A Calais, des migrants entre besoin vital de chaleur, méfiance et rage de passer en Angleterre

Auteur:
 
Par Béatrice JOANNIS - Calais (AFP)
Publié le 10 février 2021 - 12:24
Image
Un campement de migrants à Calais le 9 février 2021
Crédits
© DENIS CHARLET / AFP
Un campement de migrants à Calais le 9 février 2021
© DENIS CHARLET / AFP

A Calais, la boue des campements de migrants gèle dans un air glacial, mais certains préfèrent malgré tout y dormir plutôt que de profiter des "mises à l'abri" proposées par l'Etat, par défiance ou pour ne pas rater une occasion de passer en Angleterre.

"J'aimerais bien qu'il n'y en ait plus un dehors cette nuit", commente le préfet du Pas-de-Calais Louis Le Franc en visitant mardi les deux hangars loués temporairement par l'Etat dans une zone industrielle de Calais, pour permettre à 300 migrants de dormir au chaud.

Des barnums délimitent des espaces comprenant 6 ou 12 lits, garnis de sacs de couchage. Des migrants - des hommes uniquement, d'autres dispositifs étant prévus pour les familles et les mineurs - lavent leurs vêtements dans les sanitaires ou les font sécher devant une source de chaleur. Une table leur propose soupes en sachets et tongs.

En moyenne les nuits précédentes, 200 places sur les 300 ont été occupées, selon Nathalie Chomette, directrice départementale de la cohésion sociale.

Elle indique que 450 personnes sont également hébergées "hors de Calais", jusque dans l'Oise, pour 600 places disponibles. Des hébergements permettant de rester au chaud pendant la journée mais jugés trop éloignés par de nombreux migrants.

- Six couches -

"Ici c'est bien, les gens sont gentils", sourit un Egyptien, écharpe Arsenal au cou, en montrant les agents de sécurité. "Mais l'après-midi, il fait froid aussi", se plaint un autre, soulevant une à une ses six couches de vêtements.

Mercredi, les températures ne doivent pas dépasser 0°C à Calais. A 09H00, heure à laquelle les migrants doivent quitter les hangars, il fait -5°C.

"On est dans une logique de mise à l'abri, pas d'hébergement jour et nuit. Le danger c'est surtout la nuit, avec des températures aussi basses on peut ne pas se réveiller si on dort sous tente", assume le préfet, conformément à la volonté de l'Etat d'éviter de nouveaux "points de fixation" sur le littoral.

"S'il faut les garder toute la journée, on le fera", ajoute-t-il toutefois, soulignant que le matin, "on leur propose d'être hébergés en dehors du département", dans les centres d'accueil et d'examen de la situation (CAES).

Pendant la journée, des associations mandatées par l'Etat font le tour des campements pour tenter de convaincre les migrants de se mettre à l'abri. Ce mardi, sous un pont du centre-ville où des tentes sont dangereusement suspendues au ras de l'eau, un membre de l'association "Audasse" s'accroupit pour discuter en arabe avec un homme allongé dans une tente.

"Il y a des enjeux qu'on ne peut pas maîtriser, des tentatives de passage, des passeurs, de la pression, plein de choses qui font que certains refusent la mise à l'abri", constate Julie Piedbois, d'Audasse.

Si les horaires des maraudes ont été étendus jusqu'à 22H00, des associations réclament qu'elles aient lieu aussi la nuit, racontant que des migrants retournent dormir dehors, trempés, après avoir fait naufrage.

- "Un enfer" -

"On fait du feu, on cuisine. Là-bas il y a trop de monde, des cris, j'ai peur de me faire prendre mon argent", explique un Soudanais.

"On n'a pas confiance et on est là pour tenter (la traversée, ndlr), on ne veut pas perdre de temps", témoigne Babaladé, Somalien de 31 ans.

Pourtant, "on vit un enfer", reconnaît-il, montrant le terrain où il dort avec quelques autres. Le robinet est bouché et il a dû déchirer sa tente, gelée, pour en sortir.

"On nous fait croire à grands coups de communication à des dispositifs que les migrants ne veulent pas prendre car ils sont trop éloignés", s'énerve Yann Manzi, cofondateur de l'association Utopia56. "Les CAES sont faits pour les personnes qui veulent demander l'asile mais pour tous ceux qui sont Dublinés ou veulent aller en Angleterre, ces solutions n'en sont pas".

Il demande "un accueil 24 heures sur 24 sans vérification administrative", près des lieux de vie.

Nathalie Chomette assure, elle, d'un "accueil inconditionnel dans les CAES, le temps que les choses se calment sur le plan météo".

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Lula
Lula Da Silva : une barbe cache-misère politique ou masque de l’autoritarisme ?
Luiz Inácio Lula da Silva est un personnage simple en apparence mais complexe en substance. Sous sa barbe blanche, ses fossettes et son sourire aux dents refaites, le ...
27 avril 2024 - 14:36
Politique
26/04 à 18:30
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.