Travail au noir à l'EPR de Flamanville : de plus lourdes amendes requises en appel

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 09 novembre 2016 - 18:27
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Le réacteur EPR de Flamanville.
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©Charly Triballeau/AFP
A l'époque des faits, le chantier employait environ 3.000 personnes, dont environ un tiers d'étrangers.
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Le parquet de Caen a requis ce mercredi en appel le doublement des amendes à l'encontre de quatre entreprises dans une affaire de travail au noir sur le chantier du réacteur nucléaire EPR de Flamanville. Entre sous-déclarations d'accidents du travail, ouvriers polonais et roumains "détachés" maintenus 4 ans et demi sur le chantier au lieu des deux ans maximum légalement et salaires en liquide, la justice a pointé de nombreuses zones d'ombre dans ce dossier.

Le parquet de Caen a requis mercredi en appel le doublement des amendes à l'encontre de quatre entreprises, dont Bouygues TP, dans une affaire de travail au noir d'au moins 460 "détachés" polonais et roumains sur le chantier du réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche). "Une entreprise initialement basée en Irlande, agissant par l'intermédiaire d'une succursale chypriote, pour recruter des Polonais qui n'ont jamais mis les pieds à Chypre et signent de contrats en grec auxquels ils ne comprennent rien (...): ne peut-on humer un plan de fiction juridique?", a lancé l'avocat général Marc Faury, estimant que Bouygues TP ne pouvait ignorer les irrégularités de son sous-traitant Atlanco sur ce chantier.

Pour le magistrat, Bouygues TP et Quille (rebaptisée depuis Bouygues Bâtiment Grand Ouest), deux filiales de Bouygues Construction, et l'entreprise nantaise Welbond Armatures, sont coupables d'avoir eu recours, entre 2008 et 2012, aux services de l'agence d'intérim international Atlanco (163 salariés victimes) et de l'entreprise roumaine BTP Elco (297 salariés victimes), elles-mêmes coupables selon lui de travail dissimulé. Le magistrat a requis 50.000 euros d'amende contre le géant français du BTP, soit le double de celle à laquelle il avait été condamné à Cherbourg en 2015. En première instance, Elco avait été condamné à 40.000 euros, Welbond à 15.000 euros et la filiale de Bouygues, Quille, à 5.000 euros. M. Faury a également demandé qu'elles soient multipliées par deux. Elles resteraient alors toutefois inférieures aux réquisitions du parquet à Cherbourg. Atlanco, qui avait écopé de 70.000 euros d'amende à Cherbourg, n'est visé qu'au civil en appel. "Les salariés n'avaient aucune couverture sociale. Une chance qu'ils n'aient pas eu d'accident" grave, a plaidé Wladislaw Lis, l'avocat d'une cinquantaine de salariés polonais, parties civiles.

Sous-déclarations d'accidents du travail, "détachés" maintenus 4 ans et demi sur le chantier au lieu des deux ans maximum légalement, salaires en liquide, M. Faury et le président de la cour d'appel de Caen Henri Ody ont pointé de nombreuses zones d'ombres sociales du "plus grand chantier d'Europe". Le manque à gagner pour l'Urssaf, qui ne s'est toutefois pas portée partie civile, est de 10 à 12 millions d'euros. Les six avocats de Bouygues ont commencé ce mercredi après-midi à plaider la relaxe.

"On a peut-être failli, peut-être, mais on avait la volonté de bien faire du premier jusqu'au dernier jour", a assuré mardi 8 à la barre le directeur général de Bouygues TP, Philippe Amequin. Le géant français du BTP a recouru à Atlanco car cette entreprise avait donné satisfaction sur le chantier d'un autre EPR, en Finlande, a-t-il argumenté. Bouygues TP avait à gérer "250 contrats" avec des entreprises à Flamanville, a-t-il ajouté. La défense a mis en outre en avant une "pénurie de main-d’œuvre" dans le bâtiment en France à l'époque des recrutements. Mais pour la CGT, l'objectif des prévenus était de faire des économies. "Un directeur des opérations France de Bouygues TP a dit aux enquêteurs +je pense que la manœuvre d'Atlanco est de payer moins de charges+. Le but est là", a plaidé Flavien Jorquera, l'avocat du syndicat, partie civile. Selon le jugement de Cherbourg, le niveau de cotisations sociales en France est de 51,7% contre 12,1% à Chypre. Une fois les irrégularités dénoncées par l'Inspection du travail en mai 2011, les Polonais ont été "tout à fait brutalement évacués du chantier", a ajouté M. Jorquera.

A l'époque des faits, le chantier employait environ 3.000 personnes, dont environ un tiers d'étrangers. Aujourd'hui l'EPR de Flamanville fait travailler 4.800 personnes, mais la phase BTP est terminée. Maître d’œuvre de ce chantier qui cumule déboires et retards, EDF n'était pas poursuivi. L'entreprise considère Flamanville comme une vitrine pour vendre des EPR, ces réacteurs ultra-puissants de nouvelle génération. Selon Bruxelles, plus de 1,9 million de salariés étaient travailleurs détachés dans l'UE en 2014 (dont un peu moins de 200.000 à destination de la France) en augmentation de 44% par rapport à 2010.

 

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