Parlez-vous français ? Polémique sur une mesure visant les ouvriers étrangers

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Par AFP
Publié le 16 mars 2017 - 14:20
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Laurent Wauquiez visite une école du réseau "Espérance Banlieues" à Pierre-Bénite le 14 mars 2017
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© PHILIPPE DESMAZES / AFP/Archives
Laurent Wauquiez visite une école du réseau "Espérance Banlieues" à Pierre-Bénite le 14 mars 2017
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La "clause Molière", disposition adoptée dans plusieurs régions françaises pour exiger que les ouvriers parlent français sur les chantiers publics, suscite une controverse en pleine campagne électorale, ses défenseurs invoquant la sécurité et la lutte contre le dumping social.

Six des treize régions françaises, mais aussi des villes et des départements, ont déjà voté cette clause en invoquant un double but: s'assurer du respect des consignes de sécurité et lutter contre les effets d'une directive européenne qui autorise le recours temporaire à des travailleurs détachés venant de l'UE.

La polémique qui dépasse les clivages politiques traditionnels a enflé ces derniers jours en France. Ses détracteurs dénoncent une mesure inutile, discriminatoire, voire nationaliste.

Vincent You, élu municipal conservateur d'Angoulême (Sud-ouest) et père revendiqué de cette mesure imaginée après avoir observé les difficultés de communication sur le chantier d'un hôpital local, s'agace des accusations de discrimination.

"En tant que maître d’ouvrage, je suis responsable du chantier et de la sécurité sur ce chantier. Il n’y a rien de plus dangereux qu’un chantier où les gens ne se comprennent pas", a-t-il dit à l'AFP, ajoutant vouloir aussi favoriser l'emploi local.

Depuis, d'autres collectivités ont suivi. Un des promoteurs les plus ardents de la clause, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes (centre-est), Laurent Wauquiez, a même mis sur pied cette semaine une "brigade de contrôle".

Selon ce soutien du candidat conservateur François Fillon, l'objectif est de lutter contre "la concurrence déloyale que représente l'emploi des travailleurs détachés" et "d'apporter la démonstration que la préférence nationale, c'est possible".

- 'Tartuffe' -

La légalité de cette mesure risque d'être contestée devant un tribunal administratif. En attendant, impuissant à suspendre un texte voté au niveau local, le Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve a dénoncé une "mesure ouvertement discriminatoire".

"Derrière la +clause Molière+, c'est la clause +Tartuffe+ dont il faut se méfier", a-t-il dit en convoquant dans le débat un des plus célèbres personnages de comédie créé par l'homme de théâtre français du 17ème siècle pour incarner l'hypocrisie.

Les élus qui votent cette disposition espèrent, selon lui, en "tirer un profit électoral", alors que le discours anti-UE fait toujours recette en France.

Le détachement de salariés est encadré par une directive européenne de 1996, dont ses opposants se plaisent à rappeler qu'elle émane du commissaire Frits Bolkestein, voué aux gémonies en France.

Symbolisé par la figure du "plombier polonais" par les partisans du "non" au référendum de 2005 sur la Constitution européenne, le détachement permet à une entreprise de l'UE d'envoyer ses salariés en mission dans les autres pays européens à condition que le salaire minimum du pays d'accueil soit respecté et les cotisations sociales des salariés payées dans le pays d'origine.

Souhaitant harmoniser les conditions de travail dans l'UE, la Commission a entrepris de réviser la directive.

- 'A vomir' -

Contre toute attente, la patronne de l'extrême droite et favorite des sondages pour le premier tour, Marine Le Pen s'est élevée contre la clause "Molière", y voyant l'expression d'un "patriotisme honteux" alors qu'elle défend haut et fort la préférence nationale.

"Comme on n'ose pas dire clairement les choses et demander la suppression de la directive détachement des travailleurs (…) comme on n'ose pas taxer les emplois étrangers (...), on prend des chemins contournés", a déclaré celle qui veut "en finir avec l'Union européenne".

Critique du fonctionnement de l'UE et anti-mondialiste, le candidat de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, a dénoncé "l'hypocrisie totale" de la mesure alors que les problèmes sur les chantiers sont "ceux du respect du code du Travail".

Parallèlement, il dénonce la directive européenne affirmant qu'il ne l'appliquerait pas s'il était élu président, au motif qu'elle pénalise les ouvriers français notamment par rapport aux travailleurs de l'est de l'Europe.

Si les petits patrons du bâtiment défendent la clause, la principale organisation patronale, le Medef, s'inquiète du risque de "dérive nationaliste".

Et une fois n'est pas coutume, les syndicats de salariés rejoignent le patronat, la CGT dénonçant une intention visant à marcher sur "les traces du Front national" tandis que la CFDT évoquait une initiative "franchement à vomir".

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