Salon international de l’agriculture : le bien-être animal est-il garanti ?

Auteur:
 
Lalia Andasmas et Marion Renson-Bourgine, édité par la rédaction.
Publié le 09 mars 2017 - 19:01
Mis à jour le 10 mars 2017 - 16:05
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Des vaches le 24 février 2017 au Salon de l'Agriculture
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© JOEL SAGET / AFP
Le Salon de l'agriculture, où de nombreux animaux d'élevage étaient exposés, s'est tenu du 25 février au 5 mars.
© JOEL SAGET / AFP
Le Salon international de l'agriculture, qui s'est tenu du 25 février au 5 mars, a été l'occasion pour des milliers de visiteurs de découvrir les meilleurs produits du terroir français et d'admirer Fine, la vache star de l'évènement. Mais qu'en est-il du bien-être animal lors de ces manifestations? Pour tenter d'y voir plus clair, deux juristes spécialisées dans le droit animalier se sont penchées sur la question pour "FranceSoir".

Même si pour certains cette approche peut paraitre discutable, il convient de s’interroger sur la conciliation entre le respect du bien-être animal et le Salon international de l’agriculture. Nous avons tous à l'esprit l'histoire de cette vache qui a réussi à échapper à la vigilance de sa propriétaire durant son séjour au Salon international de l’agriculture entrainant une course-poursuite dans le parc des expositions. Cet événement atteste du stress occasionné aux animaux sujets à des expositions au grand public. Il n’est par ailleurs qu’une simple illustration à laquelle il est possible d’ajouter d’autres éléments négatifs comme la perte de poids conséquente provoquée par ces manifestations.

Le concept de bien-être animal a une place importante dans les conventions du Conseil de l'Europe relatives à la protection des animaux. Il en va de même au niveau de l'Union européenne où des normes juridiques ont pris en compte cette notion. Ces derniers textes marquent l’importance du bien-être animal associé à la sensibilité de l’animal. Or, ils n’apportent aucune définition générale. C’est au sein du code terrestre de l’OIE qu’il est défini comme "la manière dont un animal évolue dans les conditions qui l’entourent". La notion de bien-être animal connaît une évolution dans la mesure où elle n'est plus associée uniquement à l’interdiction de maltraitance mais aussi à sa bientraitance. Le Farm Animal Welfare Council, une organisation non gouvernementale créée en 1967, au Royaume-Uni, avait prévu un ensemble d’indicateurs permettant de cerner au mieux ses éléments constitutifs. Ces indicateurs sont les "cinq libertés fondamentales" universellement reconnues pour décrire les droits des animaux placés sous la responsabilité humaine: "l'absence de faim, de soif et de malnutrition", "l'absence de stress physique et thermique", "l'absence de douleur, de lésion et de maladie", "l'absence de peur et de détresse" mais aussi "l'expression des comportements normaux de l’espèce".

À l’échelle européenne, une méthode standard est réalisée pour l’évaluation du bien-être des animaux dans les filières alimentaires. Il s’agit du Welfare Quality qui a pour objectifs de concilier les attentes sociétales et les besoins des marchés. Selon ses critères, les animaux ne doivent pas souffrir de faim prolongée ni de soif prolongée, doivent bénéficier d’une aire de couchage confortable; d'un confort thermique, disposer de suffisamment d’espace pour pouvoir se déplacer librement; être exempts de blessures physiques et de maladies et ne pas souffrir de douleurs provoquées par des soins, des manipulations, un abattage ou des procédures chirurgicales inappropriés. Ils doivent également avoir la possibilité d’exprimer un comportement social normal et non nuisible et être manipulés avec précaution en toute situation. Quant aux émotions négatives telles la peur, la détresse, la frustration ou l’apathie, elles doivent être évitées tandis que les émotions positives, telle la sécurité ou la satisfaction, doivent être favorisées.

Du statut d’êtres vivants doués de sensibilité découle une obligation de respect du bien-être animal. C’est pourquoi, la Direction générale de l’alimentation a développé un projet de stratégie pour la période allant de 2015 à 2020. Ce projet permet de définir les orientations et les priorités d’actions du ministère de l’Agriculture en matière de bien-être animal. Le ministre Stéphane Le Foll avait par ailleurs présenté ce plan d’action pour le bien-être animal en avril 2016. Cinq axes prioritaires avaient alors été définis: partager le savoir et promouvoir l’innovation, des acteurs responsables à tous les niveaux, poursuivre l’évolution des pratiques vers une production plus respectueuse de l’animal, prévenir et être réactif en cas de maltraitance animale et informer chacun des avancées et des résultats du plan d’action (idée de transparence). Ce plan d’action est actuellement mis en œuvre avec notamment la création du Centre national de référence sur le bien-être animal (correspondant au premier axe).

En effet le mardi 28 février, à l'occasion du salon international de l’agriculture, a été signée une convention entérinant la création d'un Centre national de référence sur le bien-être animal. Il s'agit d’une convention de partenariat signée par Emmanuelle Soubeyran (directrice de VetAgro Sup), Isabelle Chmitelin (Directrice de l’ENVT) et Philippe Maugin (directeur de l'INRA). Ce centre, piloté par l’Institut National de la recherche agronomique (INRA) a pour mission d' organiser un partage des connaissances avec l'ensemble des acteurs impliqués dans le bien-être animal (les éleveurs et détenteurs d'animaux, les vétérinaires, les chercheurs); de diffuser les résultats de la recherche et des innovations techniques; d'apporter un appui scientifique et technique à tous les acteurs et de constituer un centre de ressources pour la formation sur le bien-être et la protection animale.

Participent à la constitution de ce Centre, les quatre écoles nationales vétérinaires (Maisons-Alfort, Toulouse, Lyon et Nantes) ainsi que des acteurs de la recherche appliqués, représentés par les instituts techniques agricoles (ACTA). Par ailleurs, un comité consultatif associera les associations de protection animale et les organisations professionnelles aux centraux du Centre national de référence.

Selon le syndicat des entreprises des viandes, Culture viande, "avec ce centre, la recherche française s’inscrit dans une perspective européenne et jouera le rôle de force de propositions sur le sujet du bien-être animal dans les débats européens à venir[1]". Toutefois l'approche de Brigitte Gothière, cofondatrice de l'association L214[2] est bien différente: "le gouvernement et les filières d'élevage cherchent à relancer la consommation de viande en baisse flagrante depuis que les consommateurs prennent conscience des atrocités que subissent les animaux. Mettre en avant le bien-être animal est une stratégie qui vise à rassurer. On ne peut que constater que le CNR est piloté par l'INRA qui a participé à la dégradation des conditions de vie et de la santé des animaux via la zootechnie tournée vers la productivité". 


[1]http://www.cultureviande.fr/actualite/creation-dun-centre-national-de-reference-pour-le-bien-etre-animal/

[2]https://www.l214.com/

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