Patron en herbe au sein d'une coopérative, le job d'été éducatif

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Par Sandra LAFFONT - Rive-de-Gier (France) (AFP)
Publié le 24 juillet 2018 - 11:14
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Des adolescents membres d'une coopérative jeunesse de services (CJS) lavent des voitures à Saint-Chamond, dans la Loire, le 23 juillet 2018
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© JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP
Des adolescents membres d'une coopérative jeunesse de services (CJS) lavent des voitures à Saint-Chamond, dans la Loire, le 23 juillet 2018
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Entre 16 et 18 ans, pas facile de trouver un job d'été. Avec les Coopératives jeunesse de services (CJS), des adolescents créent collectivement leurs propres emplois. Une belle ligne sur le CV mais surtout une aventure humaine.

Le principe, né au Québec en 1988, a été importé en Bretagne en 2013 avant d'essaimer. Chaque été, dans plusieurs régions de France, des jeunes se constituent en coopérative, entourés par des animateurs formés. Ils doivent en un temps record constituer une équipe, répartir les rôles, mettre au point des services (lavage de voiture, entretien de parties communes/d'espaces verts, déménagement, courses pour personnes âgées...) et tenter de les vendre.

De l'argent, ils en gagnent peu: 215 euros en moyenne l'été dernier par coopérant. Le salaire, ça donne "un petit coup de motivation mais ce n'est pas ce qui compte", explique Amel. Avant tout, "c'est une expérience professionnelle et personnelle", ajoute l'adolescente, fière d'avoir été sélectionnée parmi la quarantaine de candidats à la CJS de Rive-de-Gier (Loire), dans une vallée industrielle endormie proche de Saint-Étienne.

"On a choisi un groupe équilibré de 13 jeunes avec des profils de meneurs, des plus atypiques et des plus fragiles", explique Thaïs Villemagne, qui copilote la structure.

La première semaine, ils ont formé trois équipes (administration, comptabilité, communication), élu deux présidents et commencé à prendre des décisions à 13, selon le principe coopératif "une personne, une voix" - un des apprentissages les plus difficiles selon leurs animatrices.

Un règlement intérieur a vu le jour - "pas de décision prise sur Snapchat", "pas de téléphone pendant les réunions", "être motivé, investi, de bonne humeur", "respect de la liberté d'expression" - et le démarchage a pu commencer.

Les partenaires institutionnels jouent le jeu en général, comme dans le 8e arrondissement de Lyon où Grand Lyon Habitat, premier bailleur social de la ville, a confié aux jeunes de la CJS du quartier un "chantier" dans son parc HLM. Au petit matin, on les retrouve avec leurs gants bleus à laver escaliers, murs et rampes d'escalier, sans oublier les toiles d'araignées au plafond.

"Ils sont motivés, à l'écoute. Ces allées sont beaucoup squattées, certains crachent au mur, c'est utile ce surnettoyage", témoigne Nasser Mestoul, un gardien employé par le bailleur social.

- Embauche à effet-miroir -

"On n'a pas envie de faire que du ménage": ils voudraient par exemple distribuer des flyers ou aider à organiser des soirées. "On négocie", explique Amirdine Issilamou, 17 ans, président charismatique de la coopérative de Lyon 8e, recruté par un éducateur sur un terrain de foot. "Il y en a qui pensent qu'on n'est pas compétents parce qu'on est mineurs", poursuit Yasmine Tribeche, 17 ans.

"On les encourage à se présenter comme un projet jeune et coopératif", c'est ça leur force de vente, souligne Emma Ploton, animatrice à Rive-de-Gier où les jeunes doivent franchir les mêmes obstacles. Pour se faire connaître, ils multiplient les devis, les coups de téléphone, envisagent de tenir un stand sur le marché. Et enchaînent lavage de voitures, travaux de peinture, déménagements.

Ils souhaitent même embaucher et ont reçu deux candidats, les deux présidents menant l'entretien sous le regard des autres coopérants. "On est quand même stricts sur certaines choses: la rigueur et la motivation", rapporte Luis L'Honnen, 17 ans, moustache naissante, qui prend son rôle très à cœur.

Question posée à une candidate: "Que feriez-vous si vous voyiez un des membres piquer dans la caisse ?". "J'irai le voir", a-t-elle répondu. Pour Luis, "elle aurait dû dire qu'elle en informerait le groupe pour une prise de décision collective". "Et puis elle se touchait les cheveux pendant l'entretien, elle paraissait timide", critique Amel lors d'un "debriefing" à l'effet-miroir.

"C'est impressionnant de dire à un employeur qu'à 16 ans, on a monté une coopérative. Encore faut-il qu'ils réussissent à valoriser cette expérience. Ce sera l'objet des derniers jours, avec un atelier CV", concluent les animatrices.

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