Désinformation : Google profite aussi des sites complotistes
Google a promis de lutter contre la désinformation qui s'est accentuée pendant l'épidémie de Coronovirus. Mais, tout comme sa filiale Youtube, le moteur de recherche gagne aussi de l'argent avec des sites complotistes qui utilisent ses outils publicitaires.
Pas de restrictions pour la rentabilisation des fake news
Google fournit des outils qui permettent d’occuper automatiquement l'espace publicitaire disponible sur les sites Web des éditeurs qui participent à sa régie publicitaire display, tout comme peut le faire la régie interne d'un groupe d'édition sur ses propres sites Internet. Mais contrairement à un éditeur classique, Google ne filtre pas les sites sur lesquels ses publicités s'affichent et n'assume aucune responsabilité quant au contenu des sites sur lesquels il diffuse des publicités.
Selon une enquête du Tech Transparency Project (TTP) il existe une différence importante entre les affirmations du géant américain selon lesquelles il combat la désinformation sur la pandémie et ce qui est vraiment fait pour modérer les contenus complotistes. L’enquête dévoile qu’au moins 97 sites Internet utilisent les outils publicitaires Google DoubleClick ou AdSense tout en diffusant de fausses informations sur le coronavirus, comme la rumeur selon laquelle la technologie sans fil 5G est liée au coronavirus, ou celle sur la Fondation Bill et Melinda Gates qui financerait un groupe détenant un brevet sur les coronavirus, et bien d'autres encore… Plus de 40% des sites de fake news recensés par l'enquête, soit 97 sur 224, utilisaient les outils DoubleClick ou AdSense de Google pour afficher des annonces tierces.
En parallèle, Google a pourtant promis 6,5 millions de dollars pour financer les efforts de vérification des faits, un engagement pourtant en contradiction avec son activité lucrative de régie publicitaire.
Comment fonctionnent les enchères publicitaires automatisées?
Pourquoi des annonces de grandes marques (Geico, Subaru, Salesforce...) s'affichent-elles sur des sites de fake news, sans pouvoir s'y opposer? C’est une question importante pour toute marque en entreprise utilisant les services Google DoubleClick ou AdSens, qui courre le risque de voir sa réputation endommagée, en apparaissant sur des sites de théories du complot par exemple.
Le phénomène est mondial; il concerne les Etats-Unis, mais aussi le Canada, où la presse a repéré des annonces d'administrations publiques de plusieurs grandes banques, d'institutions d'enseignements et d’organisations financées par les gouvernements, qui participent au financement des sites de fake news. Car chaque fois qu’un internaute clique sur une publicité affichée sur ces sites, les éditeurs de ces sites manipulateurs empochent de l’argent .
Le problème vient du fait que les outils publicitaires laissent souvent les annonceurs dans l'ignorance de l'endroit où leurs messages apparaissent, car le processus est automatisé. L'emplacement des publicités est déterminé au cours d'une enchère automatique, qui prend en compte les caractéristiques des utilisateurs qui seront potentiellement exposés à l'annonce, mais aussi le contenu de la page d'affichage, et bien d'autres critères. Les annonceurs qui ne souhaitent pas apparaître sur certains sites peuvent bloquer les domaines problématiques un par un, ou exclure des sujets entiers. Mais, selon l’enquête de TTP, Google ne facilite pas la tâche, car le moteur de recherche permet aux éditeurs Web de cacher leurs domaines aux annonceurs, de sorte qu’il est impossible de savoir où les annonces ont été diffusées par le passé.
Sur ce marché complexe, les profits sont loin d'être négligeables: Google prélève 32% des revenus des annonces visuelles affichées en ligne qui passent par son outil AdSense et l'éditeur garde le reste. Selon l’enquête de TTP, pour un site de fausses informations, comme ZeroHedge par exemple, Google pourrait gagner 22 000$ par mois et surtout reverser 48 000$ par mois au site complotiste! Un véritable partenariat “win-win” entre Google et les fake news!
Donner une place à l'humain pour combattre les dangers de l'automatisation
Dans un contexte où les journalistes sont supplantés (ou aidés) par les robots, la solution viendrait de la réintroduction d’opérateurs humains à la place des algorithmes, pour tenter d’éviter de financer systématiquement des sites de désinformation.
Christian Desîlets, professeur de publicité sociale à l'Université Laval au Canada, est aussi critique des agences publicitaires et les annonceurs, qui ont aussi une responsabilité: il est possible d'employer des gens au niveau des agences, pour vérifier en amont les destinations des campagnes, mais cela coûte cher; il est donc plus facile de se reposer sur l'automatisation qui est malheureusement imparfaite.
La publicité mal placée est donc un bon exemple des résultats lorsque l'on veut aller trop vite, sans trop investir. En général ça n'est pas une bonne idée.
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