"Gilets jaunes" : la sécurité privée en première ligne face aux violences

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Par Guillaume DECAMME - Paris (AFP)
Publié le 25 janvier 2019 - 11:19
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Des "gilets jaunes" se rassemblent devant le bijoutier Cartier sur les Champs-Elysées, le 31 décembre 2018
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© Lucas BARIOULET / AFP/Archives
Des "gilets jaunes" se rassemblent devant le bijoutier Cartier sur les Champs-Elysées, le 31 décembre 2018
© Lucas BARIOULET / AFP/Archives

La scène se répète dès que les "gilets jaunes" approchent: le talkie-walkie grésille et les grilles se ferment. Echaudés par les violences qui ont émaillé les manifestations parisiennes, les commerçants recourent de plus en plus à des agents de sécurité, une mesure que toutes les enseignes ne peuvent se payer.

"En décembre, c'était chaud pendant les premières manifs des gilets jaunes. Beaucoup de vitrines ont volé", raconte Ahmed (prénom modifié), vigile dans un magasin d'articles de sport sur l'avenue des Champs-Elysées, devenu à Paris le point de ralliement récurrent du mouvement social.

Le déroulé est toujours le même. Un petit groupe se détache du cortège des "gilets jaunes" et caillasse les vitrines n'ayant pas été protégées par des panneaux. Quand ils parviennent à briser la vitrine, "ils entrent et pillent le magasin en moins d'une minute", rapporte Karl, employé chez un tailleur du boulevard Haussmann où des casseurs ont réussi à pénétrer le 12 janvier.

Depuis le début du mouvement le 17 novembre, "500 commerces parisiens ont été touchés par les violences", relève Didier Kling, président de la Chambre de commerce et d'industrie Paris Ile-de-France.

Autant d'actes "inadmissibles" pour le gouvernement qui veut faire voter une loi "anticasseurs".

Mais en amont, les commerçants sont toujours plus nombreux à prendre les devants en faisant appel à l'une des quelque 4.000 entreprises de sécurité privée françaises. Le mouvement est tel que "le secteur a du mal à satisfaire la demande", souligne Olivier Duran, porte-parole du Syndicat national des entreprises de sécurité (Snes).

Sofiane Aboubeker, président d'Arecia, une entreprise de sécurité privée, cite l'exemple de ce client, "un hypermarché chez qui on est passé d'une présence moyenne de 4 à 11 agents le samedi".

Lorsque des violences surviennent, les vigiles sont alors en première ligne: ils sont là pour dissuader d'éventuels casseurs de passer à l'action. "On doit mettre les clients et le personnel à l'abri et fermer les grilles. Après on reste à l'intérieur", explique le vigile Ahmed.

Autre solution: fermer boutique le samedi. C'est ce que propose Patrick Senior, patron de BSL Sécurité, pour les magasins situés sur les parcours des manifestants.

-"Horde"-

Plus inhabituel, certains journalistes qui couvrent les manifestations sont désormais protégés par des vigiles.

Après que des reporters de CNews et de BFMTV ont raconté avoir été roués de coups le 24 novembre à Toulouse, CNews a décidé de "doubler les effectifs des agents" affectés à la sécurité de ses journalistes, explique Stanislas de Saint Hippolyte, rédacteur en chef au sein de la chaîne d'information en continu.

Mais cette hausse de la demande a aussi des effets indésirables, selon Olivier Duran du Snes. Les entreprises dignes de confiance ne pouvant satisfaire la demande "en raison du manque de souplesse en matière de temps de travail", les clients se tournent vers des entreprises moins spécialisées, ce qui "multiplie le risque que cela peut entraîner sur la qualité" du travail.

En outre, souligne Didier Kling, le président de la CCI Paris Ile-de-France, faire appel à des vigiles a un coût que tous les commerçants ne peuvent se permettre. "Ceux qui ont (des vigiles), ce sont des magasins d'une certaine importance ou des magasins très spécialisés, comme les bijouteries", selon lui.

Le coût moyen d'un vigile est d'environ 200 euros hors taxes pour une journée de 10 heures de travail.

Un coût qui s'ajoute au manque à gagner induit par les manifestations. Les commerçants parisiens avec lesquels Didier Kling est en contact disent accuser une perte de chiffre d'affaires "de l'ordre de 40%" pour décembre.

Preuve que la sécurité est un sujet sensible: aucune de la dizaine de grandes enseignes contactées par l'AFP n'a souhaité s'exprimer.

Katia, gérante d'une supérette à Paris, se montre, elle, fataliste. "Ils nous ont pété la vitrine trois fois. Ils ont tout dévalisé, même les chocolats de Noël. On attend que ça passe".

La jeune femme n'a pas les moyens de payer des vigiles et "de toute manière que voulez-vous qu'ils fassent face à une horde ?".

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