Eruption au Cap-Vert : Cicilio Montrond, pionnier de la reconstruction

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Par Anne-Sophie FAIVRE LE CADRE - Cha das Caldeiras (Cap-Vert) (AFP)
Publié le 03 mai 2019 - 08:15
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Une nouvelle maison construite avec du ciment et de la lave sur le toit d'une autre maison, le 30 mars 2019 à Portelo, au Cap-Vert
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© Anne-Sophie FAIVRE LE CADRE / AFP
Une nouvelle maison construite avec du ciment et de la lave sur le toit d'une autre maison, le 30 mars 2019 à Portelo, au Cap-Vert
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Cicilio Montrond n'oubliera jamais la nuit où il a compris que la vie revenait dans la vallée de Cha das Caldeiras, sur l'île de Fogo, au Cap-Vert, ravagée par une éruption volcanique en 2014.

"J'étais sorti de la tente dans laquelle on dormait avec ma femme. Et là, dans le silence, j'ai entendu un oiseau. C'était la première fois qu'un animal revenait dans la vallée après l'éruption", raconte ce guide de montagne de 42 ans.

"J'ai réveillé ma femme et je lui ai dit +Regarde, les oiseaux sont là !+. Je savais qu'avec eux des jours meilleurs viendraient", confie-t-il d'une voix grave, pleine d'émotion.

Il y a quatre ans et demi, Cicilio a vu la lave ensevelir sa maison, calciner ses arbres fruitiers et recouvrir tout ce qu'il possédait d'un linceul anthracite.

Après 19 ans de sommeil, le Pico do Fogo, haut de quelque 2.900 mètres, est entré en éruption le 23 novembre 2014, se déversant pendant près de trois semaines sur la vallée du Cha das Caldeiras en contrebas, détruisant les villages de Bangaeira et Portela.

L'éruption n'a pas fait de mort mais 1.500 déplacés. Cicilio Montrond est alors relogé, comme toute sa famille, quelques semaines à Sao Filipe, principale localité de l'île de Fogo. Déraciné, il traîne sa silhouette massive dans des bars où il boit tous les jours, dès 08H00 du matin. "J'étais tellement triste que j'enchaînais les verres. J'avais tout perdu".

Pendant les semaines qui suivent l'éruption, la vallée n'est plus qu'un désert d'obsidienne. Pas un oiseau ne fend l'air vicié de cendres volcaniques, pas un animal ne vit sur cette mer de lave encore tiède.

- Silence sépulcral -

Cicilio et sa femme, enceinte de six mois, sont les premiers à revenir vivre à l'ombre du volcan. Au début, ils sont frappés par le silence. "Il n'y avait pas un bruit, aucun insecte, rien, à peine le vent. C'était comme un tombeau".

Le couple s'installe dans une tente sur le toit de son ancienne maison, qui surnage des flots de lave noircie. Sans eau ni électricité, mais avec quelques conserves.

"On m'a pris pour un fou. Mais deux mois plus tard, nous étions déjà cinquante. On vivait dans des abris de fortune, c'était précaire, dangereux. Mais on était chez nous", raconte Cicilio.

Il n'a quasiment jamais été à l'école et parle pourtant un français parfait, fruit de décennies passées à exercer comme guide. "J'ai commencé à aider dans les vignes quand j'avais huit ans, puis à accompagner les randonneurs en haut du volcan".

Impensable pour lui et les habitants de la vallée de reconstruire leur vie ailleurs, là où la lave ne risque pas de les engloutir. En deux siècles, le Pico do Fogo s'est réveillé six fois. Les villageois sont toujours revenus au flanc de ses pentes fertiles, où poussent vignes, figuiers et manioc.

"C'est le volcan qui nous fait vivre", grâce aux touristes qu'il attire, relève Cicilio. "Le volcan finit toujours par donner plus qu'il ne prend".

Il a commencé en 2015 à reconstruire sa pension de sept chambres. Depuis, le petit hôtel-restaurant, habité par des randonneurs et les cris de ses enfants, ne désemplit pas.

"On le surnomme +Petit Pico+", dit Cicilio en désignant son petit garçon, le premier du village à être né après l'éruption. Un frère a suivi.

Et si un autre caprice du volcan emportait une fois encore sa maison, ses arbres fruitiers, tout ce qu'il possède ?

"Le volcan, c'est ma vie", déclare le solide quadragénaire, en embrassant du regard la maison qu'il a rebâtie de ses mains. "Je suis né ici, j'y mourrai".

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