Vingt-huit ans de prison pour le premier attentat jihadiste en prison

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Par Sofia BOUDERBALA - Paris (AFP)
Publié le 22 novembre 2019 - 15:57
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Croquis d'audience montrant le détenu radicalisé Bilal Taghi jugé à Paris le 19 novembre 2019 pour avoir tenter de tuer un gardien
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© Benoit PEYRUCQ / AFP
Croquis d'audience montrant le détenu radicalisé Bilal Taghi jugé à Paris le 19 novembre 2019 pour avoir tenté de tuer un gardien
© Benoit PEYRUCQ / AFP

Une justice "ferme" et porteuse "d'espoir" : le jihadiste Bilal Taghi a été condamné vendredi à 28 ans de réclusion assortis d'une période de sûreté des deux tiers, pour avoir tenté d'assassiner deux surveillants de la prison d'Osny (Val-d'Oise) en 2016, une attaque considérée comme le premier attentat jihadiste en détention.

Alors que l'accusation avait requis la perpétuité contre un "fanatique" à l'"engagement irrémédiable dans une idéologie radicale", la défense a salué "la main tendue de la justice pour qu'un jour il puisse revenir dans la communauté des hommes". "Un message ferme", a estimé Me Xavier Nogueras, mais aussi "une note d'espoir".

C'était tout l'enjeu de ce procès, centré non pas sur la détermination de la culpabilité, acquise dès le départ, mais sur la capacité de réinsertion d'un homme de 27 ans, après des années au service du jihad.

L'attaque menée au coeur même d'une "unité dédiée" à la déradicalisation, où l'accusé purgeait une peine de cinq ans après un départ avorté en Syrie, avait traumatisé l'administration pénitentiaire et conduit à modifier la gestion des radicalisés en prison.

Le Franco-marocain avait tout de suite reconnu avoir voulu tuer un représentant de l'Etat français au nom de Daech et dit qu'il recommencerait s'il en avait "l'occasion".

Depuis l'ouverture de son procès lundi, il a assuré avoir renoncé à l'idéologie mortifère du groupe Etat islamique, sans sembler convaincre la cour, trébuchant souvent sur les mots quand il s'agissait de donner des gages de son désengagement extrémiste.

Ses derniers mots ont été dans la matinée pour ses victimes à qui il a demandé "pardon". La veille, en larmes, il avait salué le "cours d'humanité" adressé par l'un des surveillants blessés comme "une claque dans la gueule". "Je pense que tout n'est pas perdu", lui avait lancé Philippe X., le ramenant "au sens qu'il voulait donner à sa vie".

- "Sans haine" -

Après l'énoncé du verdict, Bilal Taghi s'est affaissé sur son banc dans un soufflement de soulagement.

Le surveillant Philippe X. s'est avancé vers le box et lui a dit quelques mots, qu'il a répétés à la presse: "Je lui ai dit que la balle était dans son camp, qu'il avait deux enfants à éduquer, qu'il fallait se battre afin que ses deux garçons puissent être la fierté de notre nation".

Philippe X. n'est pas dupe. La question pour lui n'est pas celle de "la sincérité" du condamné, mais de notre propre humanité: "j'ai fait ce que j'avais à faire, lui tendre la main malgré tout".

La cour d'assises spéciale a par ailleurs acquitté Bilal Taghi de l'infraction d'association de malfaiteurs terroriste, comme le demandaient l'accusation et la défense, le détenu ayant agi seul.

Sa décision est une réponse assez sèche au parquet antiterroriste, qui réclamait la peine maximale prévue par le code pénal français.

L'avocat général s'était attaché à décrire l'ancrage de Bilal Taghi dans la violence, dès son enfance, et sa recherche désespérée d'un cadre, qu'il allait trouver dans l'idéologie jihadiste.

Après l'échec de son départ en Syrie en 2015, dès son arrivée à Osny, Bilal Taghi avait "dans un coin de la tête", comme il l'a dit lui-même, l'idée de tuer un surveillant.

"Il faut imaginer ce lion du califat qui chasse pendant des mois dans les couloirs de la maison d'arrêt d'Osny à la recherche de sa proie", avait dit le magistrat, décrivant une attaque "sauvage".

Une violence inouïe projetée à l'audience sur grand écran: 19 secondes d'une rage terrible ce 4 septembre 2016, quand, armé d'un couteau artisanal, Bilal Taghi sort de sa cellule se jette sur Philippe X., manquant de justesse la carotide.

Le surveillant est sauvé par un collègue qui s'interpose et parvient à le traîner à l'abri. En attendant les équipes d'intervention qui le maîtriseront, Bilal Taghi sourit à la caméra, fait sa prière et trace un cœur sur une vitre après avoir trempé son doigt dans le sang qui macule le sol.

Vendredi soir, Philippe X. a appelé à "aller de l'avant", "sans haine". Et affirmé, cherchant à toucher le coeur du croyant en Bilal Taghi, qu'on ne pouvait "combattre le mal que par le bien".

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