Linda Kebbab, syndicaliste médiatique et "porte-souffrance" des policiers

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Par Alexandre HIELARD - Paris (AFP)
Publié le 07 octobre 2020 - 10:59
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Linda Kebbab lors d'une séance photo à Paris, le 6 octobre 2020
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© JOEL SAGET / AFP
Linda Kebbab lors d'une séance photo à Paris, le 6 octobre 2020
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Sa conseillère d'orientation l'aurait bien vue secrétaire, mais Linda Kebbab, fille d'immigrés algériens, a préféré policière. Porte-parole médiatique d'Unité-SGP-FO, cette trentenaire détonne par son profil au sein d'un syndicalisme très masculin et son franc-parler, virulent envers son administration.

Son visage s'est promené sur les écrans français pendant la crise des "gilets jaunes": enchaînant les plateaux télés, Linda Kebbab y a révélé ses talents d'oratrice, souvent face à des bretteurs plus expérimentés, pour défendre les "collègues" accusés de tous les maux.

Son parler cash s'est aussi invité sur les réseaux sociaux, ce qui lui vaut régulièrement insultes et menaces, notamment lorsqu'elle bat en brèche l'expression de "violences policières".

Rien ne prédestinait cette policière de 39 ans à une telle exposition après un parcours semé d'embûches qu'elle retrace dans un livre à paraître mercredi, "Gardienne de la paix et de la révolte" (ed. Stock).

Père éboueur, mère bénévole, la native de Vaux-en-Velin (Rhône), une commune secouée par de violentes émeutes en 1990, s'est toujours battue pour ne "pas se laisser enfermer dans une case", ni "servir de modèle aux préjugés".

Enfant, elle passe son temps libre à dévorer les Rougon-Macquart, la saga de Zola, empruntée à la bibliothèque municipale. La police? "Pas de rapport particulier", assure-t-elle. "Croire que toutes les personnes qui vivent dans les quartiers sont confrontées aux forces de l'ordre, c'est un cliché", balaye la jeune femme.

Ses parents, analphabètes, la poussent à faire des études. Elle étudie l'anglais, le russe et l'arabe à la fac, mais abandonne son rêve de devenir reporter de guerre quand, à 22 ans, elle accueille seule la naissance de sa fille.

Elle cumule les boulots, parvient à la stabilité financière en montant une société d'import-export dans le textile mais elle veut se sentir "d'utilité publique".

Un soir, l'intervention de policiers sur son palier pour mettre fin à des violences conjugales lui sert de déclic. "Une sorte d'évidence qui me tombe dessus". Elle passe le concours de gardien de la paix.

-"chape de plomb"-

Les "abus d'autorité" de ses formateurs nourrissent sa fibre syndicale dès l'école. A sa sortie, affectée à une brigade de police-secours à Créteil, elle dort pendant trois mois dans sa voiture avant que la préfecture de police ne lui trouve un logement décent.

"Je ne l'ai pas vécu comme un drame, mais c'est plus facile de parler des problèmes quand on a vécu ce genre de choses", souligne la trentenaire.

Elle adhère rapidement à Unité-SGP-FO avant de devenir déléguée à plein temps, non sans essuyer les remarques sexistes de ses homologues masculins. "Si pour pouvoir me faire entendre, il faut d'abord que je me soucie de la couleur de ma robe, je n'ai pas de scrupules à le faire", écrit-elle.

Propulsée déléguée nationale et porte-parole d'Unité-SGP-FO en 2018 quelques mois avant le début de la crise des "gilets jaunes", ses vives critiques sur la gestion du maintien de l'ordre lui vaudront, révèle-t-elle, la menace d'une enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour manquement à son devoir de réserve.

"Le devoir de réserve n'interdit pas le devoir de vérité", assène la syndicaliste, qui se veut la "porte-souffrance" des policiers.

Pression sur les effectifs pour "faire du chiffre", locaux décrépits où suinte parfois l'urine, "voitures déglinguées", sentiment de "ne servir à rien" quand les délinquants sont relâchés: l'administration met "une chape de plomb" sur ses maux, accuse-t-elle.

Avec un chiffre noir en étendard: 59, le nombre de suicides en 2019, l'un des pires bilans jamais observés.

Si un observateur du syndicalisme policier critique "une experte de la com' plutôt que des dossiers", l'ancien directeur général de la police (DGPN) Frédéric Péchenard, désormais responsable chez Les Républicains, loue "sa maîtrise du sujet police" et son profil "plus crédible auprès des jeunes et des femmes".

"Il m'arrive de la consulter, ses avis sont intéressants et éclairés", abonde l'ancien patron du Raid et député LREM Jean-Michel Fauvergue.

Pourrait-elle suivre leur trajectoire? "Derrière la défense des flics, elle vise autre chose, dans la politique, une ONG...", croit deviner une source policière.

Linda Kebbab, qui travaille à la création d'un "think tank" sur la sécurité, n'exclut pas "un chemin de traverse, en dehors de la police" mais jure qu'elle n'est "pas carriériste".

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