A droite et mourir ? A gauche et vivre ? A Mati, l'incendie a joué à la loterie

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Par Sophie MAKRIS - Mati (Grèce) (AFP)
Publié le 25 juillet 2018 - 15:48
Mis à jour le 26 juillet 2018 - 08:41
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Un femme se tient au milieu de voitures calcinées le 25 juillet 2018 après un incendie de forêt qui a ravagé la petite ville grecque de Mati
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© ANGELOS TZORTZINIS / AFP
Un femme se tient au milieu de voitures calcinées le 25 juillet 2018 après un incendie de forêt qui a ravagé la petite ville grecque de Mati
© ANGELOS TZORTZINIS / AFP

En sautant dans sa voiture pour rallier la ville voisine, Kiriaki Alexiadou a échappé aux flammes qui ravageaient Mati. En tentant de fuir à pied vers la mer, ses voisins ont péri. Le sort des habitants de la petite station balnéaire s'est souvent joué dans un horrible pile ou face.

"Mon mari m'a dit de partir avec notre petit-fils de sept ans, nous avons couru jusqu'à la voiture, des pommes de pin brûlantes fusaient des arbres...", raconte la retraitée de 62 ans qui a ainsi pu se mettre en sécurité à l'écart du sinistre qui a partiellement calciné, lundi soir, ce lieu de villégiature à l'est d'Athènes.

Elle fond en larmes mercredi matin, en désignant une maison, dans la ruelle à quelques mètres de chez elle: "la policière qui habitait là, son mari et ses deux enfants sont partis à pied en direction de la mer mais ils se sont retrouvés piégés par un mur de feu", assure-t-elle, un récit confirmé par d'autres habitants du quartier.

Le bilan de l'incendie spectaculaire qui, en quelques heures, a réduit en cendres des centaines de maison de la côte est d'Athènes, s'élève à 81 morts, selon les pompiers qui recherchent toujours d'éventuels disparus.

Lorsque l'épaisse fumée grise a envahi son jardin annonçant l'arrivée des flammes, descendues de la montagne "à une vitesse incroyable", Theodoros Christopoulos n'a eu que quelques secondes pour se décider.

"Nous étions cinq. J'ai dit : +on rentre dans la maison, on ferme tous les volets -ils sont en aluminium- et advienne que pourra. La route était déjà encombrée de voitures essayant de quitter Mati", explique cet homme à l'air fatigué devant sa villa à étages. Le bâtiment est quasiment intact, ses habitants sont saufs.

Rester ? Partir ? Vers la mer ? A droite ? A gauche ? Les rescapés partagent le sentiment que leur sort s'est joué à peu de choses.

Ainsi, la lune de miel d'un jeune couple d'Irlandais qui s'étaient mariés jeudi dernier s'est terminée tragiquement. Leur voiture a été prise dans les flammes. Brian, le mari, est mort. Zoé, sa femme, a réussi quant à elle à s'en sortir en courant à la plage, malgré des brûlures aux mains et à la tête.

Beaucoup de rescapés se sont ainsi réfugiés dans les criques bordant la station qui avaient retrouvé mercredi leurs eaux transparentes sous un soleil ardent. Une tong, un vêtement, un jouet, abandonnés sur les galets, témoignent cependant "d'une soirée en enfer", selon les mots de Sabi Kissov, un rescapé.

- Jardin au milieu des ruines -

Gardien d'une modeste maison non loin de la plage, il a trouvé sans difficulté la direction de la mer où il a passé plusieurs heures, avec son employeuse, une femme de 73 ans souffrant d'un cancer. "Nous étions au moins 300, le pire était la fumée, on pouvait à peine respirer". Des bateaux ont évacué les sinistrés au fil de la nuit.

Mais d'autres ne sont jamais parvenus jusqu'au rivage: c'est à quelques centaines de mètres de chez Sabi Kissov, que les corps de 26 personnes ont été découverts sur le terrain d'une villa tombant à pic dans la mer. La falaise a vraisemblablement stoppé leur fuite.

La même loterie macabre a laissé certaines villas intactes, en apparence à peine léchées par les flammes, quand, dans la même rue, d'autres bâtiments achèvent de se consumer.

"Nous avons tout retrouvé, même la voiture, le coq, le chien ! constate, ahuri, M. Kissov qui s'offre mercredi matin une courte parenthèse pour arroser le jardin à l'insolente luxuriance, non loin de ruines fumantes.

"Ca ne s'explique pas, pourquoi cette maison, pourquoi celle-là... tout est allé si vite", confie Fani Antonini, redressant du pied un pot de fleur renversé, devant la carcasse de ce qui était la maison familiale.

"Mais je peux prendre une douche et vous offrir à boire, l'eau fonctionne !" parvient à sourire cette mère d'un adolescent dont elle est restée sans nouvelles durant de longues heures, le soir du drame.

Dans la rue parallèle, Christos, 48 ans, fait le tour de son domicile, pas mécontent d'avoir investi il y a quelques années, dans un "revêtement mural spécial". Il aura à peine plus que les stores à remplacer, quand la maison de son voisin, un octogénaire, est en miettes.

"Mais c'est autre chose que nous avons perdu, sourit-il amèrement, ici c'était le paradis".

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