Scandale Uramin : l'ex-patronne d'Areva, Anne Lauvergeon, mise en examen

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 14 mai 2016 - 12:43
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Le groupe Areva.
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©Philippe Wojazer/Reuters
Anne Lauvergeon a été placée sous le statut moins défavorable de témoin assisté pour l'accusation d'abus de pouvoirs.
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Anne Lauvergeon a été mise en examen dans le cadre de l'enquête sur le rachat d'Uramin par Areva, vendredi. Elle est soupçonnée de "présentation et publication de comptes inexacts et diffusion de fausses informations", ainsi que d'"abus de pouvoir".

L'ancienne patronne emblématique d'Areva, Anne Lauvergeon, a été mise en examen vendredi 13 par les juges d'instruction dans l'une des enquêtes sur les zones d'ombre entourant le rachat d'Uramin en 2007, une opération qui s'est avérée désastreuse pour le géant français du nucléaire.

Celle que l'on surnommait "Atomic Anne", qui a dirigé le groupe de 2001 à 2011, a été mise en examen pour présentation et publication de comptes inexacts et diffusion de fausses informations, a indiqué une source judiciaire après l'audition qui a duré toute la journée.

Anne Lauvergeon a en revanche été placée sous le statut moins défavorable de témoin assisté pour le délit d'abus de pouvoirs.

Deux informations judiciaires sont ouvertes depuis 2014, l'une sur le rachat désastreux de la société minière canadienne Uramin, qui ambitionnait d'exploiter trois gisements d'uranium en Namibie, Afrique du Sud et Centrafrique, l'autre sur la présentation des comptes du groupe Areva en 2010 et 2011, les années précédentes étant couvertes par la prescription.

C'est dans cette seconde enquête qu'était entendue Anne Lauvergeon. "Elle a été mise en examen pour des infractions purement formelles. Il n'y a aucune suspicion de malhonnêteté contre elle", a déclaré à l'AFP son avocat, Jean-Pierre Versini-Campinchi.

Dans la première enquête, l'époux d'Anne Lauvergeon, Olivier Fric, soupçonné d'avoir spéculé sur le titre d'Uramin au moment du rachat en profitant d'informations privilégiées et d'en avoir tiré près de 300.000 euros de bénéfice, a été mis en examen pour délit d'initiés le 23 mars.

Concrètement, les juges d'instruction veulent établir si Anne Lauvergeon a fait pression pour minimiser les provisions pour dépréciations d'actifs dans les comptes du groupe, afin de retarder la découverte de l'effondrement de la valeur d'Uramin et masquer cet échec alors qu'elle tentait de se maintenir à la tête du groupe.

Pour son avocat, son placement sous le statut de témoin assisté pour abus de pouvoirs montre le contraire.

Fin 2011, après le départ de sa patronne, sur fond de mauvaises relations avec le chef de l'Etat de l'époque Nicolas Sarkozy, Areva avait fini par annoncer de lourdes pertes et une provision de 1,5 milliard d'euros sur la valeur d'Uramin.

Dans sa dénonciation à la justice, début 2014, la Cour des comptes estimait que des éléments avaient été dissimulés au conseil de surveillance et aux tutelles représentant l'Etat, le principal actionnaire d'Areva. "Ces manoeuvres, contraires à l'intérêt d'Areva et ayant engendré des pertes considérables pour le groupe, auraient eu pour objet de permettre à Anne Lauvergeon de tenter de se maintenir à la tête du groupe", relevaient les magistrats financiers, selon des éléments de ce rapport dont l'AFP a eu connaissance.

"Les comptes ont été arrêtés le 27 juillet 2011 par le nouveau directoire (après son départ, ndlr). Ils ne comportent aucune nouvelle dépréciation d'actifs", s'est défendue Mme Lauvergeon dans une interview au Parisien le 30 mars.

Entre les pertes liées à Uramin, la catastrophe de Fukushima et d'autres difficultés liées notamment à la construction d'un EPR en Finlande, Areva s'est retrouvé dans le rouge en 2015 pour la cinquième année consécutive. Le groupe va bénéficier d'un renflouement massif de 5 milliards d'euros de l'Etat français, mais il va supprimer 6.000 postes dans le monde, dont 3.000 à 4.000 en France.

Anne Lauvergeon a aussi mis en avant la catastrophe de Fukushima, survenue en mars 2011, et ses conséquences sur les cours de l'uranium, pour expliquer l'effondrement d'Uramin.

Mais, pour plusieurs géologues et cadres d'Areva entendus dans l'enquête, l'opération suscitait de nombreuses réserves, notamment en raison des difficultés à exploiter les sites.

Les enquêteurs s'interrogent notamment sur le rôle central d'un financier belge, Daniel Wouters, recruté en 2006 par Areva, et les possibles liens d'une des sociétés qu'il dirigeait, Swala, avec les actionnaires d'Uramin au moment de son rachat. Sa proximité avec Olivier Fric est également étudiée dans le cadre de l'enquête.

La justice française a adressé une demande d'entraide judiciaire au Canada pour tenter de retracer une partie des fonds engloutis par le rachat d'Uramin et déterminer s'ils ont pu donner lieu au versement de pots-de-vin.

 

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