Procès des "écoutes" : Sarkozy, offensif à la barre, nie toute corruption

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Par Anne LEC'HVIEN - Paris (AFP)
Publié le 07 décembre 2020 - 15:25
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L'ancien président de la République Nicolas Sarkozy arrive au tribunal où il est jugé pour des accusations de corruption, à Paris le 7 décembre 2020
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© MARTIN BUREAU / AFP
L'ancien président de la République Nicolas Sarkozy arrive au tribunal où il est jugé pour des accusations de corruption, à Paris le 7 décembre 2020
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"Je veux être lavé de cette infamie": offensif à la barre du tribunal correctionnel de Paris, l'ancien président Nicolas Sarkozy a contesté lundi au procès des "écoutes" tout "acte de corruption" et dénoncé une "traque" judiciaire à son encontre.

"Madame la présidente, permettez-moi de dire de façon solennelle que j'ai attendu ce moment depuis longtemps (...) Je n'ai jamais commis le moindre acte de corruption", déclare l'ex-chef de l'Etat, costume sombre et masque chirurgical sous le nez.

Dès le début de son interrogatoire, Nicolas Sarkozy, 65 ans, promet de "répondre à toutes les questions" et martèle vouloir "la vérité".

Se disant victime d'une "traque", de "l'obsession" des juges, l'ancien président lance au tribunal: "C'est la première fois que j'ai l'impression que je vais pouvoir m'expliquer devant une justice impartiale".

Les bancs de la salle d'audience sont régulièrement parcourus de rires ou de murmures. Au premier rang ont pris place deux fils de l'ancien locataire de l'Elysée.

L'image d'un ancien président à la barre est sans précédent sous la Ve République. Seul Jacques Chirac a été jugé et condamné en 2011 dans l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris, mais sans avoir comparu.

- "Parce que c'est moi" -

Très démonstratif à la barre, entre grands moulinets des mains et haussements d'épaules incessants, Nicolas Sarkozy se défend pied à pied, près de sept ans après la révélation de l'affaire des "écoutes", qui lui vaut de comparaître depuis le 23 novembre pour corruption et trafic d'influence.

"C'est l'affaire du siècle", ironise l'ex-chef de l'Etat. "Pourquoi? Parce que c'est moi. C'est ma présence seule qui déchaîne tout ceci", avance le prévenu, ajoutant: "Qu'ai-je fait pour mériter cela?"

En février 2014, des juges enquêtant sur les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 découvrent l'existence d'une ligne officieuse entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog, ouverte sous le nom de "Paul Bismuth".

Certains échanges téléphoniques, retranscrits dans le cadre de la procédure, devaient être diffusés à l'audience, mais le tribunal a finalement renoncé en raison de difficultés techniques et en a fait la lecture.

Dans leurs conversations - "des bribes" de "bavardages" entre deux "amis", deux "frères" martèle Nicolas Sarkozy - ce dernier semble s'inquiéter du sort d'un pourvoi formé devant la Cour de cassation, dans l'affaire Bettencourt.

L'ex-chef de l'Etat venait d'obtenir un non-lieu dans ce dossier instruit à Bordeaux, mais cherchait à faire annuler par la haute juridiction la saisie de ses agendas présidentiels, susceptibles d'être utilisés dans d'autres dossiers.

- "Blessé" -

Par l'entremise de Me Herzog il est soupçonné d'avoir cherché à obtenir des informations couvertes par le secret, voire à peser sur la décision de la Cour. En contrepartie, il aurait promis un "coup de pouce" à l'ex-haut magistrat Gilbert Azibert pour le poste de prestige convoité par ce dernier à Monaco, mais qu'il n'a jamais obtenu.

Dans ce dossier, il n'y a "pas un centime en cause, pas un", insiste Nicolas Sarkozy. La Cour de cassation ne lui a pas donné raison et à Monaco "tout le monde" a dit qu'il n'était pas intervenu. "C'est une folie de voir un pacte de corruption", crie-t-il presque, qualifiant l'affaire de "grotesque".

La présidente Christine Mée insiste sur "des propos qui interrogent" dans les écoutes, selon lesquels "Gilbert Azibert rencontre des conseillers" amenés à se prononcer sur son pourvoi. L'ancien président évacue.

Thierry Herzog voulait juste le "rassurer"... "comme l'année 2014 n'a pas été sur un plan judiciaire un très bon cru", ironise Nicolas Sarkozy.

"J'étais à 100 milliards de lieues de penser qu'on était en train de faire quelque chose de mal", poursuit-il.

De la même manière, quand Thierry Herzog lui demande de "donner un coup de pouce à M. Azibert, que j'ai vu trois fois dans ma vie, (...) je dis oui" car "ma vie a été de donner des coups de pouce, parce que ma vie c'est 40 ans de politique", fait valoir l'ex-président.

Le parquet national financier prendra ses réquisitions mardi. En octobre 2017, il avait comparé les méthodes de Nicolas Sarkozy à celles d'"un délinquant chevronné". Cette formule, "ça n'est pas passé", reconnaît l'ex-président.

Retraité de la vie politique depuis 2016, l'ex-président encourt, comme ses deux co-prévenus, dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende pour corruption et trafic d'influence.

Le procès doit s'achever jeudi soir.

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