Pourquoi les professionnels de santé pourraient continuer à travailler en produisant régulièrement un test négatif

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FranceSoir
Publié le 28 octobre 2021 - 11:45
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Droit soignant
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Qui a le droit ?
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Maître Philippe Krikorian persiste et signe : "Pourquoi les professionnels de santé et assimilés pourraient légalement continuer à travailler en produisant régulièrement un test négatif, RT-PCR ou antigénique." C'est l'intitulé du communiqué qu'il a accompagné d'une citation introductive de La Boétie : « Seules la contrainte ou la tromperie peuvent expliquer le passage de la liberté naturelle à la servitude. », et dans lequel il déroule son argumentaire déjà évoqué avec lui au cours d'un debriefing.

Voir aussi : Me Krikorian : "la seule façon de se défendre, c'est par le droit"

"Dans la nuit du 14 au 15 septembre 2021, le droit à la vaccination pour tous est prétendument devenu l'obligation de vaccination pour certaines catégories de personnes, les professionnels de santé et assimilés.", affirme l'avocat marseillais. S'appuyant sur les articles 12 et 14 de la désormais fameuse loi du 5 août, il leur oppose l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui", et son article suivant : "La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché ; et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas."

Comment, dès lors, un droit peut-il devenir une obligation ? Me Krikorian revient sur les définitions juridiques de "droit", "liberté", "obligation"... Pour expliquer pourquoi on est passé d'une vaccination "droit" à une "incombance".

Faisant appel à la figure de logique déontique dite "carré d'Aristote", il poursuit en soulignant que "de même que l'obligatoire implique la permission de faire, de même l'interdit implique la permission de ne pas faire".

"Le pouvoir est un concept à deux faces : le droit, mais aussi l'obligation de faire", insiste Me Krikorian, qui attaque ensuite l'incohérence d'ensemble du texte voté : 

Cependant, la raison de la loi (ratio legis), comme, en l'occurrence, l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ne doit pas être source de contradiction. À l'instar des stipulations d'un contrat, les articles d'une loi doivent s'interpréter de telle sorte que soit conservée la cohérence d'ensemble du texte voté. Ainsi en décide l'article 1189, alinéa 1er du Code civil : « Toutes les clauses d'un contrat s'interpretent les unes par rapport aux autres, en donnant à
chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier.

Dans la loi du 5 août, le test négatif, le certificat vaccinal et le certificat de rétablissement avaient une valeur équivalente de preuve de l'absence de contamination. Ce qui ouvre une faille :

Le législateur est parti du principe, aux fins de répondre de façon optimale, à ses yeux, à l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, que les destinataires de la loi, savoir les professionnels de santé et assimilés préféreraient se faire vacciner, plutôt que de s'astreindre à un dépistage tous les trois jours. Il s'agit d'une présomption quod plerumque fit (ce qui advient le plus souvent), qui n'envisage que le cas général, sans exclure les situations moins fréquentes.

Disséquant la logique selon laquelle les articles de loi s'articulent, Me Krikorian met en évidence que « le certificat de statut vaccinal n'a, dès lors, dans les termes de la loi (articles 12, 13 et 14), qu'un caractère subsidiaire et opère à la manière d'un régime légal. » Dès lors, le silence de la loi peut s'interpréter en faveur de l'initiative privée.

Le recours au « ( … ) résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 ( … ) » n'étant pas expressément exclu par la loi (...) il ne saurait être rejeté comme mode de preuve à part entière de l'absence de contamination par la covid-19.

Le législateur a entendu, en définitive, poursuivant l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, obliger un professionnel de santé, en cette qualité, non pas spécifiquement à se faire vacciner contre la covid-19, mais, plus exactement, à présenter un état d'innocuité sanitaire et à en justifier de façon constante et renouvelée.

"Le législateur ne saurait, sans se contredire, interdire un mode probatoire sans justification", insiste Me Krikorian.

On admet, partant, dans les termes révélés de la loi, que la preuve d'une absence de contamination par la covid-19, quel que soit son mode opératoire (test virologique négatif, certificat de statut vaccinal ou certificat de rétablissement) permettra à l'intéressé de poursuivre son activité professionnelle. 

Dans une société démocratique, comme l'est et doit le demeurer la France, ce n'est que si l'exercice de la liberté individuelle (ici, la liberté de ne pas se faire vacciner) menace de façon directe et immédiate la vie du groupe dans son entier, que la loi du groupe pourra s'imposer à l'individu réfractaire. Or, l'existence de telles circonstances exceptionnelles nécessitant des mesures totalisantes n'est pas, ici, démontrée.

C'est ce que formulait, déjà au XIX° siècle, John Stuart MILL :
« La seule raison légitime que puisse avoir une communauté civilisée d'user de la force contre un de ses membres, contre sa propre volonté, est d'empêcher que du mal ne soit fait à autrui. Le contraindre pour son propre bien, physique ou moral, ne fournit pas une justification suffisante. On ne peut pas l'obliger ni à agir ni à s'abstenir d'agir, sous prétexte que cela serait meilleur pour lui ou le rendrait plus heureux ; parce que dans l'opinion des autres il serait sage ou même juste d'agir ainsi. Ce sont là de bonnes raisons pour lui faire des remontrances ou le raisonner, ou le persuader, ou le supplier, mais ni pour le contraindre ni pour le punir au cas où il agirait autrement. La contrainte n'est justifiée que si l'on estime que la conduite dont on désire le détourner risque de nuire à quelqu'un d'autre. Le seul aspect de la conduite d'un individu qui soit du ressort de la société est celui qui concerne autrui. Quant à l'aspect qui le concerne simplement lui-même son indépendance est, en droit, absolue. L'individu est souverain sur lui-même, son propre corps et son propre esprit. » John Stuart Mill, De la liberté.1 (1859)

Faisant enfin appel à jurisprudence de la CEDH, ("la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l'opinion d'une majorité, mais commande un équilibre qui assure aux individus minoritaires un traitement juste et qui évite tout abus de position dominante"), Me Krikorian estime que dans la perspective d'une prochaine saisine du Conseil constitutionnel par la voie d'une QPC, de deux choses l'une : ou bien la loi peut être interprétée comme n'imposant pas l'obligation vaccinale aux professionnels de santé et personnes assimilées justifiant d'une chaîne ininterrompue de tests négatifs. Ou bien, la loi devra être abrogée "erga omnes" (à l'égard de tous).

Et de conclure :

En tout état de cause, le professionnel de santé concerné ne devrait pas, selon le sens et la portée donnés à la loi, être tributaire d'une obligation vaccinale que le législateur n'a pas prévue ou qu'il a décidée contre le vœu du Constituant. La liberté, encore la liberté, toujours la liberté !

Un argumentaire technique, qui confronte les textes à la philosophie du droit, que l'on peut retrouver dans le communiqué complet (PDF), et dont nous suivrons les résultats devant les juridictions compétentes.

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