Le célèbre hôtel Negresco à Nice perd sa reine

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Par Claudine RENAUD - Nice (AFP)
Publié le 08 janvier 2019 - 16:22
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Le Negresco, dernier palace de l'Hexagone à capitaux 100% français, a perdu sa propriétaire Jeanne Augier, un décès qui ouvre une période d'incertitude pour le célébrissime établissement niçois de la Promenade des Anglais, déjà au coeur de plusieurs procédures judiciaires.

Agée de 95 ans, Mme Augier est décédée dans la nuit de lundi à mardi, a indiqué à l'AFP Laurence Cina-Marro, la tutrice désignée en 2013 pour protéger la vieille dame, une Bretonne au caractère bien trempé mais affaiblie par l'âge.

Contrainte de se déplacer en chaise roulante, elle souffrait de pertes de mémoire qui l'empêchaient de gérer efficacement l'hôtel, placé sous administration judiciaire depuis 2013 après plusieurs décennies d'une direction à l'ancienne, mêlant autoritarisme et paternalisme.

Jeanne Augier, que ses salariés appelaient "Madame", vivait dans un appartement aménagé au 6e étage de l'établissement cinq étoiles dont elle avait contribué à faire la renommée, avec un livre d'or croulant sous les signatures célèbres: Salvador Dali, Louis Amstrong, les Beatles, ou encore Elton John, venu y tourner le clip de sa chanson "I'm still standing".

Elle possédait 97% de l'hôtel, acheté par son père en 1957 et qui pourrait valoir 300 à 400 millions d'euros, selon une estimation de 2016, hors mobilier et oeuvres d'art.

Sa disparition a suscité une vive émotion à Nice dont le Negresco, parfois surnommé la Tour Eiffel de Nice, est une des icônes. L'hôtel est classé monument historique depuis 2003 pour sa façade Belle Epoque, sa toiture à coupole aux allures de meringue rose et pistache se détachant dans l'azur du ciel et la majesté de son grand hall à colonnes où les dîners se donnent sous un énorme lustre en cristal de Baccarat suspendu à la verrière.

Les drapeaux du palace seront mis en berne pour un mois, a annoncé sa direction dans un communiqué.

- "Inquiétude et incertitude" -

Sans descendant et très cocardière, Mme Augier avait pris des dispositions en 2009 pour préserver son établissement des convoitises de groupes internationaux, qui lui avaient fait des propositions de son vivant, toutes déclinées.

Elle avait alors créé un fonds de dotation pour gérer son patrimoine à sa disparition mais ce fonds a un objet social flou. En plus de sauvegarder le Negresco, il prévoit de "soulager la misère animale et humaine". Des démarches ont été engagées en 2016 pour en faire une fondation, formule plus protectrice dont seul l'Etat peut décider in fine la création.

"Pour les 180 salariés, très émus, c'est une période transitoire d'inquiétude et d'incertitude qui s'ouvre", a souligné Me Candice Guigon Begazi, avocate du comité d'entreprise.

L'hôtel est déjà au coeur de multiples procédures. Au pénal, Pierre Couette, un jeune administrateur historien de l'art, que Mme Augier avait missionné pour inventaire, est depuis 2016 sous le coup d'une mise en examen pour abus de faiblesse.

Au plan de la gestion, le parquet de Nice a engagé une requête en 2017 pour mettre un terme à l'administration judiciaire, une intervention vécue comme une pré-vente déguisée par la direction et les salariés qui ont fait désaisir le tribunal de commerce de Nice, au profit de celui de Marseille.

Le parquet national financier a également ouvert une enquête qui a valu au procureur de Nice il y a quelques semaines une perquisition à son domicile et dans ses bureaux. Selon Le Parisien, les enquêteurs cherchent notamment à savoir si Jean-Michel Prêtre aurait pu, en saisissant le tribunal de commerce en 2017, avoir outrepassé ses pouvoirs voire favorisé un candidat repreneur.

Véritable hôtel-musée, revenu aux bénéfices, le Negresco abrite 124 chambres et suites au mobilier éclectique. Le style Empire côtoie des fauteuils années 70 à coque plastique, des tableaux de coqs gaulois ou une "Grosse nana jaune" de Niki de Saint Phalle. Grande admiratrice de Versailles, collectionneuse compulsive, Jeanne Augier avait accumulé 6.000 oeuvres d'art, faisait porter des "costumes à la française" à ses voituriers et s'était offert un célèbre portrait de Louis XIV.

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