Bill Gates devant le Tribunal judiciaire de Nanterre : a-t-il tenu des propos contradictoires aux Etats-Unis et en France ?

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Laurent Pelé, pour FranceSoir
Publié le 24 octobre 2022 - 19:45
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Bill Gates France 2
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Capture d'écran FranceSoir/ France 2 / DS
L'audience en référé du procès contre Bill Gates devant le Tribunal judiciaire de Nanterre a eu lieu ce 20 octobre 2022.
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L'audience en référé du procès contre Bill Gates devant le Tribunal judiciaire de Nanterre a eu lieu ce 20 octobre 2022. Laurent Pelé, membre de l’association BonSens.org, partie au litige, était présent à l’audience et met à disposition ci-dessous un compte rendu de la session. Les conclusions des requérants et de la défense sont publiées dans leur intégralité à la fin de ce compte rendu. 

Contexte

Le 6 mai 2022, à l’occasion de la sortie de son ouvrage Comment éviter la prochaine pandémie, M. Bill Gates a été invité au journal de 20 heures sur France 2. Au cours de cette interview, à l'affirmation du journaliste qui lui a souligné que des « complotistes du monde entier vous accusent quasiment d’avoir fabriqué l’épidémie de Covid », le milliardaire a renchéri en les accusant d’avoir « complètement retourné la situation en disant que je gagne des milliards pour tuer des gens », enchainant sur une promotion sans nuances de l’« excellent vaccin » contre la Covid-19 : « un miracle qui a empêché des millions de morts », s'est-il vanté. En outre, Bill Gates n’a pas hésité à assurer que les personnes qui décédaient suite à une infection au Covid-19 étaient non-vaccinées.

Des propos qui divergent pourtant avec ses propres déclarations faites trois jours plus tôt aux États-Unis, dans lesquels il soulignait le caractère imparfait des vaccins : de son propre aveu, ils n’empêchent pas la transmission du virus, pourtant la fonction première d'un vaccin, soulignant par ailleurs que leur durée de protection est réduite. Sur Twitter, Bill Gates avait également indiqué avoir contracté le coronavirus, s’estimant néanmoins chanceux d’être vacciné.

Suite à ces propos, l’association BonSens.org et trois de ses membres, dont le Pr Christian Perronne et Xavier Azalbert, également directeur de la publication de FranceSoir, avaient mandaté Maître Diane Protat pour déposer un référé contre M. Gates, estimant avoir été dénigré de façon volontaire et malfaisante par le milliardaire devant des millions de téléspectateurs. À ce titre, la responsabilité délictuelle de Bill Gates à leur encontre est engagée : en soutenant que les soi-disant « complotistes » mettent en danger la vie des Français par leur remise en cause de l’efficacité des vaccins contre la Covid-19, il laisse penser aux téléspectateurs que les actions sociales ou judiciaires entreprises par l’association BonSens.org, seraient néfastes pour la population.

Lors de l'audience du 20 octobre, M. Bill Gates était représenté par Maître Louis Degos, avocat du cabinet d’avocats K&L Gates, dont l'un des fondateurs n'est autre que le père de Bill Gates, William Gates.

Plaidoirie de Me Protat pour BonSens.org et trois membres qualifiés de « complotistes »

Au début de sa plaidoirie, Me Protat a tout d’abord rappelé les raisons de cette procédure judiciaire, soulignant son importance puisqu’elle s’inscrit dans le contexte de la crise du Covid-19 au cours de laquelle le mensonge a fait loi.

Alors que le grand public pourrait penser que Bill Gates a des informations de première main concernant l’efficacité de la vaccination contre le Covid-19, Me Protat a pointé du doigt la contradiction apparente entre les déclarations de Bill Gates sur France 2 et celles faites aux États-Unis trois jours plus tôt, arguant qu’elles traduisent un double discours. En France, le milliardaire a qualifié l’injection contre le Covid-19 d’« excellent vaccin » ; de l’autre côté de l’Atlantique, il a expliqué que le vaccin n’empêche pas la transmission, pourtant fonction primaire d’un vaccin.

Ces contradictions, a développé l’avocate, s’expliquent par le fait qu’aux États-Unis, « dire des mensonges est une faute très grave », tandis qu’en France, cet acte n’a pas la même portée. Aussi, Bill Gates a pu faire ces déclarations sur France 2 avec un sentiment d’impunité, a-t-elle mis en avant.

Me Protat a ensuite rappelé les termes de l’article 1240 du Code civil sur la responsabilité délictuelle, fondement des poursuites judiciaires engagés (« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »), avant d’expliquer en quoi les conditions posées par cet article sont respectées dans le cas présent.

M. Azalbert est présenté par le journal Le Monde comme chef de file des « complotistes » et le Pr Perronne « médecin référent des complotistes ». « Bill Gates vise tous les complotistes, il bâillonne la liberté d’expression », a asséné Me Protat.

Par ailleurs, elle a souligné que Bill Gates se présente comme « un philanthrope ». Pourtant, il retire des revenus financiers en conséquence des ventes de vaccins contre le Covid-19 qu’il a présentés sur France 2 comme « excellents », explique la juriste, qui rappelle que la jurisprudence impose une présentation honnête des produits commercialisés.

Si Bill Gates prétend agir de manière désintéressée, sa fortune a néanmoins doublé depuis qu’il a investi son argent dans sa fondation Bill et Melinda Gates, actionnaire chez Pfizer, souligne-t-elle. Plutôt que de reprendre d’une main ce qu’il donne de l’autre, le milliardaire aurait mieux fait de demander à ce que les brevets de Pfizer soient mis dans le domaine public, a soutenu Me Protat, qui a relaté l’histoire sulfureuse de la fondation dont la formation a fait suite à des vœux de démantèlement de Microsoft, accusé d’abus de position dominante dans les années 1990 en vertu de la loi américaine antitrust. En outre, cette fondation, adossée à un trust, investit dans Coca Cola qui favorise l’obésité, donc il est difficile de croire à ses œuvres pour la santé publique.

