la crise du Covid-19 a remisé ce cri d’alerte de l’automne de 2018. Que les sombres perspectives économiques, les plans sociaux, l’isolement social et l’inquiétude du lendemain ont fait taire les français « périphériques ». Evidemment le confinement, les couvre-feux, les polémiques sur les masques, les tests, les vaccins depuis plusieurs mois ont fait perdre de vue aux médias que le « mal-être national » date d’avant l’arrivée du mot pangolin dans les conversations et sur les écrans. L’acceptation des Français à la contrainte sanitaire est proportionnelle au degré de confiance que les citoyens portent envers leurs dirigeants. Rien ne se fera sans adhésion. Les « insiders » pensent que la solution à la crise est de confier le pouvoir aux sachants, à de Hauts Conseils, et se trompent. Seule l’appropriation de l’action publique par les citoyens par une démocratie renouvelée, revenant à ses fondamentaux, permettra à la France de sortir de la crise. Solliciter l’adhésion c’est bien, la faire c’est mieux. Repoussées par une fois, les élections régionales de juin 2021 sont plus qu’hypothétiques. Les bookmakers et autres apparatchiks politiciens s’autorisent à penser que cette consultation électorale sera repoussée à septembre.

Reste à savoir si Emmanuel Macron entend redonner la parole au peuple par voie référendaire en même temps que ces élections régionales et départementales, proposant alors un véritable choc démocratique. Ce scrutin serait alors le dernier rendez-vous électoral avant l’élection présidentielle de 2022. Ou bien décidera-t-il, au prétexte du principe de précaution, de renoncer à renouveler les instances régionales et départementales et au passage, coincer les impétrants à la fonction suprême du pays de briguer un mandat d’exécutif régional. Des plaines picardes aux neiges alpestres, le doute plane dans les instances et la colère gronde dans les foyers. La démocratie semble pourtant le seul vaccin que les Français accepteront pour se débarrasser, à défaut de la Covid-19, de ses conséquences sur leur quotidien, l’avenir de leurs enfants. De nos enfants.

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