Venezuela : un défaut de paiement, une aubaine politique pour Maduro

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Par AFP
Publié le 08 novembre 2017 - 11:15
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Le probable défaut de paiement du Venezuela, qui serait imminent selon certains analystes, n'est pas obligatoirement une mauvaise affaire pour le président Nicolas Maduro: à court terme, il y trouverait de l'oxygène politique avant la présidentielle de 2018.

Ne plus rembourser sa dette lui permettrait de financer des importations, des programmes sociaux et sa campagne tout en rejetant de nouveau la faute sur les Etats-Unis en les accusant de guerre économique contre Caracas, selon des experts.

D'ici ce week-end, le pays sud-américain doit payer au moins 81 millions de dollars d'un bon du groupe public pétrolier PDVSA à échéance 2027.

Il s'agira de son premier remboursement depuis l'annonce, la semaine dernière par le président Maduro, de la restructuration de la dette extérieure du pays, estimée autour de 150 milliards de dollars.

Le Venezuela, qui dispose des plus importantes réserves pétrolières de la planète mais s'est vu asphyxié par la chute des cours du brut, semble aller droit au mur: les trois principales agences de notation, Fitch, S&P Global Ratings et Moody's, ont abaissé sa note souveraine face à l'imminence d'un défaut de paiement.

La confusion règne toutefois parmi les analystes, certains voyant le défaut arriver avant ou pendant ce week-end, d'autres estimant que les remboursements se poursuivront au moins jusqu'à la réunion de créanciers internationaux convoquée par le gouvernement à Caracas pour lundi, quand arrive à échéance une nouvelle tranche de 200 millions de dollars.

Au total, d'ici la fin de l'année, le Venezuela doit rembourser au moins 1,47 milliard de dollars d'intérêts de divers bons, puis environ 8 milliards en 2018.

Mais ses réserves de devises ne sont plus que de 9,7 milliards de dollars, selon la Banque centrale.

Et l'agence S&P a prévenu qu'une opération de restructuration de sa dette constituerait "un défaut selon (ses) critères", une opinion partagée par le cabinet Capital Economics: "Tout changement aux termes de la dette revient à la même chose, un défaut".

Jusqu'à présent, le gouvernement a toujours privilégié par-dessus tout le paiement de sa dette, sacrifiant les importations d'aliments et de médicaments, dont une grande majorité ont peu à peu disparu des rayons.

- 'Bouffée d'air' -

"S'il voulait (continuer à) payer, cela impliquerait de couper encore dans les importations et cela a un coût politique très élevé, surtout pour un gouvernement à la faible popularité, confronté à une profonde crise économique et politique, avec un mécontentement grandissant et un président qui souhaite se faire réélire", commente à l'AFP l'analyste Asdrubal Oliveros, directeur du cabinet Ecoanalitica.

A l'inverse, s'il arrête de rembourser, dans l'immédiat la population pourrait sentir "une bouffée d'air" car l'argent non-utilisé servirait à financer des importations ou des programmes sociaux, ajoute-t-il, prévenant que l'effet serait "temporaire".

D'où l'intérêt, pour le pouvoir socialiste, de donner une portée politique au défaut de paiement, en accusant une fois de plus les Etats-Unis de mener une guerre économique contre Caracas, notamment via les récentes sanctions interdisant les transactions sur la dette vénézuélienne au sein du système financier américain.

Et, même si le gel des remboursements aurait un effet désastreux à moyen et long terme sur le Venezuela, le chef de l'Etat, élu en 2013, peut s'en servir pour la présidentielle de décembre 2018.

"Arrêter de payer va permettre à Maduro d'avoir plus d'argent pour la campagne présidentielle l'an prochain et de pouvoir importer des biens de première nécessité, comme la nourriture et les médicaments, qui ont souffert de la forte volonté du gouvernement de payer la dette plutôt qu'importer", explique à l'AFP Diego Moya-Ocampos, du cabinet d'études britannique IHS.

La Fédération pharmaceutique estime que 85% des médicaments sont manquants au Venezuela. Les habitants sont lassés de faire la queue pendant des heures face aux supermarchés et aux pharmacies, pour finalement ne pouvoir acheter qu'une partie des produits dont ils ont besoin.

C'est cette colère populaire qui est à l'origine du vaste mouvement de protestation du printemps, quand des milliers de Vénézuéliens ont manifesté sans relâche d'avril à juillet pour exiger le départ du président Maduro. Les violences autour de ces rassemblements ont fait 125 morts.

A Caracas, Freddy Chacon, chauffeur de moto-taxi de 27 ans, soupire: "J'ai entendu dire qu'ils ont du mal à payer, ce qu'ils devraient faire c'est acheter des médicaments et des aliments".

"Mais si tout d'un coup ils arrêtent de payer, ça peut être pire", reconnaît-il.

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