Une "usine à peaux" pour éviter les tests sur les animaux

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 04 février 2016 - 12:45
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Une recherche dans un laboratoire.
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©Gareth Watkins/Reuters
Les chercheurs de l'usine lyonnaise cultivent in vitro des échantillons de peaux pour réaliser des tests dermatologiques (image d'illustration).
©Gareth Watkins/Reuters
Face à la réglementation des tests de produits cosmétiques sur les animaux, les fabricants sont à la recherche d'alternatives. A Lyon, une usine dépendante de L'Oréal cultive des fragments de peaux humaines pour expérimenter ces produits.

Reconstruire des tissus humains pour tester la sécurité et l'efficacité de produits, cosmétiques ou autres: c'est la mission insolite d'Episkin SA, un laboratoire dans le giron de L'Oréal à Lyon, précurseur du développement de méthodes alternatives aux tests sur animaux.

Dans ce laboratoire situé au Lyonbiopôle, à deux pas du stade de Gerland, les 1.000 mètres carré de "salles blanches", un espace stérile isolé par d'épaisses vitres en plexiglas où s'activent des hommes en blouse bleue, n'ont a priori rien à voir avec un corps humain. Et pourtant, c'est là que des fragments de peau humaine, issus de résidus opératoires de chirurgie esthétique, trouvent un milieu favorable pour reproduire des cellules à l'échelle industrielle.

Une fois séparé du derme, l'épiderme est lui-même dissocié pour isoler ses principales cellules, les kératinocytes, qui vont être ensemencés dans un milieu de culture mimant l'organisme, composé d'eau, de vitamines, de sels minéraux, de sucre ou encore d'hormones. Incubés dans des étuves à 37 degrés, la température du corps humain, les kératinocytes vont ensuite se multiplier pour former un tapis cellulaire.

"Les cellules n'aiment pas le vide, comme quand vous avez une blessure, elles colonisent les contenants", explique Nathalie Seyler, directrice générale déléguée d'Episkin. Après d'autres savantes étapes pendant deux à quatre semaines, les kératinocytes se stratifient et se différencient pour former à la surface de l'épiderme une couche cornée et à l'aspect rosâtre: le tissu humain reconstruit est prêt à l'emploi.

Mieux vaut savoir quoi en faire, à 60 euros le minuscule échantillon. Le principal client d'Episkin est L'Oréal, son actionnaire majoritaire, qui lui confie certains tests d'efficacité et sécurité de ses ingrédients ou produits finis, principalement au niveau de l'irritation cutanée et oculaire, la corrosion cutanée et la phototoxicité.

Carine Tornier, responsable du service évaluation sécurité chez Episkin, applique un peu de crème sur la surface d'un tissu de peau reconstruite. "Si le produit n'est pas irritant, les cellules sont toujours vivantes et le tissu devient bleu foncé. A l'inverse si le produit est mal toléré, il ne peut être métabolisé car les cellules sont mortes, et il va rester clair", explique-t-elle.

La densité de la réaction colométrique est analysée par un spectrophotomètre, afin de déterminer avec précision le degré de tolérance du produit par la peau. Les méthodes d'Episkin, validées par les autorités européennes et l'OCDE, constituent le socle de la recherche cutanée in vitro de L'Oréal, qui a permis au groupe d'anticiper largement les restrictions progressives des tests sur animaux pour les nouveaux produits cosmétiques commercialisés en Europe.

Mais le laboratoire, qui produit 100.000 tissus reconstruits par an, en exporte aussi dans le monde entier auprès de quelque 200 clients réguliers, qui les utilisent pour tester des produits très divers: des cosmétiques, mais aussi des médicaments, des pesticides...

"Nous avons aussi des clients universitaires, qui essaient de trouver de nouveaux marqueurs pour mieux étudier la peau et son vieillissement", selon Nathalie Seyler. Episkin a notamment partagé ses méthodes de reconstruction de la peau avec le centre de traitement des grands brûlés de Percy à Clamart (Hauts-de-Seine).

Episkin a aussi récemment ouvert une antenne à Shanghai, où sont reconstruits des tissus de peaux chinoises. Cette implantation locale était nécessaire face aux difficultés d'exporter vers la Chine des produits d'origine biologique, et aussi pour tenter de convaincre les autorités locales de l'utilité de ces méthodes alternatives aux tests sur animaux.

"En termes de sécurité, la peau asiatique et la peau caucasienne vont avoir des similarités. En revanche la peau asiatique et la peau caucasienne ne vieillissent pas de la même façon", donc il peut y avoir des différences au niveau de l'efficacité des produits anti-âge, explique Nathalie Seyler.

Le laboratoire a aussi créé "Episkin Academy", pour former et accompagner des chercheurs dans des pays souhaitant développer des méthodes alternatives aux tests sur animaux, comme l'Inde. Comme d'autres laboratoires, Episkin s'intéresse désormais aussi à la bio-impression 3D de peau, ayant notamment signé l'an dernier un partenariat en ce sens avec la start-up américaine Organovo.

 

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