Jean-Michel Othoniel, l'artiste aux colliers de lumière

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Par Jean-Louis DE LA VAISSIERE - Paris (AFP)
Publié le 07 juin 2019 - 13:32
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L'artiste français Jean-Michel Othoniel, au musée du Louvre, le 24 mai 2019
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© Thomas SAMSON / AFP
L'artiste français Jean-Michel Othoniel, au musée du Louvre, le 24 mai 2019
© Thomas SAMSON / AFP

De la grisaille de Saint-Etienne au Louvre et aux sables du Qatar, des créations au soufre aux gigantesques colliers en verre, le Stéphanois Jean-Michel Othoniel veut réenchanter le monde de sa poésie lumineuse.

"Je ne suis pas dans ma bulle, il est important que l'artiste descende dans la rue et soit regardé par des millions de gens": Jean-Michel Othoniel, à 55 ans, confie que "sa vie a changé" le jour où a été inauguré à deux pas du Louvre son "Kiosque des noctambules" en boules en verre colorées coiffant une bouche de métro du Palais Royal.

Le Louvre, il y a été gardien pour payer ses études et y est revenu en mai avec six peintures et un "herbier merveilleux: un ouvrage qu'il a illustré et qui guide les visiteurs vers les fleurs cachées sur les toiles des grands maîtres". Il s'est inspiré de ses notes de botanique chez sa grand-mère.

Sérieux, songeur, il n'est nullement arrogant, avec son air de jeune homme poli: "je viens d'une époque où l'on n'avait pas la grosse tête. Il faut donner un peu d'oxygène, un peu d'espoir au monde, ramener du poétique."

Dans ses bureaux au faîte d'un immeuble du Marais, douze collaborateurs travaillent sur ordinateur à des projets petits ou monumentaux. Une ruche tranquille.

- "Une vie de bohème" -

Son appétit pour l'art est né grâce à la mairie communiste stéphanoise qui organisait des visites le mercredi au musée d'art contemporain: "C'était une fenêtre sur la grisaille, j'ai découvert à sept ans Robert Morris et Tony Cragg".

Cet appétit s'est épanoui aux Beaux-Arts de Cergy-Pontoise: "C'était le moment où l'art s'est démocratisé: on y apprenait tous les médias, de jeunes artistes intervenaient".

Il mènera ensuite "pendant 20 ans une vie spartiate, dans un appartement du XXe, au petit loyer".

A 24 ans, il expose déjà à la FIAC (Foire internationale d'art contemporain). "J'ai eu la chance de rentrer dans la galerie Antoine Candau: il me dit: combien tes parents te donnent? Je te donne l'équivalent et tout ce que tu crées m'appartient".

Il est invité dans une exposition au Musée d'art moderne de la Ville de Paris.

Parallèlement, il voyage beaucoup: "J'ai vécu en nomade, il fallait faire ce pèlerinage à l'étranger. Pas d'internet alors. Une vie de bohème que j'aimais". Ce sera le Japon, Hong-Kong, New York, Berlin, Rome, etc. Il gagnera une notoriété internationale en 1992 à la Documenta de Cassel (Allemagne).

A l'époque, "on parlait du milieu de l'art, pas du marché de l'art", soupire-t-il.

- Du soufre au verre -

Il avait d'abord trouvé son inspiration avec "des jeux sur les mots: ainsi soufre rimait-il avec souffrance, sourire, souffrir, sulfureux, souffreteux." Car sa première matière est le soufre, "ce matériau très fragile, cassant, lumineux, jaune".

"Puis j'ai eu le désir d'échapper à l'image d'artiste du soufre, et aussi à la solitude de l'atelier. En allant chercher du soufre sur les îles Éoliennes, j'ai rencontré l'obsidienne (une roche volcanique, NDLR) que j'ai voulu recréer de manière artificielle. J'ai connu le monde des verriers. J'apprenais à travailler en équipe, en déléguant le geste de souffleur de verre. Comme un chef d'orchestre", décrit-il.

Depuis 1993, il a voulu "amener le verre dans l'espace public".

Chez le galeriste Perrotin depuis 12 ans, il a investi dans des projets plus grands, comme en 2014 ses sculptures fontaines "les belles danses" à Versailles. Il a travaillé avec des architectes comme récemment Jean Nouvel pour le projet géant Alfa de 114 sculptures au Qatar.

La monumentalité de ses oeuvres - on pense à sa vague en briques de verre noir, "the big wave", inspirée par le tsunami au Japon -- tient à ce rapprochement avec l'architecture.

Devenu l'un des artistes français les plus en vue, il connait les lumières et les ombres de l'art contemporain. Côté lumières, "beaucoup d'artistes femmes, la possibilité d'être différent, l'ouverture à plusieurs genres". Mais "le monde de l'art s'est énormément professionnalisé, ce qui amène l'idée d'un marché, les écoles formatent".

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