"Home, c'est ici" : le cri du coeur d'un Anglais de Dordogne à qui la France dit non

Auteur:
 
Par Benoît PETIT - Plazac (France) (AFP)
Publié le 30 janvier 2020 - 10:00
Image
Le Britannique Mark Lawrence devant la mairie de Plazac, le 23 janvier 2020 en Dordogne
Crédits
© MEHDI FEDOUACH / AFP
Le Britannique Mark Lawrence devant la mairie de Plazac, le 23 janvier 2020 en Dordogne
© MEHDI FEDOUACH / AFP

"Home, c'est ici": à l'approche du Brexit, Mark Lawrence ne comprend pas que la nationalité française lui ait été refusée. Ce Britannique, résidant en Dordogne depuis 27 ans, conseiller municipal de son village, en appelle au ministre de l'Intérieur.

Près de 33.000 personnes ont signé une pétition sur internet en faveur de ce menuisier-charpentier de 48 ans aux larges épaules et aux yeux bleu acier, qui "pense en français et mange de l'ail un repas sur deux".

Les pétitionnaires souhaitent que l'administration reconsidère sa décision "cruelle et absurde" de ne pas lui accorder la nationalité française. Pour l'Etat, M. Lawrence ne dispose pas de "ressources suffisantes et stables".

"Dans ma tête, j'étais un Français... Là, c'est comme si j'avais perdu ma place. Je suis quoi ? pas Anglais, pas Français...", confie-t-il dans un café du bourg où tout le monde le salue.

C'est dans ce village de 700 âmes, au sud-est de Périgueux, qu'il a été "conçu", assure-t-il dans un français courant mâtiné d'une pointe d'accent, ajoutant, hilare: "Je suis Made in France!"

Il y a 50 ans, ses parents y ont acheté une petite ferme à l'écart du village, dans une vallée boisée isolée et silencieuse. La famille y venait "deux à trois fois par an en vacances". A 21 ans, il n'est plus reparti à Londres et il est resté vivre sur ce vaste terrain bordé de noyers.

Depuis, il a tissé un lien fort avec ce bout de Périgord où il "se sent intégré depuis longtemps". "Je ne dis pas que je suis un saint mais je fais du bénévolat dans la commune, j'ai tenu le bureau de votre lors de la dernière présidentielle". Musicien dans un groupe, il n'est pas, assure-t-il, comme ces résidents anglais qui "restent entre eux", "qui ratent la finesse des Français et de la vie en France".

"Mark n'est pas un expatrié", abonde Alan Bennett, autre Britannique de Dordogne, à l'origine de la pétition. Cet ancien journaliste regrette le contraste entre "des Français accueillants par nature" et "des pouvoirs publics plus fermés".

- Décision "malveillante" -

"Mark fait partie de Plazac, c'est dur pour lui", témoigne Jane Leith, une Anglaise naturalisée française. Accoudé au comptoir, Alain Meunier renchérit: "Il est aussi Français que moi qui suis +de souche+... Il n'y pas de différence!". Pour une autre Plazacoise, Catherine Bureau, cette décision qui va l'empêcher de se représenter aux municipales est "carrément malveillante".

"On pensait que Mark avait tout ce qu'il fallait. Il vit comme un Français, c'est son pays d'appartenance", souligne sa compagne française Camille Deyber, qui se console comme elle peut: "Au moins je n'ai pas peur qu'on le renvoie en charter, contrairement à d'autres..."

"Peut-être qu'il y avait beaucoup de demandes d'Anglais à cause du Brexit et qu'il leur fallait trouver la faille", s'interroge-t-elle.

Après un an et demi de démarches coûteuses ("1000 euros" selon lui) soldées par un ajournement de deux ans de sa demande, Mark Lawrence ne digère pas: "C'est dommage de tout baser sur le seul critère financier".

"Les autorités ont peur que je demande des aides. Mais je n'ai jamais rien touché de l'Etat. Je suis même prêt à m'engager par écrit de ne jamais rien demander!", assure-t-il, appelant à l'aide le ministre de l'Intérieur.

Père de quatre enfants, il dit "faire vivre 6 Français", en comptant sa compagne sans emploi et sa fille, et déplore que l'administration ait analysé ses revenus dans une période difficile, quand son épouse, dont il est maintenant séparé, a eu un très grave accident et qu'il a moins travaillé pour s'occuper de leurs jeunes enfants.

Mark Lawrence trépigne à l'idée de devoir attendre deux ans avant de pouvoir redemander un passeport français: "Je vais travailler à fond, gagner de l'argent" pour ne pas que la mésaventure se reproduise.

Car il n'en démord pas: "Quand je suis à Londres, je sais que je ne suis pas chez moi!"

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Lula
Lula Da Silva : une barbe cache-misère politique ou masque de l’autoritarisme ?
Luiz Inácio Lula da Silva est un personnage simple en apparence mais complexe en substance. Sous sa barbe blanche, ses fossettes et son sourire aux dents refaites, le ...
27 avril 2024 - 14:36
Politique
26/04 à 18:30
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.