Que reste-t-il de l'ETA, lancinante question en Espagne

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Par AFP
Publié le 09 avril 2017 - 19:39
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L'organisation séparatiste basque ETA a renoncé à la violence en 2011 et assure avoir rendu ses armes. Il n'en resterait qu'une poignée de militants et un sigle que beaucoup veulent oublier en Espagne, même si le séparatisme basque n'a pas disparu.

Euskadi Ta Askatasuna ("Patrie basque et Liberté"), fondée le 31 juillet 1959, est la "dernière organisation terroriste née en Europe" qui n'a pas encore complètement disparu, souligne Gorka Landaburu, journaliste, victime d'un de ses attentats en 2001.

Née dans la lutte contre le franquisme, proche d'autres organisations d'extrême gauche comme les Brigades rouges en Italie et Action directe en France, mais aussi l'Armée républicaine irlandaise (IRA), l'ETA leur a survécu pendant des années, rappelle le directeur de la revue Cambio16.

Après la mort du dictateur espagnol Francisco Franco, accusé de réprimer la culture basque, elle a même intensifié ses attentats, entraînée dans une spirale de haine à laquelle ont aussi participé des groupes d'extrême droite et parapoliciers, dont les GAL.

Une étude commandée par le gouvernement régional basque, "Foronda", montre qu'une grande majorité de ses crimes est intervenue sous la démocratie : 43 assassinats sous la dictature, le reste des 829 morts après. Les GAL et l'extrême droite ont fait 62 morts.

Le quotidien de l'Espagne dans les années 1980 était marqué par le terrorisme : attentats, enlèvements, rackets.

- L'exécution de trop -

Jusqu'à l'enlèvement puis l'exécution en juillet 1997 de Miguel Angel Blanco, un conseiller municipal conservateur de 29 ans : suivi par toute l'Espagne, il avait donné naissance au mouvement "Basta ya" contre la violence, mobilisant des millions d'Espagnols dans les rues.

L'ETA n'a renoncé définivement à la violence qu'en octobre 2011. Elle n'avait pas depuis remis les armes, exigeant encore une négociation sur le sort de ses membres et prisonniers pour obtenir des amnisties, des rapprochements de détenus et libérations conditionnelles, notamment des plus malades.

Désormais, "l'ETA doit réfléchir aux modalités de sa disparition", déclare à l'AFP le secrétaire pour la paix du gouvernement basque Jonan Fernandez, au coeur des négociations qui ont permis la remise des armes, qui s'exprime rarement.

L'indépendantiste Arnaldo Otegi, ex-membre éminent de la branche politique de l'ETA, l'a dit aussi à demi-mot à l'AFP : "L'ETA doit entamer un débat entre militants sur son propre avenir".

L'ETA n'est plus qu'un "vase chinois encombrant", qui dérange même la gauche indépendantiste basque, lui faisant perdre du terrain électoralement, explique une autre source proche du processus de désarmement.

Selon cette source, sa dissolution pourrait se produire au cours de l'année 2017.

L'ETA, qui aurait encore une vingtaine de militants clandestins libres, n'agira cependant pas du jour au lendemain, estime ce spécialiste. Il lui faudra terminer un débat interne sur ses détenus: doivent-ils demander des libérations conditionnelles ou refuser toute concession au nom de la solidarité entre "etarras" ? Puis, une fois ce sujet tranché, envisager la dissolution.

De son côté, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy - qui fait face à l'indépendantisme catalan et a besoin d'apaiser les tensions avec les régions - pourrait aussi, à la demande du gouvernement basque, accepter de rapprocher des détenus incarcérés loin du Pays basque, estime Gorka Landaburu.

Reste la justice. "Près de 40% des assassinats n'ont pas été résolus", dit l'eurodéputée Maite Pagazaurtundua, une des fondatrices de Basta Ya, qui lutte contre l'oubli des victimes.

Et enfin la politique. La coalition de gauche indépendantiste basque EH Bildu est la deuxième force politique au Pays basque. Près de 17% des Basques veulent l'indépendance et 42% davantage d'autonomie, selon un sondage réalisé fin 2016 par l'institut MyWord.

Dans les rues du Pays basque, "la société a évolué beaucoup plus vite que les politiques" vers l'apaisement, constate de son côté Elena Arrambari, actrice, qui a monté des pièces visant amener les habitants à se pencher sur ce passé. Mais "il y a encore beaucoup de chemin à parcourir", souligne-t-elle en évoquant deux événements récents : la condamnation à une peine de prison d'une tweeteuse pour des blagues sur l'assassinat par l'ETA d'un chef de gouvernement franquiste, Luis Carrero Blanco, et l'agression de gardes civils en Navarre. "Les gens veulent tourner la page vite, mais il reste beaucoup de haine et ça, il faut s'en occuper", dit-elle.

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