Procès en appel du bébé "du coffre" : l'insoutenable, et l'insaisissable

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Par AFP - Limoges
Publié le 08 octobre 2019 - 22:34
Mis à jour le 09 octobre 2019 - 10:24
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Entre l'incontestable et l'insaisissable: le procès en appel de l'affaire Séréna, le bébé dit "du coffre" (de voiture) découvert après deux ans de carences, oscille entre les descriptions crues, implacables, de l'état de l'enfant, et le degré de conscience ou de déni de la mère, aux vérités changeantes.

La cour d'assises d'appel de Limoges, qui rejuge Rosa da Cruz jusqu'au 16 octobre, pour violences volontaires ayant entraîné infirmité permanente sur mineur par ascendant, a entendu mardi, avec forces détails, l'état "déplorable" du bébé découvert le 25 octobre 2013.

La "petite était au fond du coffre, au milieu de sacs poubelles, à côté d'un couffin immonde" a expliqué Denis Latour, garagiste qui le premier a ouvert le coffre, alerté par un collègue sur les gémissements, l'odeur qui en émanaient. Une "putréfaction" qui amènera un gendarme scientifique à chercher longtemps dans la voiture trace d'un bout de cadavre.

Une enfant "très chétive", "extrêmement sale", qui "ne parlait pas, ne bougeait pas", baignant dans une "odeur nauséabonde", "insoutenable", ont décrit des gendarmes. "Des collègues ont dû s'écarter pour aller +soulager leur estomac+". "C'était la première fois que je voyais un enfant vivant dans cet état", dira l'un d'eux.

L'enfant était "toute nue, transpirait, cherchait la respiration", comme "noyée par le manque d'oxygène, asphyxiée par les excréments", poursuit le garagiste. "186 battements (de coeur) par minute, une température à 38,2 degrés" à l'arrivée au CHU de Brive. Des pompiers diront qu'à une demi-heure près, elle aurait été en grand danger.

Le sort de Séréna s'est joué à peu de choses: si, au bout du déni de grossesse, la mère n'avait pas été seule à 6H40, si les contractions étaient survenues en plein jour, en présence de tiers, de son concubin, "les choses se seraient passées autrement", assure Rosa da Cruz aux enquêteurs. Comme pour son fils Alexandre né en 2004 , lui aussi "expulsé" au bout d'un déni de grossesse, mais avec la famille autour.

Pour Séréna, Rosa accouche seule au sous-sol, "panique", et s'enferme dans un "engrenage" inouï qui la verra cacher et confiner Séréna 23 mois.

-"Mal traitée, en un mot ou deux"-

L'enfant est gardée entre la voiture, un réduit au rez-de-sol, sans que personne ne sache, n'entende, dans la maison de Brignac-la-Plaine, en Corrèze. Même si l'on prend en compte la télévision allumée en permanence, le bruit à l'étage de trois enfants de 8, 7 et 2 ans. Et même si le père entend parfois "marcher le micro-ondes la nuit" (biberons).

Le concubin -décrit comme souvent alcoolisé- qui assure n'avoir rien su de la grossesse ou de l'existence de Séréna, a bénéficié d'un non-lieu. Gravement malade, il ne devrait pouvoir être entendu à Limoges.

Ces "deux vies, une avec ma famille, une avec Séréna", comme tentera d'expliquer Rosa da Cruz, sont revenues mardi dans des débats dominés par les témoins, secouristes, médecins. Et les déclarations de la mère aux enquêteurs alors, qui dissonent avec la "sidération", la "chosification" ou le "déni d'enfant" invoqué depuis par la défense.

"Ce qui ne pouvait pas être ignoré, c'est la souffrance de cette enfant", résumera un légiste expert. "Mal traitée, en deux mots et en un seul mot".

"Immédiatement, spontanément, elle dit que l'enfant est sa fille, qu'elle s'appelle Séréna. A plusieurs reprises elle se référera à +ma fille+", dira un gendarme des premiers interrogatoires. Elle raconte qu'elle "lui faisait des câlins, lui parlait, à plusieurs reprises elle lui a demandé +pardon+", dira une autre enquêtrice. "Oui, je sais, c'est pas bien", lâchera-t-elle au garagiste stupéfait devant le coffre ouvert.

Mais de nouveau mardi soir, comme au premier procès, Rosa da Cruz, émue pour la première fois depuis lundi, a réaffirmé qu'elle "n'avait aucun sentiment" quand elle prenait Séréna dans ses bras. Que "jamais" elle ne l'a embrassée, câlinée.

"Quand elle est venue au monde, pour moi ce n'était pas un bébé (...), elle l'est devenue peu avant qu'elle soit découverte, vers 18-23 mois"", a-t-elle insisté, fidèle a sa ligne de défense de déni de l'enfant. Offrant, pour toute réponse à l'incrédulité de la présidente: "Je n'arrive pas à vous expliquer. Je ne voulais pas lui faire tout ça, c'était pas volontaire".

Condamnée en première instance à deux ans de prison ferme, Mme da Cruz encourt 20 ans de réclusion.

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