Olaf Scholz, prince autoritaire à Hambourg, technocrate défaillant et chancelier chancelant

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France-Soir
Publié le 01 mars 2024 - 14:08
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Portrait Olaf Scholz
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Michaela Stache / AFP
Le chancelier Scholz porte depuis quelque temps sa croix... de fer.
Michaela Stache / AFP

PORTRAIT CRACHE - Olaf Scholz est une énigme, mais on ne prend aucun plaisir à la résoudre. Gauchiste à l’époque de la RFA, puis élu centriste du SDP dont il devient le secrétaire général, roi impatient et “donneur de leçons" à Hambourg, deux fois ministre à double discours d’Angela Merkel, et enfin chancelier chancelant. Celui qui s’est proclamé l’héritier de "Mutti" apparaît aujourd’hui comme un dirigeant impuissant et impopulaire, aussi critiqué à l’intérieur qu’à l’extérieur d’une Allemagne tombée en récession, une figure de la division.  

Olaf Scholz adhère au Parti social-démocrate (SPD) à 17 ans. A cet âge-là, il se considère pourtant plutôt d’extrême gauche et anticapitaliste. En 1982, après sept années de militantisme, il devient le vice-président fédéral de la Communauté de travail des jeunes socialistes. Il ne cache pas sa proximité avec les communistes de la RDA, s’oppose aussi bien au SPD qu’aux gouvernements allemands qui se succèdent. Il s’oppose même à l’époque à l’installation de missiles nucléaires américains sur le territoire de la RFA et prône une sortie de l’OTAN…

Junkie du gauchisme…

Il débute sa carrière professionnelle comme avocat spécialisé en droit du travail, à Hambourg. Parallèlement il accède à la vice-présidence de l'Union internationale de la jeunesse socialiste (IUSY), celle-là même qui accueillera, vingt ans plus tard, une certaine Jacinda Ardern. Il a alors 29 ans. Il faut attendre 1998 pour le voir décrocher un siège de député au Bundestag, à 40 ans. Olaf Scholz est alors "désintoxiqué", comme il le dit, des idées d’extrême gauche. En 2000, il prend la tête du SPD à Hambourg, et s’installe sur le devant de la scène politique d’outre-Rhin. 

Flaire la défaite du SPD aux législatives de 2001, il ne se représente pas. Mais est tout de même réélu au Bundestag en 2002, à l’issue d’élections fédérales. La même année, lors du congrès fédéral extraordinaire de son parti, il est élu secrétaire général, sur proposition du chancelier Gerhard Schröder. L’ancien gauchiste souscrit pleinement à l’Agenda 2010 défendu par son mentor, visant à libéraliser le marché du travail et les assurances sociales. Le SPD est fragilisé par cette stratégie qui suscite des controverses et entraîne le départ d’un certain nombre de ses adhérents. La conséquence la plus directe de cette ligne : le SPD subit une défaite aux élections anticipées de 2005. Et l'union CDU/CSU permet l’arrivée au poste de chancelière d'une certaine Angela Merkel.  

Scholz a pourtant réussi à se faire réélire lors de ces élections fédérales anticipées de 2005. Il devient même secrétaire général du groupe SPD au Bundestag et se rapproche des chrétiens-démocrates de Merkel. En 2007, Scholz entre au gouvernement en tant que ministre du Travail. Au sein de sa formation politique, il est à partir de 2009, vice-président du groupe parlementaire puis vice-président fédéral.

L’automate autocrate lancée sur l’autobahn libérale

Lors des élections de 2009, il quitte le gouvernement lorsque Merkel opte pour une coalition avec les libéraux. Il est investi chef de file et tête de liste du SPD lors des élections régionales anticipées de 2011. Désormais figure de l’opposition, premier bourgmestre de Hambourg (chef du gouvernement de la ville, NDLR) à partir de 2015, Scholz est dès cette époque décrit un homme qui “ne supporte aucune contradiction”, “présomptueux et sans empathie”. La presse lui attribue le sobriquet de "Scholzomat" (Scholz & automat, NDLR). A la tête de la ville de Hambourg, il se conduit comme un autocrate. Ses collaborateurs ne sont pas autorisés à s’enquérir de certains dossiers. "Inutile d'essayer de négocier avec lui, c'est peine perdue", dit-on. En 2017, lors du sommet du G20, il fait fi des avertissements de ses conseillers, qui craignent une action violente de la part d’organisations d’extrême gauche. Olaf Scholz mise sur les 30 000 policiers mobilisés mais sa ville est la proie à de violentes émeutes. "Je ne comprends pas pourquoi les conservateurs ne l'ont jamais attaqué sur cet échec, le plus grand de sa carrière. Un prétendant au trône qui est incapable de maintenir l'ordre dans sa ville, c'était du pain bénit !", ironise un journaliste.  

Le profil du premier bourgmestre se dessine : technocrate impatient, donneur de leçons, capable sans doute de gérer les affaires courantes mais certainement pas les crises. Il ne se “désintoxiquera” jamais de ces traits de personnalités, qui lui coûteront même ses soutiens, au point de symboliser la division de la gauche allemande.  

