30 ans après sa création, la Brigade franco-allemande se cherche encore

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Par Hervé ASQUIN - Müllheim (Allemagne) (AFP)
Publié le 11 juillet 2019 - 10:35
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Des soldats français et allemands à Meyenheim le 2 juillet 2019
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© PATRICK HERTZOG / AFP
Des soldats français et allemands à Meyenheim le 2 juillet 2019
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A sa création, en 1989, François Mitterrand et Helmut Kohl voulaient en faire l'embryon d'une armée européenne mais 30 ans plus tard, la Brigade franco-allemande (BFA), dont près de 500 hommes défileront sur les Champs-Elysées le 14 juillet, reste un chantier inabouti.

A leur manière, la BFA et ses 5.600 soldats illustrent à la fois l'ambition et les limites de cette "armée européenne" qu'Emmanuel Macron a appelée de ses vœux fin 2018 et dont Winston Churchill avait avancé l'idée dès 1950. En l'absence de véritable politique étrangère commune, il y a encore loin de la coupe aux lèvres.

Pour preuve au Mali où la BFA, unité binationale, a été engagée d'octobre 2018 à avril 2019, ses éléments français et allemands ont fait chambrée à part. Les Français ont été engagés sous la bannière de Barkhane, "opération anti-terroriste hautement létale" menée par Paris au Sahel et les Allemands sous celle de la Minusma, mission de l'ONU de "soutien aux institutions politiques" maliennes, rappelle le général Bertrand Boyard, commandant de la BFA.

Lors de cette opération extérieure (Opex), poursuit-il, les uns et les autres se sont toutefois efforcés de s’entraider. Forts de leur connaissance du terrain, les Français ont échangé des "renseignements classifiés" avec les Allemands. Pour la première fois aussi, les unités des deux pays se sont entraînées à se porter mutuellement secours. Elles ont aussi coordonné plusieurs opérations au Mali, "chacun restant néanmoins dans son mandat".

A Müllheim, au sud-ouest de l'Allemagne, le bureau du général Boyard raconte cette histoire partagée. Les drapeaux européen, français et allemand y trônent en bonne place, voisinant avec l'insigne de la BFA, les fanions de ses régiments et les portraits des chefs d'Etat et des armées des deux pays.

Depuis cet état-major, situé en territoire allemand tout près de la frontière française, le général commande les six régiments et bataillons de la brigade, quatre allemands et deux français, cantonnés pour la plupart dans leur pays respectif.

- "Les lunettes de l'autre" -

En trois décennies, Français et Allemands ont appris à se connaître. Ils ont bâti "une relation de confiance" et essayé de "tirer le meilleur des deux systèmes" en "chaussant les lunettes de l'autre", explique le général Boyard.

Pur produit de la coopération militaire franco-allemande, l'officier français qui a fait "un tiers de son parcours dans la Bundeswehr" remettra à la rentrée le commandement tournant de la BFA à un officier allemand, après deux ans à sa tête.

A l'entraînement, les soldats français de la BFA raffolent des champs de tir allemands où ils pratiquent le tir réel dans des conditions inimaginables en France. A l'inverse, les Allemands fréquentent assidument les centres commando français où l'on pousse la résistance physique et morale des soldats à un niveau inconnu dans leur pays.

Les communications opérationnelles se font en anglais et le commandement échange indifféremment dans cette langue, en allemand et en français.

Mais trois décennies après la création de la BFA, les systèmes d'information et de commandement des uns et des autres ne sont toujours pas parfaitement interopérables, "exactement comme ceux d'une famille, dont certains membres sont en Mac et d'autres en PC", note le général Boyard.

Les cultures militaires sont singulières aussi, plus "rustique" chez les Français habitués à faire "avec les moyens du bord", ou misant davantage sur la "concertation" dans la Bundeswehr. Même si depuis quelques années, l’armée allemande expérimente à son tour la "culture du manque" de matériel opérationnel.

Si le potentiel de la BFA "dépasse largement le niveau du symbole" de la réconciliation franco-allemande, la brigade a longtemps été sous-employée en Opex, déplore le général Boyard.

"L'outil brigade franco-allemande répond à un besoin européen en permettant des engagements qui restent politiquement dans la main des nations qui les décident mais avec des effets concrets conjoints sur le terrain, démultipliés par la coopération", plaide-t-il, avec, entre les lignes, l’espoir d’être entendu par les gouvernements des deux pays.

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