"Libération de la parole" contre "délation" : l'initiatrice de #balancetonporc au tribunal

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Par Juliette MONTESSE - Paris (AFP)
Publié le 29 mai 2019 - 22:50
Mis à jour le 30 mai 2019 - 01:10
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Capture d'image d'une vidéo de l'AFPTV de Sandra Muller, la créatrice de #Balancetonporc, au tribunal de Paris, le 29 mai 2019
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"Libération de la parole" contre "délation": l'initiatrice de #balancetonporc au tribunal
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"Délation" ou "libération de la parole" ? Un an et demi après la déferlante #balancetonporc sur les réseaux sociaux, la créatrice de ce mot-clé emblématique comparaissait mercredi à Paris pour diffamation, poursuivie par l'homme qu'elle avait nommément accusé de harcèlement sexuel.

Assis aux premiers rangs d'une 17ème chambre civile pleine à craquer, Sandra Muller et Eric Brion ne se regardent pas.

C'est la première fois qu'ils se croisent depuis que la journaliste de La Lettre de l'audiovisuel a lancé #balancetonporc, le 13 octobre 2017 à la suite du scandale Weinstein.

"#balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails un harcèlent (sic) sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends", avait d'abord tweeté Sandra Muller. Quatre heures plus tard, elle envoyait un second message: "+Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit+ Eric Brion ex patron de Equidia #balancetonporc".

Ces propos, retweetés plus de 2.500 fois, sont alors vieux de cinq ans: ils remontent à une soirée cannoise du printemps 2012, en marge du Marché international des programmes de télévision où ils se trouvaient tous deux pour le travail.

Comment les qualifier ? Quand les avocats du consultant défendent le droit à la drague, "lourde ou pas", ceux de la journaliste dénoncent "des propos dégradants reçus comme une agression par de nombreuses femmes", du "harcèlement" au sens large du terme.

Voix morne, Eric Brion tient à en préciser la teneur. "On se connaît depuis quinze ans. Elle m'attire. Je lui dis: +Tu m'impressionnes+. Puis: +Tu es mon type de femme, tu es brune, tu as de gros seins+. Sa réaction est sans équivoque, l'attirance n'est pas réciproque. Je m'éloigne et je fanfaronne: +C'est dommage, je t'aurais fait jouir toute la nuit+. Le lendemain, je lui envoie un SMS d'excuses."

- "Elle a ouvert le chemin" -

L'ancien directeur général de la chaîne de télévision Equidia convient avoir eu des mots déplacés mais se défend d'"être un harceleur sexuel". Il explique avoir attaqué Sandra Muller en diffamation car "un autre procès s'est tenu, devant un tribunal un peu spécial, les réseaux sociaux, où il est impossible de se défendre".

Il raconte "une longue descente aux enfers": "des insultes de partout", "des médias qui me présentent comme le +premier porc+", "ma compagne qui me quitte", une dépression, plus de travail.

Ses avocats attaquent le "mensonge" sur lequel serait basé #balancetonporc, puisqu'Eric Brion "n'est pas un harceleur". "Oui, #balancetonporc est un phénomène superbe, mais à côté de ça, il y a eu de la calomnie, de la rumeur", insiste Me Nicolas Bénoit.

Sandra Muller "est une usurpatrice qui a commis un véritable hold-up du mouvement #MeToo", en usant de "délation, la vraie, la moche, la nominative", insiste sa consœur Marie Burguburu. L'avocate évoque même un mobile: "la vengeance", car Sandra Muller "lui en voulait de ne pas s'être abonné à sa Lettre".

Ils réclament notamment 50.000 euros de dommages et intérêts et la suppression du tweet litigieux.

Les avocats de la journaliste, François Baroin et Francis Szpiner, invoquent quant à eux "l'évolution de la société", la vague inédite de témoignages de femmes dénonçant harcèlement ou agressions sous ce mot-clé ou son équivalent en anglais, #MeToo.

"Par son initiative, Mme Muller a créé les conditions de la libération de la parole des femmes", plaide Me Baroin. "Elle a donné le courage, elle a ouvert le chemin".

A leurs yeux, condamner Sandra Muller reviendrait à "baillonner" cette parole. Sur le plan du droit, ils estiment qu'elle ne peut être condamnée pour diffamation puisqu'Eric Brion a reconnu avoir tenu les propos qu'elle lui impute et qu'elle a donc tweeté "la vérité".

Sandra Muller, qui fait partie des "briseuses de silence" désignées par le magazine Time comme "Personnalités de l'année" 2017, est la dernière à prendre la parole: "J'ai poussé un cri de colère, sans aucune intention de nuire. J'espère que grâce à ce mouvement, on parlera de cri de colère et plus de crise d'hystérie féminine".

Jugement le 25 septembre.

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