A cela s’ajoutent de nombreuses affaires, comme sa rencontre avec un des dirigeants d'une des grandes banques privées allemande, Hamburg’s M.M. Warburg & Co, impliquée dans une affaire de fraude ayant fait perdre 30 milliards d'euros au gouvernement, ou l’autorisation de médicaments controversés dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogues.  

Scholz quitte Hambourg en 2018, lorsqu’il est nommé ministre vice-chancelier et ministre fédéral des Finances par Angela Merkel. Il échoue à se faire élire co-président fédéral du SPD en raison de positions jugées trop centristes. Pourtant, sa cote de popularité reste bonne auprès des électeurs, qui font de lui la troisième personnalité politique préférée d’Allemagne, après Angela Merkel et Markus Söder, le ministre-président de Bavière. Scholz, mène une politique budgétaire et financière austère et est un promoteur d’une mutualisation de la dette en Europe. Tout comme un certain Rishi Sunak, il abandonne sa politique d’austérité durant la pandémie de Covid au profit d’un plan de relance économique.  

 

En 2020, il annonce sa candidature à la chancellerie allemande, se proclamant héritier d’Angela Merkel, bien qu’ils soient tous les deux issus de partis opposés. Il prêche la continuité tout en évoquant l’alternative, promet 400 000 nouveaux logements chaque année, une économie libérale et des réformes sociales. Il est alors question d’une augmentation du salaire minimum, d’un retour à l’austérité budgétaire suspendue durant la pandémie, d’un rétablissement de l’impôt sur la fortune et une diplomatie proche de l’OTAN.  

Son élection, en décembre 2021, n’intervient pas à un moment propice, puisqu’il doit affronter la crise du Covid. Il évoque l’acquisition de 30 millions de doses de vaccin, et annonce l'obligation de vaccination dans tout le pays mais le Parlement rejette cette mesure. Premier échec.  

Dans la foule, il est auditionné par une commission d'enquête du Bürgerschaft de Hambourg sur les “CumEx Files”, un scandale de blanchiment d'argent qui impliquait le ministère des Finances, perquisitionné, lorsqu’il était à sa tête. 

Fond de techno pour danse de canard 

La guerre en Ukraine et la crise énergétique enfoncent le clou. L’ancien maire ne sait plus sur quel pied danser. L’atlantiste fait preuve d’attentisme, lui qui a sans cesse promis de fournir armes et missiles à Kiev, scrutant un feu vert de Washington. Il refuse également de déclencher un embargo sur le gaz russe, dont l’Allemagne est dépendante. Il se tourne vers les pays du Moyen-Orient pour s’alimenter en gaz et débloque un plan de soutien de 200 milliards d’euros, suscitant l’ire de ses homologues européens, qui lui rappellent qu’il plaidait l'austérité à Bruxelles. 

Il fait aussi cavalier seul lorsqu’il se déplace en Chine, sans aucun autre dirigeant européen à ses côtés, au moment où l’UE prend ses distances avec Pékin, le régime chinois étant jugé trop proche de Moscou.  

En outre, son double discours agace les écologistes. “Nous voulons être les pionniers de la transition climatique”, promettait-il lors de sa campagne. A Hambourg déjà, “il ne voulait pas faire une ville pour les vélos”, refusait la construction de tramways et aurait même trafiqué les données de mesure de la pollution sur les grands axes pour en minorer les résultats. A son poste de chancelier, les projets écologiques progressent peu. Il transfère bien un reliquat budgétaire de 60 milliards d’euros, destinés à lutter contre la pandémie, au climat mais la Cour constitutionnelle rejette cette manœuvre jugée inconstitutionnelle. Ce “tour de passe-passe budgétaire”, très critiqué par l’opposition, constitue un nouveau camouflet pour Olaf Scholz.  

Pour ne rien arranger, un mois auparavant, la coalition gouvernementale du chancelier a pris une claque lors des élections régionales dans les États de Bavière et de la Hesse. Les sociaux-démocrates (SPD), les Verts et les libéraux du FDP ont été dépassés par les conservateurs dans ces deux Länder, où le parti de droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), hostile à l’Union Européenne, se positionne à la seconde place.  

L’habitué du Forum de Davos (World Economic Forum, WEF) et des réunions du Bilderberg, un des principaux soutiens à l’agenda 2030 du WEF et des Nations unies, est déjà politiquement affaibli à mi-mandat. Mais c’est en janvier 2024 que son impopularité atteint un niveau record. En plus de la crise que subit sa coalition, Scholz doit affronter une vague de contestations. Notamment celle des agriculteurs qui paralysent le pays. L’Allemagne est en outre tombée en récession. Plébiscité par des électeurs âgés après s’être présenté comme l’héritier de Merkel, Olaf Scholz est aujourd’hui un chancelier silencieux, inaudible, impuissant et impopulaire, qui se contente d’administrer le pays plutôt que de prendre son avenir en main.  

 

 

 

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