Ivan Ilic, pianiste à l'esprit libre

Auteur:
 
Par AFP
Publié le 27 octobre 2017 - 13:12
Image
Le pianiste serbo-américain Ivan Ilic chez lui à Bordeaux, le 3 octobre 2017
Crédits
© GEORGES GOBET / AFP
Le pianiste serbo-américain Ivan Ilic chez lui à Bordeaux, le 3 octobre 2017
© GEORGES GOBET / AFP

Sillonner les chemins de traverse musicaux à la recherche de partitions ou de compositeurs méconnus : le pianiste classique serbo-américain Ivan Ilic, installé depuis dix ans à Bordeaux, déploie son art entre refus des pesanteurs de la tradition et curiosité insatiable.

C'est pendant ses études de mathématiques à l'université américaine de Berkeley que le musicien de 39 ans, né à Palo Alto de parents serbes émigrés en Californie, fait un premier choix déterminant : "Je pratiquais le piano depuis l'enfance, mais assez paresseusement", raconte-t-il dans un français impeccable sous les moulures de son studio de répétition dans le centre historique de Bordeaux.

"Puis à la fac, j'étais vraiment mordu de musique. J'ai réalisé que si je voulais poursuivre le piano, il fallait énormément travailler. Ma chance a été d'avoir une grande liberté à Berkeley où je passais mon temps à jouer et révisais les mathématiques deux semaines avant les examens !", dit en souriant ce grand brun, fils de scientifiques.

L'autre tournant intervient à la fin de ses études lorsqu'il reçoit une bourse pour étudier au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. "En France, j'ai trouvé quelque chose qui me convenait, à mi-chemin entre la Serbie où j'allais chaque année en vacances, et les Etats-Unis. Je me sentais plus libre, je pouvais recréer mon identité", explique ce passionné de philosophie et d'haltérophilie.

Cette soif de liberté le conduit à s'installer à Bordeaux pour retrouver une forme de virginité favorable à son désir de "défendre un répertoire inconnu", loin du microcosme des pianistes parisiens. Sa discographie reflète cette volonté permanente de rompre avec la routine.

Après un premier disque consacré à Claude Debussy en 2008, il s'aventure rapidement sur des voies originales en enregistrant en 2012 "22 Etudes d'après Chopin" du compositeur polonais Leopold Godowsky (1870-1938), une recomposition pour la main gauche des études de Frédéric Chopin, peu enregistrée et rarement donnée en concert compte-tenu de sa difficulté redoutable.

- 'Lonesome cowboy' -

Changement de registre radical pour ses deux albums suivants -- "The transcendantalist" (2014) et "Ivan Ilic plays Morton Feldman" (2015) -- consacrés notamment aux compositeurs expérimentaux américains John Cage (1912-1992) et Morton Feldman (1926-1987).

Pour son dernier album, "Reicha rediscovered", sorti début septembre sur le label britannique spécialisé Chandos, Ivan Ilic s'est lancé un nouveau défi : faire redécouvrir le compositeur tchèque Antoine Reicha (1770-1836), compagnon de route de Ludwig van Beethoven.

A la clé pour le concertiste, un plus grand espace de créativité. "Je me sens plus libre lorsque je n'ai pas entendu les pièces auparavant. Il me faut un effet de surprise", confie l'artiste qui a découvert des partitions de Reicha à Prague, avant qu'un éditeur n'exhume les originaux à la Bibliothèque nationale de France.

Héritage de sa formation en mathématiques, Ivan Ilic explique aborder ces compositions d'un jet, sans les déchiffrer au préalable. "J'essaie d'avoir une première image du morceau la plus nette et précise possible" précise-t-il. Bibliothèques, internet : il se plonge parallèlement dans tout ce qui peut l'amener à s'approcher au plus près de la personnalité du compositeur.

"Ivan Ilic est un pianiste explorateur qui ne s'arrête pas à la simple interprétation ou au désir de montrer ses capacités techniques", souligne la critique musicale Séverine Garnier, qui se réjouit des découvertes du pianiste autour de Reicha. "Il est un +lonesome cowboy+, mais qui sait aussi très bien parler de sa musique", ajoute-t-elle.

"Il y a des morceaux que personne ne joue. Pourquoi ? Parce que cela rassure de continuer à faire ce qui a été fait avant. Or il faut vérifier par soi-même, se poser au moins la question de la valeur de ces oeuvres", insiste le pianiste qui dit ne s'être jamais senti "heureux dans cette vie de répétition" des oeuvres archi-connues du répertoire établi.

"Une démarche peu adaptée pour faire carrière", reconnaît le pianiste, par ailleurs jeune papa.

Pour l'heure, Chandos lui a toutefois offert la possibilité d'enregistrer quatre autres albums consacrés à Reicha. Un moyen de rendre le musicien un peu moins "otage de (s)a curiosité" tous azimuts.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Lula
Lula Da Silva : une barbe cache-misère politique ou masque de l’autoritarisme ?
Luiz Inácio Lula da Silva est un personnage simple en apparence mais complexe en substance. Sous sa barbe blanche, ses fossettes et son sourire aux dents refaites, le ...
27 avril 2024 - 14:36
Politique
26/04 à 18:30
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.