La marque de bijoux Lõu Yetu, dénoncée sur Instagram : peut-on se faire justice sur les réseaux sociaux ?

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FranceSoir
Publié le 29 janvier 2021 - 12:04
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Le silence tue.
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Cette mise au ban numérique et parfois professionnelle et sociale, sans passer par une décision de justice, peut avoir des conséquences très graves, lorsque les personnes sont accusées à tort, ou que la punition dépasse de loin l'ampleur de la faute.
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Depuis le 19 janvier, la marque parisienne de bijoux à prix abordable “Lõu Yetu” est accusée sur les réseaux sociaux de maltraiter ses équipes et de cacher une réalité très différente à celle affichée dans leurs campagnes de communication. Par l’intermédiaire du compte Instagram @balancetastartup, des employés de la marque ont dénoncé des directives racistes, l’absence de droit à la déconnexion, des faits de harcèlement moral, de la tromperie des clients, des pressions psychologiques de la part de la fondatrice, des licenciements déguisés. La fondatrice de la marque, visée personnellement, a fermé son compte Instagram. Cette campagne de dénonciation est un nouvel exemple d’un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur en France et dans le monde, et que certains appellent la “Cancel culture”.

Balancer sur les réseaux sociaux: un phénomène de la  "cancel culture" arrive tardivement en France

La “culture de l’annulation” ou “cancel culture” n’est pas un phénomène nouveau, mais il prend une ampleur particulière aujourd’hui, avec les réseaux sociaux. En septembre dernier,  le  compte instagram @balancetonstage était créé par trois étudiants de l'école de commerce Emlyon pour dénoncer des comportements sexistes subis par de nombreux stagiaires. En suivant le même principe, le compte @balancetonagency s’attaquait au secteur de la publicité et de la communication. Il a ensuite été suivi par @balancetastartup, qui démystifie le caractère moderne et progressiste de la “start-up nation”.
Cécile de Kervasdoué explique pour France info que cette forme de dénonciation sociale est arrivée très tard en France, depuis les Etats Unis, où la cancel culture ou “culture de l'interpellation, culture de la dénonciation, culture de l'humiliation publique ou bien culture de l'annulation et du rééquilibrage” fait déjà parti du paysage culturel et médiatique anglosaxon depuis 2019.
Même si les canaux de dénonciation et de critique sont nécessaires, certaines accusations génèrent des commentaires haineux ou déplacés, et aboutissent aussi parfois à une forme de harcèlement, qui peut aller jusqu'à “annuler” une personne (de l'anglais “cancel”). Cette mise au ban numérique et parfois professionnelle et sociale, sans passer par une décision de justice, peut avoir des conséquences très graves, lorsque les personnes sont accusées à tort, ou que la punition dépasse de loin l'ampleur de la faute.

La dénonciation sur les réseaux sociaux moins efficace que laisser la justice agir?

Certaines personnes jugent ce mécanisme de dénonciation publique biaisé, car l’entreprise visée ne peut pas répondre, et les autres marques fautives ne sont pas démasquées, donc le client peut croire qu’elles ne sont en aucun cas dans la même situation.
Pour Elise Fabing, avocate en droit du travail et fondatrice du cabinet Alkemist avocats,  le manque de moyens mis à la disposition du salarié pour dénoncer une situation de travail illégale fait que ce type de dénonciation publique est une manière pour le salarié de prendre en main une réparation de son préjudice. Dans la théorie, ces comptes de ”balançage”, “en plus de lutter contre les mauvaises pratiques au travail, permettent aux entreprises visées de remettre en question leurs modes de management, de conclure des accords d'entreprises plus protecteurs des salariés et de prendre soin de leur marque employeur.”  Les marques visées ont le droit de répondre et aussi de dénoncer une diffamation si c’est le cas… Cependant dans la pratique, explique Juliette Chapelle, avocate pénaliste, en charge de nombreuses affaires en droit pénal du travail,  “sur les réseaux sociaux, la personne mise en cause n'a pas les moyens de se défendre.” La personne ou la marque  dénoncée devient victime de cyber harcèlement, et est obligée à fermer ses comptes. Les internautes eux, n'ont qu'une seule version des faits.
Dans le cas de Lõu Yetu, la fondatrice a bien répondu au compte Instagram balancetonstartup  , affirmant vouloir procéder à un audit et déplorant le manque de possibilités de répondre.  Cette intervention a renforcé les craintes des dénonciateurs de subir des représailles de la part de la marque.

La dénonciation publique et anonyme dans le cadre du travail, un cas particulier

Balancetastartup explique sur son compte Instagram être convaincu que la libération de la parole sur ces sujets est essentielle. La volonté du compte n’est pas seulement de dénoncer les abus dans le monde des start-up mais aussi apporter de l'aide concrète aux salariés victimes de ces injustices.
Enfin, même si détruire la réputation de quelqu’un est de nos jours une façon facile de rendre justice, les juristes préfèreraient évidemment avoir plus de moyens, pour permettre à la justice de concilier les différents points de vue sans censure dans le cadre du travail, car cela est nécessaire pour respecter un cadre de confiance entre salariés et employés.  
Cela ne veut pas dire que les comptes de “balance” sur les réseaux sociaux n'ont pas besoin d’exister, surtout pour des cas particuliers d’injustice qui peuvent être tabous dans la société.  Dans ce cas, les victimes auront besoin de suivre une campagne de dénonciation publique et anonyme pour oser dénoncer.
 

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