Saikawa, le protégé de Carlos Ghosn qui se retourne contre son maître

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Par Hiroshi HIYAMA, Anne BEADE - Tokyo (AFP)
Publié le 22 novembre 2018 - 14:45
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Hiroto Saikawa, directeur général de Nissan Motors, s'exprime lors d'une conférence de presse au siège social de l'entreprise à Yokohama au Japon, le 19 novembre 2018
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© Behrouz MEHRI / AFP
Hiroto Saikawa, directeur général de Nissan Motors, s'exprime lors d'une conférence de presse au siège social de l'entreprise à Yokohama au Japon, le 19 novembre 2018
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Hiroto Saikawa, l'actuel patron de Nissan, faisait partie de la garde rapprochée de Carlos Ghosn. C'est pourtant lui qui a mis le super patron à terre.

Il a proposé et obtenu sa révocation lors d'un conseil d'administration extraordinaire jeudi.

M. Saikawa, 65 ans, avait choqué lundi le monde des affaires en fustigeant le "côté obscur" du règne sans partage de M. Ghosn, sur la base des conclusions d'une enquête interne et sans même attendre les résultats des investigations judiciaires.

"Je ressens une profonde déception, de la frustration, du désespoir même. De l'indignation et du ressentiment", a-t-il lancé, le vouant aux gémonies.

En une soirée, il a balayé une relation longue de 20 ans. M. Saikawa avait été adoubé en avril 2017 par Carlos Ghosn, qui lui avait alors passé les commandes exécutives du groupe pour se consacrer à la consolidation de l'alliance.

"Vient un temps où il faut passer le relais à quelqu'un d'autre. J'ai toujours dit que je voulais qu'un Japonais me succède et cela fait des années que je prépare M. Saikawa", avait à l'époque expliqué le Franco-libanais-brésilien, lui témoignant toute sa confiance.

Cheveux ras, lunettes et air sérieux, le responsable japonais a fait toute sa carrière chez Nissan qu'il a rejoint en 1977, tout juste diplômé de la prestigieuse université de Tokyo où il a fait des études d'économie.

Il a ensuite exercé en Europe mais son ascension a surtout démarré dans le sillage de Carlos Ghosn, arrivé en 1999 à Tokyo pour redresser à marche forcée Nissan, tout juste uni au français Renault.

- "A bout de patience" -

Sous son aile, Hiroto Saikawa a gravi les échelons, impressionnant ses collègues par son zèle à sabrer les coûts et négocier les prix avec les fournisseurs. Des États-Unis à l'Europe, il a enchaîné divers postes de direction, devenant directeur de la compétitivité en 2013.

Il a aussi siégé au conseil d'administration de Renault entre 2006 et 2016, et s'était déjà fait remarquer pour sa fermeté à l'occasion de la crise qui avait secoué l'alliance fin 2015, bien décidé à défendre l'autonomie de Nissan face à la "menace" de l'État français.

En dehors de Nissan, M. Saikawa a présidé la puissante Association des constructeurs automobiles japonais (JAMA).

Discret, sa rigueur et son souci du détail sont loués par ses pairs si l'on en croit la presse locale, tout comme son sens des affaires qui le distingue des autres responsables japonais.

Ces qualités ont probablement séduit Carlos Ghosn au moment de se choisir un successeur. Mais en prenant le large, le hiératique patron, qui avait tenu pendant des années la compagnie japonaise d'une main de fer, a semble-t-il laissé le champ libre aux rancœurs accumulées au fil des ans.

"Notre patience était à bout. M. Ghosn est probablement un excellent patron mais en termes de qualités humaines, j'ai envie de dire: +au secours!+", confiait dans la presse jeudi un responsable anonyme de Nissan.

Un épisode aurait particulièrement agacé M. Saikawa, ébranlé depuis sa prise de poste par la découverte de falsifications dans l'inspection de véhicules au Japon.

En juillet, après la révélation d'un nouveau scandale, M. Ghosn aurait refusé d'interrompre ses vacances sur une île japonaise pour revenir au siège, selon la presse nippone, rejetant la responsabilité sur son ancien poulain désormais aux commandes.

Ces derniers mois, alors qu'une enquête interne était menée dans le plus grand secret sur des malversations financières présumées de l'homme fort de l'alliance, Hiroto Saikawa avait commencé à prendre ses distances.

"Notre devoir est de mettre fin aux pratiques du passé", avait-il lancé en janvier dans une formule énigmatique, avant de prendre publiquement position contre une fusion avec Renault.

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