"Algérie, les oubliés du 19 mars 1962" : un livre pour rappeler le drame des pieds-noirs, des rapatriés et des harkis

Auteur(s)
JmC
Publié le 06 mars 2019 - 14:41
Image
Algérie France Rapatriés Mai 1962
Crédits
©AFP
Une foule d'Européens d'Algérie désireux de gagner la métropole sont massés à bord du "Ville d'Oran" et s'apprêtent à débarquer à Marseille le 25 mai 1962, deux mois après la signature des Accords d'Evian.
©AFP

Quelques jours avant l'anniversaire des Accords d'Évian qui ont mis fin à la guerre d'Algérie, un livre dénonçant le non-respect de ces accords dans les semaines qui ont suivi le cessez-le-feu vient de paraître: "Algérie, les oubliés du 19 mars 1962" rappelle le drame qu'ont vécu à l'époque les pieds-noirs, les rapatriés et les harkis.

C'est en novembre 2012, sous le quinquennat de François Hollande, que le Parlement a adopté une proposition de loi socialiste faisant du 19 mars la "Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc". Mais "s'il y avait une date à éviter pour célébrer la guerre d'Algérie, c'était bien le 19 mars", estime le journaliste et écrivain Alain Vincenot, qui vient de publier Algérie, les oubliés du 19 mars 1962 (Ed. de l'Archipel).

Pour lui en effet, "tant voulus par le général de Gaulle et plébiscités, en métropole, par le référendum du 8 avril 1962, les Accords d'Évian ne furent jamais respectés" par les Algériens. Ils stipulaient, outre le cessez-le-feu, que les deux parties s'engageaient à "interdire tout recours aux actes de violence, collective ou individuelle", et pourtant "des civils, mais aussi des soldats français ont continué à mourir ou disparaître. Oubliés", souligne l'auteur.

Les Accords stipulaient aussi que les Français auraient les mêmes droits que les Algériens, que la liberté d'opinion, de religion, de langue serait respectée. "Du papier, rien que du papier", accuse Alain Vincenot. "Plus d'un million de pieds-noirs n'eurent d'autre choix que «la valise ou le cercueil». Après le 19 mars 1962, massacres et enlèvements se multiplièrent afin de les pousser au départ".

Lire aussi:

> Guerre d'Algérie: Hollande indigne opposition et harkis en commémorant le cessez-le-feu du 19 mars 1962

> La France rend hommage à ses morts de la guerre d'Algérie

> Guerre d'Algérie: après Maurice Audin, Macron fait un geste pour les harkis

L'auteur rappelle les chiffres de l'après-guerre d'Algérie: entre le 19 mars 1962 et le 5 juillet 1964, date du retour en métropole des derniers contingents, 593 soldats français ont été tués ou enlevés en Algérie; auparavant, entre 500 et 1.000 (le nombre exact est inconnu) avaient également été portés disparus; et plus de 80.000 harkis (supplétifs algériens de l'armée française) ont été "exterminés par les nouveaux maîtres du pays, abandonnés par la France pour laquelle ils avaient combattu".

Journaliste (notamment au Quotidien de Paris et à France-Soir), Alain Vincenot a consacré plusieurs livres et recueils de témoignages à la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale et aux survivants de la Shoah: Je veux revoir maman (Éd. des Syrtes, 2005), Les Larmes de la rue des Rosiers (Éd. des Syrtes, 2010), Vél d’hiv. 16 juillet 1942 (Éd. de l’Archipel, 2012), Rescapés d'Auschwitz (Éd. de l’Archipel, 2015). Sur son autre sujet de prédilection, les suites de la guerre d'Algérie, il a publié en 2014 Pieds-noirs: les bernés de l'Histoire (Ed. de l'Archipel).

Il revient sur cette question douloureuse de l'Histoire de France récente dans son dernier livre, construit en deux parties. D'abord, il retrace les étapes de la guerre d'Algérie, en listant de manière presque exhaustive les attentats, assassinats et massacres du FLN et des fellaghas contre les civils et militaires français, avant et après 1962. Il cite également les nombreux discours, déclarations et interventions publiques des responsables politiques de l'époque, soulignant notamment l'évolution du général de Gaulle: de l'ambigu "Je vous ai compris!" le 4 juin 1958 à Alger et du "Moi vivant, jamais le drapeau du FLN ne flottera sur l'Algérie!" le 27 août à Saïda, au "chemin nouveau" qui, explique-t-il le 4 novembre 1960 avant son dernier voyage sur place, "conduit non plus au gouvernement de l'Algérie par la métropole française, mais à l'Algérie algérienne".

Lire aussi "C'était dans France-Soir":

> Mars 1962, la fin de la guerre d'Algérie (VIDEO)

> Décembre 1960, le dernier voyage de De Gaulle en Algérie (VIDEO)

Dans la seconde partie du livre, plus poignante, l'auteur rassemble des témoignages pour raconter le destin brisé de 11 Français oubliés, civils ou militaires, disparus entre août 1957 et septembre 1962 et que l'on n'a jamais retrouvés: Paul Bonhomme, 22 ans; Joseph Laplume, 47 ans; Louis Akermann, 54 ans, et sa femme Catherine Coll, 49 ans; Joseph Pinto, 58 ans; Paul Teuma, 44 ans; Cyr Jacquemain, 27 ans; Christian Mesmacque, 18 ans; Michel Chombeau, 21 ans; René-Claude Prudhon, 54 ans; Joseph Belda, 53 ans.

Plus que les circonstances cruelles de leur enlèvement, c'est le manque de soutien des autorités françaises aux familles et, explique Alain Vincenot, la "réticence manifeste des gouvernants à faire la lumière sur ces disparitions" qu'illustrent les témoignages des proches des disparus, ces frères, pères, maris dont ils n'ont jamais retrouvé la trace. "Dans les bas-côtés de l'Histoire gisent des dates, des patronymes et des familles qui n'ont pu faire le deuil d'êtres chers…", conclut l'auteur.

> "Algérie, les oubliés du 19 mars 1962", Éditions de l'Archipel, 352 pages, 20 euros.

À LIRE AUSSI

Image
Des anciens combattants harkis participent à une cérémonie officielle devant le monument aux morts de Mas-Thibert à Arles, le 25 septembre 2011, lors de la Journée nationale d'hommage aux harkis
Première condamnation de l'Etat pour l'accueil "indigne" des harkis en France
C'est une victoire judiciaire à lourde charge symbolique: le Conseil d’État a pour la première fois condamné l’État à indemniser un fils de harki pour l'accueil "indig...
03 octobre 2018 - 19:53
Image
Des tombes de harkis, anciens supplétifs de l'armée française rapatriés d'Algérie, le 18 septembre 2018 au cimetière de Bias
Dans l'ancien camp de Bias, les harkis n'ont que leur mémoire contre l'oubli
Dans l'amertume des harkis, ces anciens supplétifs de l'armée française rapatriés d'Algérie, se lit 50 ans de ballottement entre "invisibles" et "oubliés". Un oubli pa...
22 septembre 2018 - 15:35
Image
Un partisan d'Emmanuel Macron avant un meeting à Toulon, le 18 février 2017
Nouvelle manifestation de pieds-noirs devant le meeting de Macron à Toulon
Environ 150 personnes ont manifesté samedi après-midi aux abords du meeting d'Emmanuel Macron à Toulon pour protester contre ses propos sur la colonisation, à l'appel ...
18 février 2017 - 17:50

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.