Haïti, un exemple de la politique occidentale et de la violation du droit du peuple haïtien (Partie 1) 

Auteur(s)
Catherine Roman pour France-Soir
Publié le 16 novembre 2023 - 18:45
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Port-au-Prince
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Robin Canfield / Unsplash
Vue de Port-au-Prince. Le salaire quotidien en Haïti est encore de l'ordre de cinq dollars US par jour.
Robin Canfield / Unsplash

"Pour détruire un peuple, on doit, en premier, couper complètement sa racine." (Alexandre Soljenitsyne)


TRIBUNE - Le 3 octobre 2023, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution sur la mise en place d’une mission devant contribuer à la sécurité en Haïti. Bien qu’internationale, cette mission ne relèvera pas de l’ONU et sera encadrée par le Kenya. Elle a été officiellement formée dans un contexte de montée en puissance des gangs à la demande des autorités du pays. La Russie et la Chine se sont abstenues lors du vote, les autres membres du Conseil de sécurité ont voté pour. La résolution a été élaborée par les Etats-Unis et l’Equateur. Or, l’objectif inavoué de ce texte est de réduire au silence le vaste mouvement populaire haïtien qui se bat, entre autres, contre les décisions de restrictions budgétaires catastrophiques imposées par le FMI. Et d'empêcher les Haïtiens de décider librement de leur avenir.

1 - Gangs contre brigades de vigilance

Un certain amalgame est à noter dans les présentations faites à l’ONU de la part des Occidentaux et du gouvernement haïtien à des fins de manipulation des opinions et des membres de la communauté internationale. En effet, il est nécessaire de dissocier les gangs criminels qui sévissent en Haïti des brigades de vigilance organisées par la société civile dans un objectif d’autodéfense dans certains quartiers et la prise en compte des revendications populaires.

Les gangs criminels sont à la solde des oligarques haïtiens, de connivence avec le gouvernement du pays qu’ils soutiennent, notamment à Cité Soleil (une banlieue extrêmement appauvrie, mais qui représente stratégiquement la clef du pouvoir politique en Haïti, car nul ne peut espérer être élu président sans les votes des citoyens de cette favela), et par ricochet des Etats-Unis qui indirectement les financent et leur procurent des armes. Face à la peur d’un soulèvement populaire possible avec des manifestations qui se multiplient, les membres du Core Group (USA et Canada en tête) ont souhaité intervenir militairement. Pour cela, ils ont fait appel à l’OEA (Organisation des Etats américains) basée à Washington, qui a suggéré au gouvernement haïtien illégitime (car non élu) de faire appel à une intervention militaire étrangère.

2 - Haïti, ou l'histoire d’interventions étrangères irresponsables

Les richesses minérales ont été toujours à la base de beaucoup de génocides de l’histoire.

Au XVIe siècle, les conquistadores exterminèrent les premiers habitants d’Haïti, les Arawaks/Tainos, pour pouvoir mieux leur voler leur or. A la fin des années 1670, les Français, ayant pris officiellement la possession d’Haïti, décidèrent d’en faire une terre de plantation pour l’exportation du café, de l’indigo et surtout de sucre. Afin de travailler la canne à sucre, les Français se tournèrent vers l’Afrique. De 1679 à 1791, ils y arrachèrent à leur terre natale 800 000 êtres humains réduits en esclavage. En 1791, les esclaves surexploités commencèrent à se révolter et eurent le projet de fonder une république libre et indépendante. Ils l’emportèrent en 1804. C’était la première fois dans l’histoire qu’une population d’esclaves réussissait à s’affranchir de ses maîtres. 

En 1825, le gouvernement français réclame au gouvernement haïtien 150 millions de francs (montant finalement ramené à 90 millions), en guise de dédommagement pour les colons esclavagistes chassés en 1804. C’est la principale condition requise pour la reconnaissance officielle de l’indépendance du pays par la France et les Etats-Unis. Haïti traînera cette dette comme un boulet.

En 1914, les USA envahissent à leur tour le pays. Ils commettent un hold-up à la banque de la République d’Haïti, s’emparant de la réserve d’or nationale et occupent ensuite le pays durant 19 ans. A ce jour, cet or volé se trouve toujours dans les réserves stratégiques fédérales des Etats-Unis.

Plus près de nous, un article de l’Associated Press a fait état de la découverte d’un gisement d’or en Haïti estimé à plus de 20 milliards de dollars, excite évidemment l’appétit de nombreux acteurs internationaux. Il est à noter que le Canada assure une partie des explorations minérales en Haïti depuis 2006, à travers la compagnie EMX, et aurait fort à perdre de mouvements populaires pouvant conduire à des nationalisations. De plus, le gouvernement actuel haïtien, par son manque de légitimité, est appelé par la population et les intellectuels progressistes à ne négocier aucun contrat avec les principaux acteurs internationaux des mines.

3 - Coups d’Etat orchestrés par les Occidentaux 

Le 30 septembre 1991, le président haïtien Jean-Bertrand Aristide est démis de ses fonctions suite à un putsch dirigé par le général des forces armées d’Haïti (FADH), Raoul Cédras, appuyé notamment par la CIA et l’oligarchie économique locale. Il revient en Haïti en 1994 et s’installe à la présidence mais, malgré sa popularité auprès des masses, échoue à trouver des solutions efficaces aux problèmes économiques et aux inégalités sociales. Il quitte le pouvoir en 1996, la Constitution lui interdisant d'effectuer deux mandats consécutifs.

En 1997, Jean-Bertrand Aristide forme un nouveau parti politique, la Famille Lavalas et, en 2000, il est à nouveau élu président. L'opposition boycotte les élections et des soupçons de fraude électorale poussent la communauté internationale à demander la tenue d’un nouveau scrutin. Jean-Bertrand Aristide est investi en février 2001.

Rappelons que le progrès en Haïti a été encore entravé en 2004 lorsque les Etats-Unis, appuyés par le Canada et la France, ont orchestré un nouveau coup d’Etat contre le président Jean-Bertrand Aristide, élu démocratiquement. Le programme d’Aristide prévoyait des mesures pour améliorer les conditions de vie de la majorité des Haïtiens, une série de décisions que craignaient l’élite du pays et ses partenaires étrangers, qui profitent toujours des conditions proches de l’esclavage de la plupart des Haïtiens (même si Jean-Bertrand Aristide a dû accepter des concessions comme l’application du programme du FMI pour obtenir son autorisation du retour sur l’île). Aujourd’hui, le salaire est encore inférieur à cinq dollars US par jour, en général, ce qui profite notamment aux grandes enseignes internationales de vêtements et révèle la grande hypocrisie américaine qui ose émettre des critiques répétées sur le traitement des Ouïghours par le gouvernement de Pékin...

Française, Catherine Roman a vécu quelques années en Russie. Elle travaille dans le secteur des chiffres et se passionne pour la géopolitique et l'intelligence économique.

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