Les Rohingyas, victimes de "nettoyage ethnique" ou de "génocide" ?

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Par AFP
Publié le 21 septembre 2017 - 20:57
Mis à jour le 22 septembre 2017 - 10:05
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Des réfugiés rohingya porte une vieille femme dans le camp de Kutupalong, près de Ukhia, au Banglade
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© DOMINIQUE FAGET / AFP
Des réfugiés rohingyas porte une vieille femme dans le camp de Kutupalong, près de Ukhia, au Bangladesh, le 21 septembre 2017.
© DOMINIQUE FAGET / AFP

Les violences dont est victime la minorité musulmane des Rohingyas en Birmanie constituent un "nettoyage ethnique", selon l'ONU et plusieurs chefs d'Etat, mais il est difficile pour l'instant de les catégoriser comme "génocide", terme employé par le président français, d'après les experts.

- Quelle est la différence entre génocide et nettoyage ethnique? -

Génocide et nettoyage ethnique sont étroitement liés et emploient parfois les mêmes moyens, reconnaît Mark Kersten, chercheur en droit pénal international à l'université de Toronto.

Toutefois, les différences entre les deux sont de taille.

"Le génocide est la tentative de détruire un groupe particulier dans son entièreté ou en partie", précise M. Kersten. Pour cela, l'auteur doit en avoir l'intention mais aussi en déployer les moyens.

Quant au nettoyage ethnique, il vise la "suppression d'un groupe particulier d'un territoire particulier, souvent dans des régions frontalières d'Etats cherchant à se débarrasser de ce qu'ils pensent être des populations indésirables".

Mais poussé à l'extrême, cet acte peut mener à la destruction totale ou partielle d'un groupe ethnique et/ou religieux et donc à un génocide.

Ainsi, devant le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), seul le massacre de Srebrenica, où 8.000 hommes et adolescents bosniaques ont été tués en juillet 1995, a été reconnu comme génocide. Et non les meurtres, viols et autres violences commis par les Serbes de Bosnie pour éliminer les non-Serbes des territoires qu'ils voulaient contrôler.

"En tuer certains pour en forcer d'autres à partir n'a pas été considéré comme génocide", souligne Stephen Rapp, ex-ambassadeur itinérant pour les Etats-Unis en charge des crimes de guerre.

- Que dit le droit international? -

Le nettoyage ethnique n'est pas un crime en tant que tel selon le Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale (CPI), ayant compétence pour les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et crimes de génocide commis sur le territoire de ses Etats membres ou par leurs ressortissants.

Mais "les faits peuvent être qualifiés de génocide si cela s'y élève ou de crime contre l'humanité via le sous-ensemble de crimes qui inclut déplacements contraints, expulsion et persécution", explique le chercheur canadien.

Au regard du droit international, le génocide engendre systématiquement une obligation envers toute la communauté internationale, celle "d'agir pour prévenir et punir" un tel crime, souligne M. Rapp, faisant référence à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide entrée en vigueur en 1951.

"C'est donc évidemment pour cela que le président (français Emmanuel) Macron utilise ce terme et soulève cette question devant l'Assemblée générale de l'ONU: à cause de cette obligation", ajoute-t-il.

- Comment qualifier les violences contre les Rohingyas? -

Etant donné les actes de violence commis, "nous avons affaire à un crime contre l'humanité", affirme l'ancien diplomate américain, membre du Hague Institute for Global Justice.

Pour aller plus loin, le terme "génocide" nécessite "la preuve que l'on a eu l'intention de détruire les Rohingyas par opposition à les expulser" hors du pays, précise-t-il.

En tout cas, il est "possible de débattre" sur le fait qu'un génocide est en cours étant donné que la Birmanie "chasse les gens et ne fait absolument rien pour leur fournir un accès humanitaire avec de la nourriture et des médicaments", remarque encore M. Rapp, parlant d'une "attaque systématique contre une population civile".

- Quelles solutions? -

La Birmanie n'a pas signé le Statut de Rome. Et la CPI ne peut enquêter dans un pays non-membre que sous mandat de l'ONU.

Un vote en ce sens au Conseil de sécurité des Nations unies est peu probable, étant donné la possible réticence de la Chine et des Etats-Unis, poursuit l'expert.

En revanche, la Cour basée à La Haye a bel et bien juridiction au Bangladesh, un des rares pays d'Asie partie du Statut de Rome et refuge pour plus de 420.000 musulmans rohingyas fuyant les exactions de l'armée birmane.

"Cela devrait impliquer qu'une partie de l'armée traverse la frontière et mène des actions sur le territoire bangladais pour commettre des crimes contre les Rohingyas", souligne-t-il.

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