Brésil : la députée "trop moche" pour être violée craint plus de violences

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Par Jordi MIRO - Brasilia (AFP)
Publié le 22 octobre 2018 - 10:47
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La députée de gauche Maria do Rosario lors d'un entretien avec l'AFP au Parlement brésilien, le 17 octobre 2018 à Brasilia
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© EVARISTO SA / AFP
La députée de gauche Maria do Rosario lors d'un entretien avec l'AFP au Parlement brésilien, le 17 octobre 2018 à Brasilia
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La députée brésilienne de gauche Maria do Rosario, à laquelle Jair Bolsonaro avait dit qu'elle était "trop moche" pour qu'il la viole, redoute que l'arrivée au pouvoir du candidat d'extrême droite n'entraîne encore plus de violences contre les femmes.

"Avec ce qui nous arrive à nous les femmes, avec ce qui m'est arrivé à moi (...) nous craignons que (la probable arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro) légitime encore plus la violence" contre les femmes, a déclaré la députée.

Maria de Rosario, 51 ans, a répondu aux questions de l'AFP dans le "salon vert" de la Chambre des députés à Brasilia, là-même où Jair Bolsonaro s'en était violemment pris à elle en novembre 2003.

"Le Brésil est le champion des violences faites aux femmes", rappelle l'élue.

Selon l'ONG Forum brésilien pour la sécurité publique, 4.473 femmes ont été assassinées en 2017 et 60.018 ont été violées, des chiffres en hausse de 6% et 8% par rapport à 2016.

"Vous imaginez si cette violence est encouragée institutionnellement", s'alarme la députée.

Bolsonaro estime qu'il est "possible de lutter contre la violence par la violence, en armant les citoyens. Ces armes, nous savons qu'elles seront d'abord dirigées contre les femmes, les Noirs, les gays, les lesbiennes", ajoute-t-elle.

Il y a 15 ans, le député Bolsonaro et la députée du Parti des travailleurs (PT) de l'ex-président Lula s'étaient violemment accrochés au Parlement, une scène filmée par des caméras.

Les députés débattaient alors d'un projet de loi pour punir plus sévèrement les délinquants mineurs après l'agression violente d'un couple par des adolescents.

Bolsonaro, un ex-capitaine de l'armée, avait alors lancé à Maria do Rosario: "Je ne te violerai pas, parce que tu ne le mérites pas". Il avait ensuite dit avoir réagi de la sorte parce que la députée elle-même le traitait de "violeur".

- Dignité contre immoralité -

Mais dans une interview en 2014, il réitérait ses propos : "Elle ne mérite pas d'être violée parce qu'elle est trop moche, ce n'est pas mon genre. Je ne suis pas un violeur, mais si je l'étais, je ne la violerais pas parce qu'elle ne le mérite pas".

Condamné pour ces déclarations, Bolsonaro a fait appel devant le Tribunal suprême fédéral (TSF).

Pendant la campagne, le candidat a dit vouloir que les agressions contre les femmes soient punies plus sévèrement. "Nos femmes doivent être respectées et bien protégées", a-t-il tweeté. Il prône aussi la castration chimique pour les violeurs.

Depuis la fameuse scène, beaucoup de choses ont changé pour les deux protagonistes.

Jair Bolsonaro, 63 ans, ultra-favori pour le deuxième tour de l'élection présidentielle de dimanche face à Fernando Haddad, le candidat du PT, est en passe de devenir le prochain président du Brésil.

La députée a été ministre des Droits humains entre 2011 et 2014, sous le mandat de Dilma Rousseff (2011-2016), et vient d'être réélue début octobre sous les couleurs du PT, repassé dans l'opposition depuis 2016 et la destitution controversée de l'ex-présidente.

Pendant la campagne, Jair Bolsonaro a réussi à capitaliser sur le mécontentement d'une population exaspérée par les scandales de corruption, dont le PT est devenu le symbole, même si la quasi totalité des partis politiques sont touchés.

Maria de Rosario fait elle-même l'objet d'une enquête, soupçonnée d'avoir reçu 150.000 réais (35.000 euros) du géant du BTP Odebrecht pour sa campagne électorale de 2010.

Malgré le retard considérable de Fernando Haddad dans les intentions de vote -- 59% contre 41% selon un dernier sondage -- la députée se montre confiante. Pour elle, le deuxième tour sera avant tout la bataille entre "les défenseurs de la dignité et ceux de l'immoralité".

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