Achat de votes à Corbeil-Essonnes : prison ferme pour l'ancien maire, proche de Serge Dassault

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Par Anne LEC'HVIEN - Paris (AFP)
Publié le 17 décembre 2020 - 19:11
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Six personnes, dont l'ancien maire LR de Corbeil-Essonnes et bras droit de Serge Dassault, Jean-Pierre Bechter, ont été condamnées jeudi à Paris à des peines d'un à deux ans de prison ferme, pour avoir participé à un système d'achat de votes lors des élections municipales de 2009 et 2010.

Une décennie après les faits, le tribunal a entériné l'existence, à l'orée des années 2010, d'un système de corruption électorale pyramidal dans cette commune de l'Essonne, alimenté par la fortune de l'avionneur milliardaire, décédé en 2018.

Un "système Dassault" qui consistait à recruter des équipes de quartiers pour convaincre les habitants de voter pour la liste menée par Jean-Pierre Bechter en échange d'argent, de promesses de logement ou d'emploi.

"Récurrent, porté au statut d'institution", il fonctionnait avec des "moyens de versements occultes" et des "groupes d'influence grassement rémunérés", a décrit la présidente du tribunal lors de la lecture du jugement.

"C'est au grand minimum 12,5 millions d'euros que Serge Dassault a, en toute illégalité, investis dans ses campagnes électorales", a déclaré la magistrate, soit "le prix de l'OPA sur Corbeil-Essonnes".

"Les faits sont d'une particulière gravité", "de nature à fortement dégrader la confiance des citoyens envers leurs élus et, au-delà, à discréditer le fonctionnement de la démocratie", a tancé le tribunal, soulignant le "chaos" engendré dans la commune - "agressions", "cambriolages", "appels malveillants", "tentatives d'assassinats"...

- "Maire de paille" -

En 2009, Serge Dassault, maire UMP depuis 1995, avait été déclaré inéligible après l'annulation par le Conseil d'Etat de sa réélection l'année précédente, à cause de "dons d'argent" suspects.

Il avait alors passé la main à Jean-Pierre Bechter qui avait remporté une première élection partielle en 2009, à nouveau invalidée car le nom de Dassault apparaissait sur ses bulletins. M. Bechter avait finalement gagné la mairie en décembre 2010.

Lors de ces deux élections, il était un "maire de paille", "principal bénéficiaire du système", a estimé le tribunal, qui l'a condamné à deux ans de prison pour achat de votes et financement illégal de campagne électorale; une peine à purger en détention à domicile sous surveillance électronique.

"Il est innocent donc il fait appel, pour lui et pour la ville de Corbeil-Essonnes dont il a été le maire pendant 10 ans", a réagi son avocat Sébastien Schapira.

L'ancien adjoint à la mairie Jacques Lebigre, 79 ans, a été condamné à 2 ans de prison ferme et à une amende de 15.000 euros. Il a également fait appel. Son avocat Julien Andreza dénoncé un "tribunal (qui) s'est comporté dans ce dossier en chambre d'enregistrement de l'ordonnance de renvoi".

- Intermédiaires -

L'ex-adjointe au Logement Christella de Oliveira, 42 ans, qui était poursuivie pour blanchiment de financement illégal de campagne et recel, mais pas pour avoir rémunéré des militants, a cependant été condamnée à 18 mois de prison dont 6 mois avec sursis.

Younès Bounouara, 48 ans, a été condamné à 2 ans de prison pour avoir été un intermédiaire. Le tribunal a refusé de prononcer une confusion de peine avec celle de 15 ans qu'il purge pour une tentative d’assassinat liée à ces soupçons d'achat de votes.

Deux autres hommes ont été reconnus coupables d'avoir été des chevilles ouvrières du système: Machiré Gassama, 43 ans, ancien directeur Jeunesse et sports (un an de prison) et Mounir Labidi, ex-agent municipal de 36 ans absent au procès (deux ans de prison).

L'avocat de M. Gassama a indiqué que son client ferait appel.

Tous ont également été condamnés à 5 ans d'inéligibilité.

Le parquet national financier (PNF) avait requis à l'audience début novembre 4 ans de prison ferme et 100.000 euros d'amende à l'encontre de M. Bechter, ainsi que 2 ans et 15.000 euros d'amende pour les cinq autres prévenus.

"C'est un bon jugement, équilibré, très sérieux", a réagi Jérôme Karsenti, avocat d'Anticor, partie civile à qui le tribunal à accordé 30.000 euros de dommages et intérêts. Les prévenus ont aussi été condamnés à verser 1 euro de dommages et intérêts et des frais de justice au nouveau maire de gauche, Bruno Piriou, élu en juin à la place de M. Bechter, ainsi qu'à la commune elle-même.

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