Mal protégés, les médecins de ville "livrés à eux-mêmes" face au covid-19

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Par Alexandre HIELARD, Romain FONSEGRIVES et Claire DOYEN - Ormesson-sur-Marne (France) (AFP)
Publié le 27 mars 2020 - 13:42
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Test au Covid-19 dans le cabinet du médecin Michael Bohbot à Ormesson-sur-Marne, en banlieue parisienne, le 25 mars 2020
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© PHILIPPE LOPEZ / AFP
Test au Covid-19 dans le cabinet du médecin Michael Bohbot à Ormesson-sur-Marne, en banlieue parisienne, le 25 mars 2020
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Cloué chez lui, Antoine Héloury a la voix fébrile: "Nous sommes livrés à nous-mêmes". Testé positif au Covid-19, ce médecin généraliste en Bretagne a dû fermer son cabinet. Entre protection insuffisante et informations lacunaires, ses confrères pointent les manquements des autorités.

"J'ai un peu de fièvre, 38,4°C, mais surtout des courbatures et une fatigue démesurée", confie à l'AFP le docteur, 57 ans, unique généraliste de Tréveneuc (Côtes d'Armor). A "J+7", quand la maladie peut basculer dans des formes plus graves, il concède être "moins bien". "Un copain médecin va venir m'examiner" pour déterminer si une hospitalisation s'impose.

Il est catégorique, c'est à son cabinet qu'il a "chopé" le virus: "je revenais de congés dans un coin reculé du Pays basque, je n'avais rencontré personne". Il a dû se déplacer à l'hôpital de Paimpol pour se faire dépister après que le Samu lui a refusé le test.

Lundi 16 et mardi 17 mars, jour du confinement, il a enchaîné près d'une centaine de consultations "sans aucune protection", à part "une dizaine de masques". "A priori", aucun patient reçu n'a depuis fait état de symptômes inquiétants, dit-il.

"Je travaille seul, mon cabinet n'est pas adapté pour gérer ce genre de pathologies". Le Covid-19 ? "On n'est pas très aidé. Je récupérais les infos sur internet, comme tout le monde", confesse-t-il.

A Ormesson-sur-Marne (Val-de-Marne), Michaël Bohbot peste contre les "promesses non tenues" d'Olivier Véran sur la livraison de masques FFP2 aux généralistes. "On a reçu une boîte de 50 pour sept médecins et une dizaine d'infirmiers libéraux. Ca ne fait même pas la journée", grince-t-il.

C'est avec un stock périmé, datant de l'épidémie H1N1, qu'il reçoit ses patients et peut les dépister depuis lundi grâce à des kits fournis par "un biologiste du coin". Il les réserve aux soignants "symptomatiques". Mercredi, il a reçu un test positif, "une préparatrice en pharmacie".

- "On est le thermomètre" -

A Rémilly (Moselle), Christophe Bergmann a réaménagé les plages de rendez-vous. "Le matin, on ne prend que les gens non infectieux et on réserve l'après-midi pour tout ce qui est infectieux, pour éviter les contacts entre eux", explique le médecin. Du gel hydroalcoolique est disposé sur le comptoir de la secrétaire médicale et des masques sont distribués à l'entrée.

Pas de test à son cabinet, il faut aller au laboratoire. "C'est un prélèvement nasal, ça se passe sur le parking. Les gens voient ça et ont un peu peur", glisse-t-il.

La proximité de Mulhouse, épicentre de l'épidémie en France, et l'éruption de petits foyers de contamination dans le département autour de Forbach, catalysent les inquiétudes de sa patientèle. "On passe beaucoup de temps à rassurer."

Même si, lui aussi, a "peur d'être contaminé" et concède avoir plus d'informations "dans les médias que par nos instances", comme l'Agence régionale de santé (ARS). Avec plusieurs confrères de la région, il a créé un groupe d'entraide sur la messagerie WhatsApp.

C'est aussi grâce à "la solidarité des entreprises et des mairies du coin", qu'un médecin du Finistère, qui souhaite garder l'anonymat, peut ausculter ses patients derrière son masque FFP2. Les stocks de son fournisseur habituel ont été réquisitionnés pour le premier tour des municipales. L'Etat a "abandonné" la médecine, peste-t-il. "A la fin, on comptera les morts et il y aura des comptes à rendre pour tout le monde."

"On a vu Emmanuel Macron dans des Ehpad, à l'hôpital, je ne l'ai pas vu dans un cabinet de ville" où sont reçus "80% des patients potentiellement atteints du Covid-19", relève Michael Bohbot.

Aucun médecin généraliste libéral en activité - 60.000 en France - n'est présent également dans le comité scientifique qui conseille le chef de l'Etat et le gouvernement.

Une erreur, selon ce docteur: "On est là pour dire ce qui se passe dans la vraie vie. S'il y a de la température, si le traitement est efficace. On est le thermomètre. C'est dommage de se priver de nous pour des décisions qui concernent le pays tout entier".

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