La percée eurosceptique en Italie pourrait peser sur la réforme de l'UE

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Par Clément ZAMPA - Bruxelles (AFP)
Publié le 05 mars 2018 - 19:23
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Luigi di Maio, leader du Mouvement 5 Etoiles (M5S, populiste) premier parti italien avec 32% des voix, à Rome le 5 mai 2018
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© Filippo MONTEFORTE / AFP
Luigi di Maio, leader du Mouvement 5 Etoiles (M5S, populiste) premier parti italien avec 32% des voix, à Rome le 5 mai 2018
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La percée populiste dimanche en Italie et le possible retour des anti-migrants au pouvoir pourrait mettre à mal la volonté franco-allemande de réformer l'Union européenne, tout juste relancée par la conclusion d'un accord de gouvernement à Berlin, selon les analystes.

Quelques heures à peine après le feu vert, dimanche matin, des membres du Parti social-démocrate (SPD) allemand pour une nouvelle coalition gouvernementale avec les conservateurs d'Angela Merkel, le président français Emmanuel Macron saluait "une bonne nouvelle pour l'Europe".

Mais dans la soirée, les forces anti-système, eurosceptiques et d'extrême droite effectuaient une percée historique en Italie: le Mouvement 5 Etoiles (M5S, populiste) est devenu le premier parti du pays avec 32% des voix, tandis que la coalition formée par le Forza Italia (FI, droite) de Silvio Berlusconi et la Ligue de Matteo Salvini (extrême droite) obtiendrait elle 37%.

L'absence probable de majorité pour la coalition de droite/extrême droite comme pour le M5S va contraindre les leaders politiques italiens à des tractations qui s'annoncent longues et complexes, plongeant l'UE dans l'expectative.

"Nous avons confiance" dans la capacité de l'Italie "à former un gouvernement stable", s'est limité à commenter lundi le porte-parole de la Commission européenne.

"Soit on aura un gouvernement très à droite qui bloque, soit un gouvernement faible qui du coup ne pèse pas. Mais dans les deux cas, l'Italie ne sera pas dans le train de l'Europe", prédit Sébastien Maillard, directeur de l'institut Jacques Delors.

-Crise des migrants-

"On risque d'avoir un pays en sourdine pendant quelque temps, peut-être quelques années, qui ne pourra pas peser sur les grandes orientations de l'Europe à un moment déterminant pour son avenir", ajoute M. Maillard, voyant dans "les gouvernements fragiles ou affaiblis" de l'UE "le drame d'Emmanuel Macron".

"On ne peut pas faire l'Europe tout seul", résume-t-il.

Pour Janis Emmanouilidis, directeur d'études aux Centre de politique européenne (EPC), l'Europe va se diviser entre ceux qui estiment que "la confusion en Italie" ne permet pas de "prendre des risques" et d'avancer sur la réforme de l'UE, et ceux pour qui c'est justement à cause du ras-le-bol des électeurs sur "la situation économique et la gestion de la crise des migrants" que les choses doivent changer.

"L'une des raisons pour laquelle l'extrême-droite a réalisé ce score" en Italie, "c'est les questions de migration", insiste-t-il: "Vous devez prendre ça en compte".

Pour ce politologue, l'opposition dans l'UE entre europhiles et eurosceptiques profitera davantage, à terme, aux réformistes comme Emmanuel Macron.

Le plus grand risque avec l'Italie serait, avertissent les analystes, de la voir accroître ses dépenses budgétaires au mépris des règles européennes, au fur et à mesure que les nouveaux dirigeants italiens mettront en oeuvre leurs promesses de campagne.

Cela pourrait créer des "frictions" avec la Commission européenne, considère Federico Santi, chercheur au sein du think tank américain Eurasia Group.

"L'Italie court déjà le risque de ne pas respecter les objectifs budgétaires fixés par l'UE", observe-t-il.

-'Plus modérés'?-

Lui veut croire que le M5S et l'extrême droite se montreraient "plus modérés une fois au pouvoir que ne le laisse supposer leur rhétorique de campagne", car ils voudront "prouver leur statut de partis gouvernementaux crédibles".

"La sortie de l'euro, sans parler de la sortie de l'UE, reste très improbable", juge-t-il.

Mais Jack Allen, analyste au cabinet-conseil Capital Economics, considère que "de nouveaux progrès sur l'intégration européenne pourraient être difficiles".

Le nouveau gouvernement italien pourrait commencer par "repousser les efforts visant à augmenter les contributions de l'Italie au budget de l'UE" après le départ du Royaume-Uni.

Il craint aussi que le M5S ne demande à nouveau "un référendum sur la place de l'Italie dans la zone euro", un des points clés de son programme jusqu'à il y a quelques mois.

Dans ce contexte, la réforme de l'UE pourrait rester limitée, selon Holger Schmieding, économiste chez Berenberg Bank, qui dit ne s'attendre qu'"à des progrès modestes" sur l'Union bancaire et aussi "des avancées sur des questions non économiques comme la défense".

Accord de coalition ou pas, "la position allemande" sur l'Europe devrait peu évoluer, estime-t-il. "Au final, c'est Merkel qui tiendra les rênes".

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