A Portsall, le drame de l'Amoco reste ancré dans les esprits

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Par Sandra FERRER - Portsall (France) (AFP)
Publié le 09 mars 2018 - 09:01
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Des militaires participent aux opérations de nettoyage du littoral touché par la marée noire après le naufrage du pétrolier Amoco Cadiz, le 20 mars 1978 à Portsall, dans le Finistère
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© JEAN-PIERRE PREVEL / AFP/Archives
Des militaires participent aux opérations de nettoyage du littoral touché par la marée noire après le naufrage du pétrolier Amoco Cadiz, le 20 mars 1978 à Portsall, dans le Finistè
© JEAN-PIERRE PREVEL / AFP/Archives

"Dès que j'ai été réveillé, j'ai senti le pétrole", se souvient cet ancien agriculteur de Portsall, petit port de pêche du Nord-Finistère devant lequel s'échoue l'Amoco Cadiz le 16 mars 1978. Quarante ans après, le drame reste ancré dans les esprits.

"Comme bien d'autres, j'ai été voir si ma chaudière n'était pas crevée", raconte Jean-Yves Pellen, 30 ans au moment du naufrage du pétrolier géant, à l'origine de l'une des pires marées noires de l'histoire.

L'homme a été mobilisé dès les premières heures de la catastrophe, avant d'être rejoint par 35.000 militaires et des milliers de bénévoles venant de tout le pays. Pendant trois jours, il a pompé sans relâche le mazout à l'aide de sa tonne à lisier.

"Il n'y a que les tonnes à lisier qui pouvaient faire ce travail", assure-t-il. "S'il n'y avait pas eu les agriculteurs, je ne sais pas comment on aurait fait. Là franchement, ce n'est pas pour se vanter mais sans eux ça aurait été dur, dur... Il y en avait quand même du pétrole!"

Gorgé de 227.000 tonnes de brut, l'Amoco Cadiz s'est échoué au soir du 16 mars 1978 à moins de deux kilomètres du petit port de carte postale, rejetant à la mer pendant deux longues semaines le brut enfermé dans ses cuves. La pollution s'étendra sur 360 km de l'une des côtes les plus préservées d'Europe.

"Toutes les plages, tous les ports, les abers, tout ça c'était bien foncé", se souvient Jean Lescop, un ancien de la marine marchande. "Il y en avait partout", assure l'homme âgé de 69 ans, occupé à rénover un ancien canot de la SNSM (Société nationale de sauvetage en mer) sur les quais de Portsall.

-Une houle gluante et silencieuse-

Non loin de l'abri où est entreposé le canot classé monument historique, face à la mer, trône l'ancre monumentale de l'Amoco Cadiz, désormais seule trace visible du sinistre.

Les vagues "avaient du mal à déferler", se remémore Jean Lescop, évoquant une houle gluante et silencieuse. Comme bien d'autres, dans les heures qui ont suivi le drame, il a nettoyé les rochers et les plages souillées, "à la petite cuillère", assure-t-il, tellement les moyens manquaient au départ, malgré la bonne volonté de tous, des plus âgés aux plus jeunes.

Jean-Yves Letard, restaurateur depuis 32 ans dans la commune, avait 13 ans à l'époque de la catastrophe: "On allait récupérer les oiseaux pour les envoyer dans les cliniques afin d'essayer de les sauver".

"On allait à vélo, on faisait trois kilomètres, on revenait, on reprenait des oiseaux. On se faisait engueuler par nos parents parce qu'on était plein de mazout", poursuit-il, devant l'un des murs de la salle de son restaurant tapissé de photos du pétrolier à moitié enfoncé dans l'eau d'abord, puis gisant par 30 mètres de fond.

Cette solidarité s'illustrera aussi dans le combat judiciaire mené par les élus bretons, emmenés par le défunt sénateur-maire de Ploudalmézeau, Alphone Arzel: dès septembre 1978, 90 communes du Finistère et des Côtes-d'Armor se rassemblent pour attaquer à Chicago, la Standard Oil Of Indiana, géant mondial du pétrole et armateur de l'Amoco.

'Quelqu'un va payer'

"J'ai encore en mémoire Alphonse Arzel arrivant en mairie après avoir passé la nuit sur la dune, la pipe à la bouche", relate Marguerite Lamour, 22 ans à l'époque du drame et actuelle maire de Ploudalmézeau.

"+Quelqu'un va payer+, voilà ce qu'il disait", assure-t-elle à l'AFP, évoquant l'homme qui incarna pendant 14 ans le combat des Bretons outre-Atlantique. "Il ne savait pas qui, il ne savait pas comment, mais il était déjà déterminé", poursuit celle qui était alors secrétaire de mairie à Ploudalmézeau.

Et la persévérance finira par payer: la compagnie américaine est reconnue seule responsable de la catastrophe et doit verser l'équivalent de 35 millions d'euros aux communes bretonnes et 160 millions à l'Etat français.

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