Vol de cocaïne au 36 Quai des Orfèvres : où en est l'enquête ?

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 08 janvier 2016 - 10:45
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L'entrée du 36 quai des Orfèvres à Paris.
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©Antoniol Antoine/Sipa
La cocaïne volée au 36 Quai des Orfèvres reste toujours introuvable.
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La drogue volée au 36 Quai des Orfèvres dans la nuit du 24 au 25 juillet 2014, dont la valeur à la revente est estimée à deux millions d'euros, n'a jamais été retrouvée. Un an et demi après les faits, l'enquête comporte toujours de nombreuses zones d'ombre.

Des policiers présumés ripoux, un indic en fuite, un trafiquant dominicain: 18 mois après le vol de 52 kilos de cocaïne au mythique 36, quai des Orfèvres, l'enquête révèle une organisation complexe, mais la drogue reste insaisissable. D'une valeur estimée de deux millions d'euros à la revente, la marchandise était entreposée au siège de la police judiciaire parisienne. Le vol, perpétré dans la nuit du 24 au 25 juillet 2014, avait été découvert quelques jours plus tard.

Filmé par les caméras de vidéosurveillance, le suspect, un homme à la silhouette mince et athlétique, est reconnu par plusieurs collègues: il s'agit de Jonathan Guyot, 34 ans, policier en poste depuis 2010 à la brigade des stupéfiants de Paris. Interpellé le 2 août 2014 à Perpignan, mis en examen, il est toujours en détention provisoire. Neuf autres personnes sont poursuivies, dont son épouse et cinq autres policiers.

L'ex-brigadier, qui a tenté de se suicider en prison, nie être l'auteur du vol. "Il conteste les faits, notamment être celui que l'on voit entrer et sortir du 36 cette nuit-là. Les déclarations de ceux qui disent le reconnaître sont contradictoires", estime son avocat Bertrand Burman. "On veut fabriquer un coupable sur des indices et on ne travaille pas sur l’hypothèse que cela pourrait être quelqu'un d’autre", ajoute-t-il. Les enquêteurs de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) restent intrigués par l'absence de précautions prises par l'auteur du vol. A-t-il agi pour le compte du milieu?

Le policier n'en était peut-être pas à son coup d'essai. Il est soupçonné d'être impliqué dans un trafic de drogue plus vaste, avec plusieurs de ses collègues, alimenté par de la marchandise volée lors de perquisitions ou dans des scellés. Les juges d'instruction ont aussi mis en examen Guyot pour le vol de 1.200 euros, un kilo de cannabis et 129 grammes de cocaïne saisis en mars 2014, et il pourrait y avoir eu d'autres affaires.

Un des policiers mis en cause a raconté aux enquêteurs que le brigadier "tapait dans les perquisitions", un autre dit avoir été sollicité "pour écouler de la came", rapporte à l'AFP une source proche du dossier. Des notes pouvant correspondre à un tel commerce ont aussi été retrouvées dans son téléphone. "D'après ces témoins, il faisait cela pour rémunérer des informateurs, mais on peut penser qu'il y a eu aussi de l'enrichissement personnel", relève une source proche de l'enquête.

Guyot, qui perçoit 2.500 euros par mois, a acheté plusieurs appartements à Paris et dans les Pyrénées-Orientales. Ces biens, saisis par la justice, "ont été financés de manière tout à fait officielle avec des prêts bancaires acquittés grâce aux loyers encaissés", assure Me Burman.

D'importantes sommes d'argent en liquide ont été retrouvées: près de 9.000 euros à son domicile, environ 16.000 dans un de ses sacs à dos. Le frère du brigadier a reconnu avoir récupéré 200.000 euros, entreposé chez un proche de Guyot, et les avoir cachés au fond et autour du lac de Créteil. "Il a fait ce que Jonathan lui demandait sans poser de questions. Il était dans l'admiration de ce grand frère qui avait réussi", estime son avocat, Arnaud Barbé.

L'affaire prend alors un tour rocambolesque. Guyot rencontre en prison Christophe Rocancourt et lui demande d'envoyer un proche chercher l'argent caché au lac de Créteil. Voulait-il que "l'escroc des stars" le fasse fructifier une fois sorti de prison? Ce dernier semble avoir eu une autre vision des choses. L'objectif était "de l'emplâtrer" raconte-t-il aux enquêteurs. "Autour de lui, ce sont des salopards, des pommes pourries, de sales mecs", ironise Rocancourt, mis en examen pour "blanchiment de trafic de stupéfiants". Les sacs coulés dans le lac ne seront jamais retrouvés.

Le brigadier assure que ces fonds appartenaient en partie à un informateur. "Je ne peux pas prendre le risque de m'allonger (...) par peur de représailles", a-t-il avancé pour expliquer son refus d'en dire plus lors de ces auditions. Restent de nombreuses zones d'ombre. Comment a été volée la drogue, entreposée dans une salle ultra-sécurisée qui n'a pas été forcée?

Un témoin a raconté que Guyot s'était renseigné sur la procédure d'accès au local, demandant d'y pénétrer "sous un prétexte futile" quelques semaines avant le vol, et une note retrouvée dans son téléphone contenait le code de l'armoire où se trouvait la clé de la salle.

Les enquêteurs pensent qu'il n'était pas seul cette nuit-là: "un homme casqué a été aperçu à ses côtés pénétrant dans le 36 et un autre complice l'a aidé à transporter la marchandise, une fois sortie des locaux de la PJ", selon la source proche de l'enquête. Il pourrait s'agir de "Robert", l'un de ses informateurs. L'homme s'est envolé pour le Maroc le jour de l'interpellation du policier. Il est toujours en fuite.

Depuis, la drogue est insaisissable. Une piste intéresse particulièrement les enquêteurs: Guyot était en relation avec un important trafiquant de cocaïne établi en République Dominicaine. Son réseau a-t-il pu servir à écouler la marchandise?

 

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