Nouvelle poussée de fièvre entre Russes et Occidentaux

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Par Valérie LEROUX - Paris (AFP)
Publié le 16 mars 2018 - 18:50
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Des enquêteurs britanniques prélèvent des échantillons le 16 mars 2018 à Salisbury près de l'endroit où ont été retrouvés l'ex-agent double Sergueï Skripal et sa fille, empoisonnés avec un agent neuro
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© Ben STANSALL / AFP
© Ben STANSALL / AFP

La crise du "Novitchok", l'agent neurotoxique utilisé contre un ex-agent double russe au Royaume-Uni, exarcerbe les tensions entre Russes et Occidentaux alors même que la dégradation accélérée du contexte stratégique mondial impose un dialogue avec Moscou.

Comme aux grandes heures de la Guerre froide, les Etats-Unis, la France et l'Allemagne ont fait bloc derrière Londres pour dénoncer la "responsabilité russe" dans cette affaire et une "menace" pour leur sécurité collective.

Ce coup de froid bouscule une séquence qui était plutôt à l'ouverture après les crispations de la crise ukrainienne et dont Moscou pouvait attendre beaucoup, à trois mois de la Coupe du monde de football.

"On revient à la période de l'annexion de la Crimée (par la Russie en 2014, ndlr). Il va être très difficile de travailler en confiance avec la Russie", analyse François Heisbourg, président de l'Institut international des études stratégiques (IISS) de Londres.

"Vladimir Poutine vient d'en reprendre pour cinq ans de quarantaine ! Ils sont arrivés à détricoter tout ce qu'ils avaient péniblement rebâti" depuis la crise ukrainienne, anticipe-t-il.

Après des années d'isolement, le maître du Kremlin a réussi à replacer son pays au centre du jeu international, se posant même en arbitre de la crise syrienne, même si les sanctions américaines et européennes liées à l'Ukraine continuent de peser lourdement sur l'économie russe.

- "Risques d'escalade" -

Le voilà de nouveau pointé du doigt, cette fois pour l'empoisonnement d'un ex-agent double russe résidant au Royaume-Uni par des méthodes quasi-militaires - en l'occurence l'emploi d'un agent neurotoxique à usage militaire développé en secret - même si Moscou dément toute implication dans cette affaire.

Pour Thomas Gomart, directeur de l'Institut français de relations internationales (IFRI), ce nouveau pic de tensions est en fait un "symptôme supplémentaire d'une dégradation rapide du contexte stratégique" mondial, de l'Iran à la Corée du Nord sur fond d'imprévisibilité du président américain Donald Trump.

"En dépit des tentatives de Paris de faire retomber la tension avec Moscou, on est dans une situation d'affrontement indirect où la Russie et certaines capitales européennes risquent des formes d'escalade", analyse Thomas Gomart.

Après la Grande-Bretagne, le président français Emmanuel Macron a annoncé de prochaines "mesures" contre Moscou. D'autres pays européens devraient suivre. Le Kremlin a promis de son côté une riposte imminente.

"La Russie et l'Europe sont maintenant engagées dans un cycle de sanctions et contre-sanctions (...) La question est de savoir si ce sera proportionné et limité ou, au contraire, si cela va déraper", souligne Cyril Bret, enseignant à Sciences-Po, dans le quotidien La Croix.

Tout cela s'ajoute à un climat de suspicion désormais généralisé envers la Russie, déjà accusée de vouloir déstabiliser les pays occidentaux par des ingérences dans leurs processus électoraux et des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux.

- "On va continuer à dialoguer" -

La crise du Novitchok va inévitablement compliquer un dialogue avec Moscou que le président français Emmanuel Macron, notamment, tentait de faire repartir sur de nouvelles bases, avec la perspective d'une visite d'Etat en Russie en mai.

"Cela n'empêche pas que l'on continue à dialoguer avec les Russes, qu'on a un sujet avec eux, notamment sur la Syrie. Mais la liste des impedimenta commence à s'allonger sérieusement", relève une source diplomatique française.

"Sur le dossier nucléaire iranien, a fortiori si Washington va dans le sens d'un retrait, il y a besoin de travailler avec Moscou, vu de Paris", renchérit Thomas Gomart.

Les risques d'escalade sont grands au Moyen-Orient si l'accord nucléaire iranien vole en éclats. La situation est tout aussi incertaine dans la péninsule coréenne malgré la perspective d'un sommet entre Donald Trump et le leader nord-coréen Kim Jong Un.

Pour Andreï Baklitski, analyste au centre de recherches russe PIR, les "positions de l'Europe et de la Russie sont proches" sur ces deux dossier et "il est peu probable" que cette nouvelle crise ait un "impact" dans les discussions en cours.

Alexandre Konovalov, président de l'Institut des évaluations stratégiques à Moscou, se veut fataliste: "Rien d'extraordinaire ne se passera. On va expulser des diplomates, le fonctionnement des ambassades sera perturbé (…), mais l'isolement de la Russie sur la scène internationale est déjà là (…) la situation ne peut pas être pire".

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