Les barreaux de Moselle contestent l'expérimentation de la cour criminelle

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Par Murielle KASPRZAK - Metz (AFP)
Publié le 01 août 2019 - 14:01
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Mosaïque au palais de justice de Paris le 21 novembre 2018
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© JACQUES DEMARTHON / AFP/Archives
Mosaïque au palais de justice de Paris le 21 novembre 2018
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A mi-chemin entre tribunal correctionnel et cour d'assises, la cour criminelle, mesure phare de la réforme de la justice, est vivement critiquée par les barreaux de Moselle, l'un des départements choisis pour l'expérimenter.

"On créé de nouvelles infractions, des sous-crimes ou des sur-délits pour des mesures d'économies budgétaires", résume le bâtonnier de Metz Laurent Zachayus.

La Moselle fait partie des sept départements désignés pour expérimenter pendant trois ans la cour criminelle.

Composée de cinq magistrats, dont deux pourront être des magistrats honoraires ou recrutés "à titre temporaire", la cour doit juger en premier ressort des majeurs non-récidivistes, soupçonnés d'avoir commis un crime puni de quinze à vingt ans de réclusion criminelle. Sont concernés principalement des viols, mais aussi les vols à main armée et les coups mortels, soit 40% des affaires jugées en première instance par les assises de Moselle.

Si, à la cour d'assises, seul le président a connaissance du dossier, l'ensemble des magistrats de la nouvelle juridiction pourra consulter les tomes de l'enquête.

"Une telle procédure aura pour conséquence l'affaiblissement du contradictoire, l'absence de débat entre le procureur et l'avocat de la défense, la fin du temps pris pour bien juger en écoutant les témoins et les experts", redoutent les avocats de Sarreguemines.

Avec le barreau de Metz, ils ont adopté plusieurs motions pour dénoncer cette "innovation procédurale". Celui de Thionville devrait suivre prochainement.

"Ca me semble positif d'aller consulter une pièce du dossier en cas de doute pendant le délibéré", estime en revanche le procureur général près la cour d'appel de Metz, Jean-Marie Beney, pour qui le principe d'oralité n'est pas menacé.

Certes, le président aura la possibilité d'interrompre un témoin, ce qui est impossible dans un prétoire de cour d'assises, "mais ça va réduire les tentations de certains et canaliser les débats, sans pour autant priver l'expression", balaie M. Beney.

"L'idée n'est pas de raccourcir les débats, c'est du fantasme, mais de raccourcir les délais de jugement. Ce n'est pas le grand soir judiciaire", veut-il rassurer.

- Disparition des jurés -

Autre point de crispation : la nouvelle juridiction fonctionnera sans jurés qui, aux assises, sont six en première instance, neuf en appel. "Une régression démocratique", pour Me Zachayus.

"Le jury populaire, c'est est une tradition qui donne à juger au peuple les infractions les plus graves dans l'échelle de transgression des valeurs sociales et surtout l'expression d'un principe démocratique fondamental", avance-t-il.

La disparition des jurés "bouleverse l'organisation pénale en France (telle qu'elle existe) depuis deux siècles", relève Damien Mauchard, délégué régional de l'Union syndicale des magistrats (USM). Si cette expérimentation devait se généraliser, "il sera important de conserver le procès en appel avec les jurés populaires", estime-t-il.

L'USM est "favorable à cette phase d'expérimentation", selon M. Mauchard, eu égard à l'augmentation du délai moyen de jugement des crimes et à la requalification de certains en délits pour permettre un jugement plus rapide en correctionnelle.

"Mais si les cours criminelles n'ont pas de moyens, elles ne fonctionneront pas mieux que les cours d'assises", avertit le magistrat. "Il s'agit de juger certes plus vite, mais pas moins bien. On sera vigilant", ajoute-t-il.

Pour les personnes faisant l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant les assises antérieure au 13 mai 2019, date de l'entrée en vigueur de l'expérimentation, l'arrêté paru au Journal officiel prévoit de demander leur accord ainsi que celui de leurs avocats.

Sur sept accusés mosellans concernés, six ont refusé, selon Me Zachayus. Ils seront donc jugés par la cour d'assises.

Pour les autres, le consentement n'est plus requis: la loi s'applique.

La première session de la cour criminelle s'ouvrira à Metz le 28 octobre, avec deux affaires de viol.

Président, assesseurs et avocats se retrouveront après chaque session pour cibler les points à améliorer.

"On sait bien que cette expérimentation est destinée à devenir une généralité", regrette Me Zachayus.

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