A deux mois de la présidentielle, la vie chère ravive la colère de "gilets jaunes"

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Par Laurent GESLIN - Saint-Brieuc (AFP)
Publié le 14 février 2022 - 18:27
Mis à jour le 15 février 2022 - 18:40
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Des "gilets jaunes" défilent le 23 mars 2019 à Saint-Brieuc
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© Fred TANNEAU / AFP/Archives
Des "gilets jaunes" défilent le 23 mars 2019 à Saint-Brieuc
© Fred TANNEAU / AFP/Archives

"C'est sûr que ce ne sera pas Macron": trois ans après le début de leur mouvement, des "gilets jaunes" ont commencé à se reformer à Saint-Brieuc. En colère contre la vie chère, ils voudraient un candidat à l'Elysée qui s'empare de leurs revendications.

Ce matin d'hiver, ils sont une quinzaine au rond-point de Brézillet, un vaste terre-plein bossu qui dessert cette zone vallonnée de la baie de Saint-Brieuc.

Il est 10H30 et, sur le parking désert du petit centre commercial qui abrite un restaurant asiatique et un "drive pizza", les températures sont fraîches, mais ils sont encore là, revêtus de jaune et coiffés de bonnets rouges, clin d'oeil au mouvement breton qui avait fait chuter l'écotaxe en 2013.

Chaque samedi depuis octobre, le rituel est immuable, on sort banderoles et pancartes. Moment de camaraderie, on titille les retardataires, le temps d'une cigarette, avant de marcher vers le rond-point.

"Pouvoir d'achat", "prix du carburant et des produits de première nécessité", "vivre de son salaire": les revendications n'ont pas changé, les manifestants veulent sensibiliser les automobilistes.

Une lutte légitime, selon Tristan Lozach, figure des "gilets jaunes" briochins. Comme le convoi anti-pass qui a roulé sur Paris samedi. "On ne peut que le soutenir", dit-il, "parce qu'il ne reste pas fixé sur la revendication sanitaire mais est plus large, notamment sur le pouvoir d'achat".

- "Le liberté ne s'injecte pas" -

L'appel du "Pouvoir du peuple 22", du 17 novembre 2018, c'est lui. Employé à la "Coop des masques", créée pendant la pandémie de Covid-19, Tristan Lozach, marié et père de trois enfants, parcourt 80 km aller-retour pour son travail et dépense 250 euros par mois en essence.

"On veut faire en sorte que les gens croient que c'est dans la rue qu'on pourra faire bouger les choses", explique le militant de 29 ans, lunettes carrées et gilet jaune imprimé de photomontages du président Macron.

"La liberté ne s'injecte pas": "Vous pouvez filmer!", s'exclame une femme en brandissant une pancarte devant des journalistes de l'AFP. Covid, pass vaccinal, les discussions s'égarent, un militant bat le rappel.

"Carburant produit de luxe": une banderole jaune fluo est accrochée à l'entrée du carrefour. Effet immédiat, des automobilistes répondent par un concert de klaxons.

Galvanisée, la seule manifestante du groupe barre la route à un conducteur en agitant deux doigts d'honneur. La voiture s'arrête net.

"On lâche rien!", s'exclame un militant le poing levé. "On va tout casser", renchérit le jeune automobiliste, avant de repartir.

Joël Réveille, 65 ans, n'a pas oublié le 17 novembre 2018. Le cœur de cet ancien agent de méthode dans l'armée, à la carrure imposante et aux yeux rieurs, se réchauffe quand il raconte ces "trois jours" où ils étaient "jusqu'à 40.000" sur le rond-point et la zone commerciale de Langueux toute proche.

- "Une France solidaire" -

Ce jour-là 4.500 personnes, selon la préfecture, convergent vers la ZAC. Une opération escargot, des manifestants sur la RN12, des pneus et palettes en feu et, pour maîtriser la situation, les forces de l'ordre qui usent de gaz lacrymogène... En revoyant les images dans son salon, Tristan Lozach reconnaît avoir été dépassé.

"C'était emblématique, c'était notre QG", se souvient Joël Réveille plein de fierté. "En haut, on avait installé des cabanes. Des gens dormaient dessus. Et puis ça a été détruit par les forces de l'ordre. On n'avait pas le droit d'être là."

Nico, 42 ans, cariste, en garde un goût amer. Il en veut aux médias qui "ont cassé le mouvement" et "n'ont montré que les violences" de "l'acte III" à Paris, le 1er décembre 2018.

Pendant qu'une partie du groupe occupe le rond-point, d'autres discutent de la présidentielle.

"J'irai voter, c'est notre seule arme", explique Joël. Pour Jean (prénom modifié), 65 ans, "pour l'instant il y a bien trop de candidats. Mais c'est sûr que ce ne sera pas Macron", glisse cet ancien cadre de la SNCF. Il voudrait "l'abolition du 49.3" (qui permet une adoption sans vote au Parlement), des "jurys populaires" pour prendre les décisions dans les ministères, une comptabilisation du vote blanc, des sanctions pour les parlementaires absents et un candidat "sans casseroles".

"En 2022, j'aimerais une France solidaire" qui "vit de son salaire et un président qui ne voit pas que par Paris", abonde Tristan Lozach qui votera "contre Macron". "Mais n'allez pas déduire que je voterai pour les extrêmes."

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