Harcèlement sexuel : peu de victimes portent plainte malgré l'arsenal juridique

Auteur:
 
Par AFP
Publié le 17 octobre 2017 - 19:34
Image
La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, à l'Elysée le 28 juin 2017
Crédits
© Patrick KOVARIK / AFP/Archives
La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, à l'Elysée le 28 juin 2017
© Patrick KOVARIK / AFP/Archives

Face au harcèlement sexuel, la ministre de la Justice a "incité" mardi les femmes à "porter plainte". Mais l'infraction est difficile à caractériser et les classements sans suite fréquents, alors qu'un arsenal juridique existe bel et bien.

Bruits de bouche obscènes, regards lubriques, gestes déplacés: des milliers de femmes ont raconté ces derniers jours dans leurs tweets, accompagnés du hashtag #balancetonporc, leurs expériences de harcèlement.

- Déposer plainte -

"J'incite les femmes qui évoquent sur internet des situations très concrètes à aller porter plainte", a déclaré la garde des Sceaux Nicole Belloubet

Une "invitation à agir" qui a fait "bondir" Johanne, une auditrice de France Inter, interpellant la ministre à l'antenne: "J'ai subi une exhibition sexuelle dans le cadre de mon travail (...). J'ai porté plainte au commissariat, j'ai reconnu mon agresseur sur un placardage, j'ai relancé une fois, deux fois le commissariat, et puis rien. Ça fait quatre ans. À quoi ça sert d'aller porter plainte? À rien".

"Il y a très peu de plaintes déposées concernant les frotteurs dans le métro", souligne une source policière. "Les rames de métro sont bondées, les femmes ne voient pas l'agresseur, il n'y a pas de caméras, elles ne déposent pas plainte".

Pourtant, il existe à Paris "une brigade spécialisée dans la poursuite des frotteurs", mais "cette dernière est davantage saisie de faits avec violence ou répétitifs", indique cette source.

- Définition -

Selon la loi du 6 août 2012, le harcèlement sexuel est "le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante".

"Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers".

- Une nouvelle infraction? -

Le gouvernement prépare pour 2018 un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles.

Pour lutter contre le harcèlement de rue, la garde des Sceaux avance une piste: la création d'une infraction pour "outrage sexiste". Selon elle, "à titre symbolique, ce serait important qu'il y ait ce type de contravention".

"L'arsenal juridique est suffisant", rétorque Virginie Duval, présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM, premier syndicat de magistrats). Interrogée par l'AFP, elle estime que "la notion de harcèlement sexuel est clairement définie".

La principale difficulté réside dans le fait que les victimes ne portent pas plainte. "Si la justice n'est pas saisie, il n'y aura jamais de condamnation", explique-t-elle.

- L'arsenal juridique -

Pour elle, aucun "trou dans la législation". Outre le harcèlement, d'autres infractions à caractère sexuel existent: "Quand un homme dans la rue dit à une femme +Salut poulette, tu suces?+, c'est de l'injure publique. S'il ouvre sa braguette, c'est de l'exhibition sexuelle, une atteinte sexuelle punie par la loi".

Même s'il s'agit d'une "infraction qui n'a pas de trace", il existe des "éléments matériels", relève Clarisse Taron, présidente du Syndicat de la magistrature (SM). "Cela peut être des témoignages, même indirects, qui viennent corroborer des déclarations. Par exemple, des termes très spécifiques que pourrait utiliser l'agresseur, ou le fait que de nombreuses plaignantes allèguent les mêmes choses".

L'omerta ne vient pas d'une faille juridique, selon Clarisse Taron. "Il faut d'abord inciter les femmes à porter plainte, lutter contre le sexisme, l'inégalité homme/femme: c'est un problème de société, pas un problème de droit".

L'exhibition sexuelle est punie d'un an de prison et 15.000 euros d'amende, le harcèlement sexuel de deux ans et 30.000 euros d'amende.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Lula
Lula Da Silva : une barbe cache-misère politique ou masque de l’autoritarisme ?
Luiz Inácio Lula da Silva est un personnage simple en apparence mais complexe en substance. Sous sa barbe blanche, ses fossettes et son sourire aux dents refaites, le ...
27 avril 2024 - 14:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.