Du travesti antique à la transidentité sur la scène d'Avignon

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Par Rana MOUSSAOUI - Avignon (AFP)
Publié le 07 juillet 2018 - 17:41
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Le metteur en scène David Bobée, auteur de la pièce "Mesdames, Messieurs et le reste du Monde", le 7 juillet 2018 à Avignon
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© Boris HORVAT / AFP
Le metteur en scène David Bobée, auteur de la pièce "Mesdames, Messieurs et le reste du Monde", le 7 juillet 2018 à Avignon
© Boris HORVAT / AFP

La question transgenre est devenue un thème de réflexion au théâtre, après avoir été pendant des siècles synonyme soit de travestissement - en raison de l'interdiction faite aux femmes de jouer sur scène - soit de parodie.

Au festival d'Avignon, au sud de la France, le genre est au coeur du "feuilleton théâtral" en 13 épisodes du metteur en scène David Bobée.

- Des Juliettes masculins -

"Des hommes jouant des rôles de femmes, cela existait dans énormément de cultures puisque les femmes étaient interdites de scène", explique à l'AFP Hélène Marquié, spécialiste de la question du genre dans les arts vivants.

On retrouve des hommes travestis en femmes dès la Grèce antique, et la mythologie abonde d'exemples de personnages androgynes ou qui ont les attributs des deux sexes comme Hermaphrodite.

Plus tard, le plus grand exemple a été le théâtre élisabéthain (1562-1642). "Juliette était un garçon et tous les rôles de femmes dans les pièces de Shakespeare et autres ont été joués par des hommes", rappelle Mme Marquié.

L'interdiction faite aux femmes s'appliquait en Europe également à la danse. Le ballet de cour en France étant jusqu'en 1681 largement dansé par des hommes interprétant des rôles de déesses ou de paysannes.

Dans d'autres cultures, l'exemple le plus célèbre est le kabuki japonais, les "onnagata" étant des hommes jouant les rôles féminins. L'exclusivité masculine se retrouve également dans le "kathakali" indien ou en Indonésie.

"Les dominants (hommes) ont toujours pu investir des rôles de dominés", précise Mme Marquié.

- Erotisme et caricature -

Le travestissement a par la suite évolué pour prendre une forme érotique à partir du 19e siècle, au théâtre comme dans la danse.

A Paris, Virginie Déjazet - qui a donné son nom au célèbre théâtre - se spécialisa dans le travestissement en homme. Malgré le côté innovateur et même scandaleux, cela n'avait rien à voir avec une égalité homme-femme.

"Des femmes jouaient des rôles d'hommes parce que ça excitait les messieurs de les voir en costumes moulants", note Mme Marquié.

Au 20e siècle, le travestissement prend une tournure caricaturale, notamment au cabaret.

"Ce sont des gens qui représentent non pas un autre sexe, mais une caricature de l'autre, cela n'a pas de portée politique", précise Mme Marquié, citant l’exemple d'hommes se travestissant en femmes au cabaret Michou à Paris.

"L'art du travestissement conforte certains stéréotypes du genre, cela n'a rien à voir avec la liberté de se définir".

- Au-delà du genre -

Depuis une décennie, le thème transgenre est devenue une question sociologique et scientifique.

Le mois dernier, l'Organisation mondiale de la santé a cessé de classer le transgenre comme une maladie mentale. Des personnalités transgenre du show-biz comme Caitlyn Jenner, né Bruce Jenner, alimentent le débat mais suscitent encore de l'incompréhension.

"Il faut qu'un jour on supprime la question H ou F, comme on a supprimé la race, la religion", estime David Bobée.

Dans son feuilleton, il va séparer le public selon "24 critères de discrimination" pour dire qu'on est finalement "tous minoritaires, capable de subir des discriminations".

"Je suis un homme, blanc, aisé. En même temps, je me suis fait taper et cracher dessus plusieurs fois parce que je suis juif et gay", assure l'artiste.

Dans ce feuilleton en plein air, des personnes intersexes (née avec les deux sexes) vont "témoigner de la souffrance que l'on vit lorsque la famille ou le corps médical choisit le genre à la place de l'individu", explique Bobée.

Dans un autre épisode, intitulé "l'école du genre", une classe de jeunes adolescents va dialoguer avec trois trans en cours de transition. Pour M. Bobée, la tolérance doit s'inculquer dès le plus jeune âge: "Va-t-on un jour commencer à apprendre le respect?", demande-t-il.

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