Également, Me Protat a fait une parenthèse sur l’étrange remise du prix annuel du "Global Goalkeeper“ par la fondation Bill et Melinda Gates à Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission européenne, instance qui va se retrouver au cœur d’une enquête sur l’achat des vaccins anti-Covid diligentée par le Parquet européen. Elle a aussi rappelé qu'en juin 2020, la Commission européenne a annoncé le versement de 300 millions d’euros à cette fondation...

L'avocate est ensuite revenu sur les éléments de la défense de Bill Gates selon lesquels BonSens.org ne représenterait pas un concurrent de sa fondation : ils sont concurrents sur le terrain des œuvres caritatives avec une approche tout à fait différente pour l’humanité. BonSens.org prône le bon sens, les traitements précoces qui ont fait preuve de leur efficacité comme l’ivermectine, et une autre parole scientifique. À l’inverse, l’objectif de Bill Gates consiste à discréditer les complotistes afin de bâillonner toute parole scientifique divergente et d’empêcher les débats.

Ensuite, elle a rappelé le rapport d’étape de l’OPECST sur les effets indésirables du vaccin anti-Covid, qui rapporte des troubles menstruels chez les femmes vaccinées, et le témoignage d’une virologue sur la réactogénicité provoquée par la vaccination ainsi que la fréquence des effets indésirables bien plus importante que celle d’autres vaccins comme celui contre la grippe.

Elle évoque en outre des fréquences rapportées de décès et de graves effets cardiaques sous-estimés : au mieux, seul un effet sur 10 est remonté.

Concernant le bénéfice du vaccin anti-Covid, Me Protat a cité une étude scientifique danoise qui montre l’absence de bénéfice global de la vaccination sur la mortalité, ajoutant que le Danemark a été le premier pays à arrêter la recommandation de la vaccination chez les moins de 50 ans.

Alors que le Pr Perronne a reçu le diplôme de la Médaille d'Or de la Ligue Universelle du Bien Public, qu’il est un spécialiste de l’immunologie et des vaccins, qu’il dispose d’un curriculum vitae long comme le bras, l’avocate s'est interrogée : comment Bill Gates peut-il discréditer la voix des scientifiques alors qu’il ne possède lui-même aucune compétence scientifique ?

Me Protat a conclu sa plaidoirie en expliquant qu’autrefois, la justice était instrumentalisée pour réduire au silence les lanceurs d’alerte, mais aujourd’hui, ce sont les médias grand public et des personnalités comme Bill Gates qui se chargent de discréditer leur parole dans l’espace public.

Plaidoirie de l’avocat de Bill Gates

Maître Degos a entamé sa plaidorie en faveur de Bill Gates en expliquant que si « ce que l'on a entendu est peut-être intéressant », ce tribunal n’est pas une arène médiatique. Aussi, il a indiqué ne vouloir parler ni de santé publique, ni de corruption, ni de la Commission européenne, préférant, a-t-il ajouté, vouloir se limiter à une argumentation juridique.

Il a enchainé sur une question : quelle obligation aurait été violée ?

Et de souligner que M. Gates n’emploie pas le terme de « complotiste » dans ses déclarations.

L’avocat a rappelé que les pouvoirs de la juridiction de référé sont limités par l’article 835 du Code de procédure civile, que les demandeurs réclament un total de 8 millions d’euros de dommages et intérêts, et qu’il existe donc une première contestation sérieuse à émettre sur le montant demandé en réparation d’un préjudice nullement attesté.

Il a embrayé ensuite sur la définition du dénigrement : cela consiste à rabaisser un produit ou un rival dans une situation de concurrence. En revanche, dans le cas présent, ni Bill Gates ni BonSens.org n’ont de produits à vendre, quand bien même son client conserve quelques participations chez Microsoft.

S’agissant de la contradiction soulignée par la partie adverse entre ses déclarations en France et celles faites aux États-Unis, il estime qu’il n’en existe pas, puisque M. Gates vante la réussite du vaccin anti-Covid sur les formes graves de la maladie, non pas sur la transmission.

Par ailleurs, les termes employés par M. Gates à l’antenne n’étaient pas des anathèmes, mais des termes très généraux et très modérés, sans injures. Les demandeurs à l’instance n’étaient pas cités, fait-il également valoir.

Il ne voit donc pas de dommage subi par les requérants, mais plutôt dans la présente procédure une aubaine pour leur permettre d’augmenter leur audience et la résonance de leurs thèses, dans le but d’augmenter le nombre d’adhésions au sein de l’association BonSens.org.

Puisqu’il n’y a pas de lien de causalité entre les faits prétendus fautifs et le dommage invoqué, Me Degos considère que la procédure est une instrumentalisation de la justice. Le débat judiciaire n’est pas le débat médiatique ; cette procédure vise à bâillonner la parole de Bill Gates, a-t-il argué.

Pour conclure sa plaidoirie, il rapporte que si Bill Gates dispose des moyens financiers pour se défendre et ne demande pas le remboursement de ses frais d’avocat, ce dernier se met à la place du citoyen ordinaire qui ferait face à une telle procédure abusive. À ce titre, en guise de sanction, il demande qu’une amende civile soit prononcée dont le règlement irait en faveur de l’État français.

En fin d'audience, la présidente a remercié les parties pour ces échanges libres et a mis l’affaire en délibéré au 24 novembre 2022.

Les conclusions des demandeurs sont publiées dans leur intégralité ici. Les conclusions de la défense sont, elles, disponibles ici.

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