Le Kosovo se dote d'une armée pour affirmer sa souveraineté, colère de Belgrade

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Par Ismet HAJDARI avec Tanja VUJISIC à Mitrovica - Pristina (AFP)
Publié le 14 décembre 2018 - 05:00
Mis à jour le 15 décembre 2018 - 02:50
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Quelques heures avant le vote du parlement kosovar, le président Hashim Thaçi avait revêtu jeudi son treillis pour s'adresser aux forces de sécurité du Kosovo (KSF) aujourd'hui surtout chargées de mis
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© Armend NIMANI / AFP
Quelques heures avant le vote du parlement kosovar, le président Hashim Thaçi avait revêtu jeudi son treillis pour s'adresser aux forces de sécurité du Kosovo (KSF) aujourd'hui sur
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Le Kosovo a décidé vendredi avec le soutien des Américains de se doter d'une armée pour affirmer sa souveraineté, décision accueillie avec colère par la Serbie, qui ne reconnait pas son indépendance.

Le président serbe Aleksandar Vucic a fustigé cette décision et appelé à une réunion d'urgence des 15 membres du Conseil de sécurité de l'ONU, qui s'est tenue à huis clos.

A l'issue de la rencontre, des diplomates ont indiqué que la Russie, soutien de la Serbie, avait demandé qu'une session publique du Conseil de sécurité soit organisée en début de semaine prochaine. Le président serbe pourrait y assister, selon un diplomate qui a précisé que des pays européens étaient réticents à l'idée de tenir une session publique.

Dans un communiqué, le chef de l'ONU, Antonio Guterres, exprime sa "préoccupation" et "appelle toutes les parties concernées à la retenue".

"Le Parlement du Kosovo a adopté la loi sur la force de sécurité du Kosovo! Félicitations!", avait lancé dans la matinée le président du parlement kosovar, Kadri Veseli, à des députés unanimes, les dix élus de la minorité serbe ayant boycotté la séance.

Effectuant surtout des missions de sécurité civile, la KSF sera chargée d'"assurer l'intégrité territoriale du pays", "de protéger la propriété et les intérêts de la République du Kosovo, d'apporter un soutien militaire aux autorités civiles en cas de catastrophe, et de participer à des opérations internationales", selon la loi.

La mue devrait prendre jusqu'à dix ans, selon analystes et responsables. Aujourd'hui forts de 2.500 membres, les effectifs de la KSF doivent passer à 5.000, plus 3.000 réservistes.

Depuis la fin de la guerre entre forces serbes et indépendantistes kosovars albanais (1998-99, plus de 13.000 morts), la sécurité du Kosovo est garantie par une force internationale menée par l'Otan, la Kfor.

Le vote a été salué par les États-Unis, solide soutien de Pristina, dont l'ambassadeur s'est félicité d'une contribution "à la paix et la stabilité au Kosovo et dans la région".

Le président serbe Aleksandar Vucic a exprimé sa colère lors d'une intervention télévisée. Il est "absolument clair que derrière tout ce que font les Albanais (du Kosovo), il y a les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et, dans le cas de la création de l'armée, l'Allemagne aussi".

- "Dépassé les bornes" -

"Ils ne comprennent pas qu'ils ont tous dépassé les bornes", a poursuivi M. Vucic en demandant une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU, où les Serbes comptent sur les soutiens russe et chinois.

Il a ajouté que la Serbie ne serait "prête à discuter" qu'après "un retour à la situation précédente".

Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a regretté le vote, expliquant que l'Alliance allait "être contrainte de réexaminer le niveau d'engagement" de son organisation auprès de la KSF. Il a toutefois assuré que l'Alliance atlantique restait "engagée à travers la Kfor" pour la sécurité du Kosovo et "la stabilité dans les Balkans en général".

L'Union européenne a également exprimé ses réserves, estimant que le mandat de la KSF "ne devrait être modifié que par un processus inclusif (des Serbes) et progressif, conformément à la Constitution du Kosovo". Celle-ci ne peut être modifiée sans l'aval des élus la minorité serbe.

Pristina a accueilli le vote au son des tambours et trompettes, tandis que des pétards de joie étaient entendus dans la partie méridionale de la ville divisée de Mitrovica, où vivent les Kosovars albanais. Juste en face, au nord, quelques centaines de Serbes ont manifesté dans le calme.

"Nous sommes heureux que la construction de notre pays soit terminée", dit à Pristina Vlora Rexhepi, un étudiant de 23 ans.

"Après deux décennies de dur labeur, nous achevons enfin le processus de construction d'un État", a réagi sur Facebook le président Hashim Thaçi, ancien commandant de la guérilla indépendantiste de l'Armée de libération du Kosovo (UCK). La veille, il avait revêtu son treillis pour assurer que la nouvelle armée serait au service de tous, quelle que soit l'appartenance ethnique.

"Les Serbes sont des citoyens du Kosovo, ils sont chez eux", a dit vendredi en serbe son Premier ministre Ramush Haradinaj, lui aussi un ancien commandant de l'UCK.

La fidélité des quelque 120.000 Serbes du Kosovo, continue d'aller à Belgrade qui refuse l'indépendance proclamée en 2008 par son ancienne province, majoritairement peuplée d'Albanais.

- Appels au dialogue -

Aleksandar Vucic a promis la protection aux Serbes du Kosovo: "S'ils vous attaquent, l'Etat de Serbie aura la force de vous protéger", a-t-il dit.

Selon la chaîne nationale RTS, le président serbe a commencé vendredi une tournée de trois jours dans les unités militaires proches du Kosovo.

Un des principaux responsables politiques de la minorité serbe, Goran Rakic, a qualifié la loi de "coup de revolver à la paix". Il a mis en garde Pristina contre l'envoi de troupes dans le nord du Kosovo, mais a appelé "à la retenue et à ne pas répondre aux provocations".

Vendredi, de Jens Stoltenberg à l'ambassadeur américain à Pristina, se sont succédé les appels à reprendre un dialogue au point mort depuis des mois entre Belgrade et Pristina.

Cette crise intervient dans un contexte tendu, avec la mise en place par Pristina en novembre d'une barrière douanière sur les produits serbes.

Le Kosovo assure être reconnu par quelque 115 pays, chiffre contesté par Belgrade.

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